Sous ce titre, le groupement publie aux éditions La dispute, Syllepse, VO Editions, un résumé de ses prises de positions à l'été 1999, c'est à dire avant l'échec des négociations de Seattle, échec partiellement attribué à l'action des ONG, dont ATTAC. Ceci est un résumé de l'ouvrage.
"ATTAC est le sigle de l'Association pour la taxation des transactions financières pour l'aide aux citoyens"
9 bis rue de Valence 75005 Paris http://attac.org et attac@attac.org
COMPRENDRE ET AGIR AVEC ATTAC (Bernard Cassen, Professeur à Paris 8, Directeur du Monde Diplomatique et Président d'ATTAC
Les trois libertés de la mondialisation sauvage concernent le commerce, l'investissement et les mouvements de capitaux.
Elles déclinent une sorte de "Déclaration universelle des droits du capital" mis en pratique par le FMI, la Banque Mondiale, l'OMC, l'OCDE et la Commission européenne, plus efficacement que l'ONU quand elle défend les Droits de l'Homme.
L'hégémonie du capital cherche à s'imposer sur divers fronts: spéculation monétaire, paradis fiscaux,dette, criminalité financière, fonds de pension, hold up des multinationales sur le vivant (OGM), libre échangisme débridé de l'OMC, rôle néfaste des institutions financières internationales. Son effort est relayé par le travail pédagogique des économistes classiques, journalistes , ministres et commissaires européens.
Donc les citoyens s'adressent directement à eux pour répondre à la dictature des marchés par la réappropriation collective de notre avenir. . On assiste à une prise de conscience tardive des dirigeants politiques.
I- DANS LA JUNGLE DE LA MONDIALISATION FINANCIERE
- TYRANNIE DE LA GLOBALISATION (Dominique Plihon, professeur à Paris Nord)
Intimement liée à la mondialisation des échanges de biens et services, la globalisation financière a été beaucoup plus brutale.
desintermédiation: accès direct et moins coûteux aux marchés des titres financiers sans passer par les banques;
décloisonnement à l'intérieur et à l'extérieur des états des marchés (monétaire,financier, cambiste, à terme etc...)
déréglementation: Japon 1983-84, marché unique des capitaux européens, pays émergents d'Europe centrale, Amérique latine et Asie du Sud Est.
L'instabilité des taux d'intérêt et taux de change a suscité l'apparition de nouveaux instruments (marchés à terme, options, swaps...) qui amplifient l'instabilité avec effet de levier. Les banques centrales n'ont plus les moyens de se défendre contre la spéculation: la totalité de leurs réserves représente le montant quotidien des transactions de change.
D'où la récurrence des crises (Europe 1992-93, Mexique 1994, Asie 1997-98, Brésil 1999...par risque systémique. Déclenchée par la spéculation, la turbulence se propage par effet de contagion sur des places financières étroitement connectées, par le mimétisme et l'anticipation des "traders".
La liberté de mouvement devait en principe conduire à une meilleure allocation des ressources en capital.Il n'en a rien été: les pays industralisés sont les plus gros bénéficiaires, les pays les moins avancés sont exclus et les pays émergents sont victimes des crises.
Le gonflement de la sphère financière n'a plus de rapport direct avec le financement de la production et des échanges. La BRI estime que les transactions financières sont 50 fois plus importantes que la valeur des échanges de biens et services.
- LES MECANISMES D'UNE CRISE AUX REPERCUSSIONS PLANETAIRES (François Chesnais, Professeur à Pais Nord)
La cause des crises n'est pas, comme on le croit souvent, un simple incident de mauvaise gestion dans un environnement de "fondamentaux sains". Mais en fait un transfert de richesses dentre classes sociales et entre pays. Ce transfert est né de la libéralisation et de la mondialisation responsables du chômage,, de la précarité et des bas salaires.
Trois mécanismes de diffusion des marchés sont en oeuvre:
chute de la production et des échanges à partir des marchés intérieurs et des marchés d'exportation (concurrence acharnée, chute des importations nécessaires à la production industrielle)
crise bancaire par aggravation des mauvaises créances
crise boursière par crainte de dégradation d'actifs généralement surévalués. Un krach boursier peut survenir à tout moment
- AU SUD, DE NOUVEAUX RESEAUX TRANSNATIONALISES (François Houtart, sociologue, Professeur émérite à Louvain)
Les "programmes d'ajustement structurel" visent à :
rétablir les équilibres macro-économiques internes et externes
obtenir une plus grande efficacité du marché en privatisant l'activité économique
et en dérégulant au maximum les échanges.
Double affaiblissement de l'Etat par le rapport international et par l'affaiblissement d'interventions publiques contre l'exclusion et la pauvreté. Selon l'ultra-libéralisme, l'Etat n'est plus le gestionnaire de la croissance ou le régulateur de l'accumulation mais un simple instrument de l'émergence.
