Chaque collectivité, donc chaque nation, organise à sa manière les relations entre ses membres, relations qui concernent la production et l'appropriation des biens, les contacts entre individus et groupes, le pouvoir et le prestige. En un sens chaque nation se veut une île d'utopie, centrée sur ses intérêts, ses normes, ses valeurs. Il en est également ainsi pour la conduite des activités économiques, la vie de l'entreprise et l'organisation de ses contacts avec le marché: il conviendrait parfois de les examiner avec les outils de l'ethnologue.
En contrepartie l'internationalisation est un fait, et un fait nécessaire: pour assurer la sécurité mais aussi la coopération et le développement. La Joint Venture figure parmi les innombrables outils de la coopération économique internationale. Elle met en jeu un double mouvement: insertion dans la vie quotidienne d'une nation, communication et compromis indispensables avec une autre communauté nationale et avec la communauté internationale.
La diversité des situations nationales au regard des investissements internationaux prend sa source:
- dans le mode de rattachement du pays aux règles ou pratiques internationales qui organisent la sécurité des personnes et des biens, l'ordre économique et la vie des affaires.
- dans la manière de traiter, en interne, les relations entre l'entreprise et son environnement social et politique. Ces relations sont d'ordre juridique - réglementaire ou jurisprudentiel ou contractuel - mais aussi d'ordre psychologique - attitudes, valeurs, comportements coutumiers.
Chacun des quatre groupes d'éléments - droit international, droit public, droit privé des affaires, climat des affaires - est en soi suffisamment discriminant pour répertorier les nations dans des grilles de classement qu'on pourrait accompagner de "ratings" chiffrés à la maniere des analystes financiers.
Leur combinaison dans une situation spécifique - au moins deux nations, deux partenaires, une branche d'activité, des législations évolutives, des conjonctures changeantes, plusieurs niveaux de problèmes - tout cela entraîne la complication, la complexité et, le cas échéant, le chaos de la vie.
C'est-à-dire que le juriste doit pouvoir:
- dénouer la complication: isoler les problèmes juridiques simples mais innombrables, et les résoudre;
- tenir compte de la complexité: c'est-à-dire de l'interaction entre les acteurs, les problemes, le marché, le temps, etc...;
- prendre garde au chaos: ce grain de sable (un document oublié, un interlocuteur négligé) qui grippe la machine, ou comme le disent les mathématiciens du chaos, ce battement d'ailes d'un papillon dans la baie de Sidney qui peut déclencher une tornade sur l'Himalaya ou un ouragan psychologique sur le Caine.
Chaque situation de Joint Venture est unique et, de ce fait, au moment de la décision rien ne peut remplacer le coup d'oeil stratégique - et la chance - du manager et de ses assistants, juristes et non juristes.
On peut du moins, pour faciliter l'analyse du milieu juridique national:
- recenser les éléments à prendre en considération;
- regrouper les systemes de droit caractéristiques.
VOIR "TABLE DU RISQUE POLITIQUE"
LES ELEMENTS DU DROIT DES AFFAIRES NATIONAL
1 L'ADHESION AU DROIT INTERNATIONAL
Chaque nation se caractérise par un degré plus ou moins élevé d'acceptation des normes internationales.
1.1) Le droit international public: concerne en premier lieu, l'existence et la sécurité des nations. Seul un petit nombre d'états (dont la Suisse, les deux Corées, Taïwan et le Saint-Siege) ne sont pas membres de l'O.N.U. Mais il ne suffit pas d'être membre, comme 159 états, de l'Organisation pour:
- adhérer à toutes les conventions et recommandations émises par l'Organisation elle-même (la Charte Internationale des Droits de l'Homme) ou par ses institutions spécialisées (par exemple le Fonds Monétaire International ou l'Organisation Mondiale du Commerce); appliquer soi-même rigoureusement les conventions ou obtenir d'autrui une application rassurante (prévention des conflits). Il n'est pas inutile de rappeler les problèmes que posent à l'homme d'affaires - a fortiori à l'investisseur - les situations de conflit: guerre, non reconnaissance d'un état (Israël, Afrique du Sud) démembrement d'une entité nationale (Union Soviétique, Yougoslavie), guerilla interne, prises d'otages etc...
Le droit international public concerne aussi la coopération entre nations et notamment la coopération économique. On connait les principes de base de cet ordre économique international: la liberté de circulation des marchandises: diminution des tarifs douaniers et obstacles non-tarifaires (dumping, obstacles techniques, subventions, monopoles de marchés publics); l'effort pour libérer les prestations de services; la libre circulation des capitaux; la liberté d'établissement des personnes physiques et morales;
Le respect de ces regles est assuré par l'adhésion de chaque pays:
- à des conventions multilatérales valables pour le monde entier: Il s'agit par exemple des principes généraux décidés dans le cadre du GATT (clause de la notion de la plus favorisée, traitement national, réduction des obstacles douaniers ou quantitatifs aux échanges). Il faut citer aussi, dans le domaine qui nous intéresse, la convention de Washington (1965) instituant le règlement des différends en matiere d'investissement et la Convention de Séoul (1985) créant l'Agence multilatérale de garantie des investissements.
- à des conventions multilatérales acceptées pour certains pays ou certaines régions dans le cadre des relations Nord-Sud, ou encore dans les relations entre pays développés. Le droit de la Communauté économique européenne est sans doute l'exemple le plus significatif de tels accords; mais il en existe bien d'autres (marché commun nord-américain).
- à des accords bilatéraux: traités de commerce (par exemple l'extension de la clause de la nation la plus favorisée accordée à l'Union soviétique par le gouvernement américain) accords bilatéraux d'autolimitation (textile, automobile) et nombreuses conventions bilatérales sur le traitement des investissements.
Bien entendu le degré d'adhésion du pays d'accueil à ces obligations internationales doit être apprécié au cas par cas:
- tous les pays ne sont pas signataires des conventions universelles et à fortiori des accords régionaux et bilatéraux,
- il existe de nombreuses lacunes dans la "réglementation" internationale:
en matière de commerce: obstacles techniques liés aux normes, aux procédures d'importation, à l'acces aux marchés publics,
. en matière de circulation des services,
. en matière de libération des paiements et des mouvements de capitaux,
. en matière d'établissement des personnes physiques ou morales.
- l'application des règles n'est pas toujours rigoureuse. Les états signataires peuvent recourir aux clauses de sauvegarde, laisser traîner les situations délicate, rechercher un contentieux dilatoire ou tout simplement faire jouer "les pesanteurs sociologiques" qui freinent la liberté des échanges.
Tout ceci laisse encore une large liberté de manoeuvre aux gouvernements pour orienter à leur profit les courants d'investissements.
La sanction effective aux manquements ne réside d'ailleurs pas tellement dans le contentieux, toujours trop long pour les affaires délicates.Les états se montrent plutôt sensibles à la pression diplomatique exercée par le Fonds Monétaire International et par les grandes puissances (Groupe des 7) ainsi que, de manière générale, par l'opinion publique qui exprime une sorte de "rating" des pays d'accueil.
Déterminer le degré d'acceptation du droit international est essentiel pour évaluer un partenaire puisque les engagements extérieurs priment le droit interne et facilitent le règlement des conflits.
Il existe en outre une logique puissante de l'ordre économique mondial, logique libérale et monétaire. Elle est représentée notamment par le " Consensus de Washington Consensus de Washington " , sorte de philosophie conjointe du Fonds monétaire international et de la Banque Mondiale. Cette logique est contestée par les pays endettés d'Amérique latine, ou par les derniers régimes socialistes, ou encore, en tant que société matérialiste de consommation , en pays d'Islam populaire. Mais elle constitue la référence du FMI, gendarme secouriste des paiements, tout comme le GATT a été le gendarme secouriste de la liberté des échanges.
1.2° Le droit international privé des affaires
Les états et les organismes intergouvernementaux sont les principaux législateurs de l'ordre économique. Cependant à côté d'eux, des organisateurs privés à caractere universel (exemple: la Chambre de Commerce Internationale) ou régionale (exemple: fédérations professionnelles européennes) définissent explicitement des regles de conduite ou des "usages internationaux".
La Chambre de Commerce Internationale réalise un important travail de clarification des concepts juridiques du commerce extérieur (INCOTERMS) et propose des solutions d'arbitrage.
Les organisations professionnelles définissent des normes de comportement souvent avalisées par les états (par exemple: l'IATA dans le transport aérien) ou en voie de l'être: normes industrielles, nomenclatures et usages comptables, transmission électronique des données, déontologies professionnelles, pratique bancaire internationale.
Les grandes entreprises multinationales exercent aussi une pression normative de fait par leur poids en tant que fournisseur, client, emprunteur ou prêteur, concurrent potentiel. Il suffit de penser par exemple à la règle du jeu existante en matiere d'informatique, de télécommunications ou de construction aéronautique.
Bien entendu le degré d'adhésion des pays d'accueil et des entreprises partenaires aux "usages internationaux" est encore plus indéterminé que le respect des traités entre états. Cela d'autant plus que ces "règles" se réferent à des pratiques quotidiennes bien ancrées dans la sociologie économique locale - et apparaissent, souvent à tort ou à raison, comme une manière d'imposer la raison du plus fort. Le caractère fortement anglo-saxon des usages internationaux, parfois germanique (normes industrielles) ou japonais les rendent suspects aux yeux des autres partenaires: leur acceptation est alors affaire de négociation, de confiance ou de pouvoir.
2- LE DROIT INTERNE DES AFFAIRES
La vie d'une Joint Venture se déroule principalement dans l'espace national de l'état d'accueil. C'est donc essentiellement ce dernier qui détermine l'environnement juridique de la filiale commune et, en partie, celui du protocole d'associés. Cet environnement est caractérisé par les solutions nationales adoptées en matiere de droit public et de droit privé mais aussi par le climat des affaires.
2.1 Le droit public des affaires:
L'ordre constitutionnel et politique définit la conception que chaque pays se fait du rôle de l'Etat dans la vie des affaires:
- dans les relations avec l'étranger: par l'adhésion aux principes d'une communauté internationale universelle ou limitée, en matiere de mouvements de marchandises, de services, de capitaux et de personnes;
- dans la fixation des règles de droit privé qui encadrent la vie des affaires: droit civil, droit commercial, relations de travail;
- dans la conduite de la politique économique: notamment par la politique de la monnaie et du crédit, par la fiscalité, par la dépense publique;
- comme propriétaire d'un domaine public ou même de la totalité des ressources foncieres ou minieres.
- comme propriétaire d'entreprises et fournisseur parfois monopolistique (énergie, transport, services divers); les collectivités publiques décentralisées (régions, départements, communes) disposent également de moyens d'intervention qui vont de la politique d'implantation foncière des communes jusqu'à une législation autonome dans chacun des états fédérés aux U.S.A.
L'intervention de la puissance publique se mesure dans la réglementation concrètement applicable -par exemple le taux de l'impôt - mais aussi dans les modalités du recours contentieux et des garanties effectivement données aux intérêts privés.
En outre la stabilité des règles et leur transparence - la Glasnost? - sont particulièrement appréciables pour l'homme d'affaires.L'instabilité politique et l'opacité administrative ne sont guère favorables aux investisseurs internationaux.
2.2 Le droit privé des affaires
a) - le statut des personnes physiques ou morales engagées dans la vie des affaires:
- capacité ou incapacité des personnes physiques, notamment des étrangers;
- rôle des sociétés de personnes dans la vie des affaires (par exemple la BGB-Gesellschaft en Allemagne fédérale, la société simple en Suisse);
- formes et fonctionnement des sociétés de capitaux: par exemple la popularité de la GmBH en Allemagne alors que cette forme sociale est peu appréciée en Suisse ou au Japon.
b) le statut des biens: propriété immobilière, propriété intellectuelle (brevet, licence, marque), notion de trustee anglo-saxon inconnue dans le droit français.
c) la responsabilité, avec ou sans faute: domaine où l'opinion, la jurisprudence et...l'art des lawyers font la différence entre pays. Responsabilité du fait des produits, des opérations de l'entreprise, responsabilité sociale envers le personnel, recherche éventuelle de responsabilité des actionnaires au-delà des capitaux investis.
d) le régime des actes et opérations de l'entreprise:
- le droit comptable et l'examen des comptes;
- le droit du financement et des modalités de paiement;
- le droit de la commercialisation: marketing, publicité.
- Les opérations, et parfois les droits réels, peuvent résulter d'usages très anciens (droit rural, droit maritime) ou de pratiques professionnelles plus ou moins codifiées (comptabilité, crédit bail, affacturage, franchise) ou encore des principes généraux admis par la communauté d'affaires locale ou par les tribunaux lorsqu'ils se prononcent en équité (exemple: la vente loyale et marchande, l'obligation de loyauté pour les dirigeants etc...).
Tout ceci n'est pas forcément enregistré dans les codes et contribue au climat des affaires.
2.3 Le climat des affaires
Le droit n'est certes pas le seul facteur qui modele les relations sociales, même dans les pays à forte tradition de droit écrit. L'expression "climat des affaires" évoque bien le mélange vague d'opinions, attitudes et comportements qui constitue le tissu de la vie quotidienne des coopérations entre firmes . Cette maille peut être suffisamment contraignante pour étouffer toute bonne volonté etconduire à l'échec même si le recours au droit est théoriquement possible (mais à quel prix? et avec quelles chances de succès?).
a) Le climat général de la vie politique et sociale:
La guerre étrangère bien sûr, mais aussi les troubles sociaux, la paralysie ou l'inefficacité des services publics, l'insécurité urbaine, la guerilla rurale, la surveillance policière, la corruption politique, les scandales financiers autant de facteurs qui empoisonnent la vie publique.
Dans de telles circonstances, l'entreprise ne peut vivre son rêve de stratégie rationnelle et doit pratiquer une tactique de commando ou renoncer. En cas de crise le juriste d'affaires peut devenir le conseiller spécial de James Bond ou de Goldfinger.
b) L'attitude envers l'économie:
Il s'agit des conceptions et comportements de la population envers les themes liés à l'économie: le travail, le profit, l'argent, le respect de la parole donnée, le secret professionnel, l'honnêteté, le besoin de consommer ou d'épargner.
N'oublions pas non plus, sur un mode apparemment mineur, les inconvénients pratiques des moeurs et coutumes ou d'interdits religieux. Ils concernent par exemple: le calendrier civil, la consommation de certains produits, l'emploi des femmes, le sentiment de pudeur ou de la familiarité.
La vie économique et même le droit sont fréquemment subordonnés à d'autres valeurs: Dieu, la patrie, la révolution... Ces valeurs collectives influent évidemment sur les manageurs, les employés de l'entreprise, les fournisseurs et clients, les prescripteurs de toute nature, les magistrats, les leaders de l'opinion économique tels que syndicats professionnels et journalistes.
Tous ces groupes sont essentiels à la bonne marche de l'entreprise. Il est prudent de s'interroger sur leurs aptitudes, leurs attitudes et leurs comportements économiques.
Tout ceci varie évidemment selon les individus et aussi selon les pays.
c) L'attitude envers l'étranger
Les relations économiques sont perturbées par l'attitude envers l'étranger.
Il s'agit parfois d'une méfiance générale envers tout ce qui vient d'ailleurs (la Chine profonde, l'Angleterre profonde, la France profonde n'en sont pas exemptes) ou de ce qui vient des "puissances dominantes" (en terre d'Islam et dans les anciens territoires coloniaux). La xénophobie est parfois orientée envers l'ancienne puissance coloniale ou envers "l'ennemi héréditaire". Dans ce dernier cas c'est presque toujours le voisin immédiat qui suscite cette animosité.
En contrepartie l'excès d'admiration (donc de revendication) envers autrui peut poser de sérieux problèmes, par exemple dans les pays de l'Est récemment ouverts à l'économie de marché: la coopération suppose des partenaires adultes et non-dépendants, idéalement dotés d'une véritable autonomie de la volonté.
d) Comment s'exerce l'opinion publique?
Comme tout facteur stratégique, l'opinion peut apparaître selon les cas comme une opportunité, voire un atout comme un risque, voire une simple contrainte.
En dehors des éventuelles manifestations violentes (guerre, révolution, émeute, etc...), il faut repérer le lien entre l'expression d'une sensibilité et l'apparition d'une norme de comportement contraignante: habitudes de consommation, modes de vie, méthodes de travail, éthique professionnelle (des avocats, comptables,fonctionnaires ou camionneurs...) codes de déontologie, usages généraux ou spécialisés, commentaires doctrinaux qui, notamment dans les pays de droit écrit, peuvent inspirer le législateur ou les tribunaux et fournir des arguments de négociation ou de plaidoierie.
3 LES SYSTEMES JURIDIQUES
COMPLEMENTS
<Table politique internationale><Table de l'économie> <Table Société> <Table politique>
<Table Planete> Espace Judiciaire Européen<Bibliographie de l'Etat>
<Politique extérieure sur Internet> <Droit sur Internet> <MANAGINTER>