Emergence, au Nord, au Sud et à l'Est, de nouveaux groupes sociaux pour la gestion des "pôles performants"
avec une idéologie commune néomoderniste (international s'impose au national, l'entreprise privée à l'Etat, sans redistribution)
et des réseaux de pouvoir transnationalisés. Voire même le passage à un multilatéralisme militaire permettant l'intervention dans les pays perturbateurs ou perturbés.
Instrumentation de la démocratie au service de l'économie de marché: les forces productives s'imposent aux rapports sociaux
On ne pourra pas reconstituer l'Europe d'après guerre du plein emploi et de la répartition négociée par un pacte social: la pression sociale au niveau transnationalisé reste négligeable et il n'existe pas d'Etat mondial régulateur.
TOUS LES POUVOIRS AUX FONDS DE PENSION? (Pierre-André Imbert)
Les "zinzins" (assurances, fonds de pension, fonds de placement collectifs)détenaient en 1996, 25000 milliards $, soit une année de PNB mondial.
Cette fortune s'est accumulée grâce aux profits sur les changes (à partir de 1973) sur la dette publique induisant des taux d'intérêt bien supérieurs à l'inflation (années 80)
La domination des rentiers incite les gouvernements à modérer la croissance et à se défaire au profit des marchés de leurs instruments d'intervention économique et sociale. Elle s'accompagne aussi , dans l'entreprise, d'une dictature des actionnaires sur la gestion quotidienne (rachat de leurs propres actions par les entreprises, compression des effectifs et des salaires, redécoupage au profit des seules activités rentables.
UNE FORME EXACERBEE DE LA MISE EN VALEUR DU CAPITAL (Michel Husson)
Le capital peut passer librement d'un pays à l'autre ou d'un actif à l'autre pour échapper à l'impôt ou recueillir le profit maximum d'une monnaie ou d'un différentiel de rendement. La totale liberté du capital conduit à l'anarchie et à la régression sociale. Il faut donc la freiner au niveau des pays récepteurs, des paradis fiscaux, des pays fournisseurs (impôt).
CONTRÖLER LES FLUX DE CAPITAUX, C'EST POSSIBLE (Bruno Jetin, Universitaire à Paris Nord)
La "nouvelle architecture financière" annoncée par le G7 ne propose que la transparence d'informations qui faciliteront la vie des spéculateurs mais n'apporteront aucune solution à l'instabilité destructrice des marchés financiers.
Vertus de la Taxe Tobin: Portant sur les allers-retours rapides, elle ne pénalise pas les opérations commerciales et investissements stables. Limitant la spéculation sur taux de changes, elle permettrait de pratiquer des taux d'intérêt moins élevés.
Ses limites sont politiques (comment appliquer partout et en même temps) mais aussi économiques (attaques massives et fuites de capitaux)
Il faut donc la compléter par des mesures à moyen et long terme:
limitation des entrées de capitaux à court terme (Chili 1991-97, Colombie 1993-96)
contrôle des sorties Malaisie 1998
Critique des "droits de l'homme" par les financiers:
- les contrôles de capitaux sont injustes (totalitarisme de l'Etat, suppression de droits indivuduels)
- et inefficaces, finalement faciles à contourner.
QUAND LES MAFIAS PROSPERENT DANS LES PARADIS JUDICIAIRES
(Jean de Maillard), magistrat, auteur d'Un Monde sans Loi)
Les paradis fiscaux et bancaires sont surtout juridiques. Les capitaux s'y réfugient dans de nouveaux états clos souvent gérés par des mafias (Danger venu de l'Est.). On peut réagir de deux manières:
- un registre mondial des sociétés permettant d'identifier les opératuers de bonne foi, quitte à compléter par une "Autorité internationale de confiance" veillant à protéger les anonymats légitimes
- une liste noire des structures visant à dissimuler les véritables propriétaires de fonds
- un espace judiciaire européen facilitant le travail des juges.
SI L'EUROPE VOULAIT...
(Lem Hoang Ngoc et Jorg Huffschmid, signataires de la déclaration d'économistes européens)
L'Union européenne s'inspire de la politique monétariste de Reagan pendant son premier mandat, et dont les effets pervers (étranglement des dépenses publiques, monnaie surévaluée, intérêts exorbitants qui dépriment la croissance et l'emploi). Or dès 1985, une autre politique, non monétariste, a été appliquée avec baisse des taux d'intérêt et dépréciation systématique de la monnaie. Pendant ce temps l'Europe s'engageait dans une politique inverse. La social-démocratie, aujourd'hui au pouvoir en Europe, doit redresser la barre en imposant "la main visible" de la démocratie:
ENRAYER LA SPIRALE INFERNALE DE LA DETTE
(Eric Toussaint, Comité d'annulation de la dette du Tiers Monde)
La dette du tiers-monde (Est non compris) s'élèverait en 1997 à 1950 milliards$, le remboursement annuel à environ 200 milliards $.Les aides publiques s'élèvent à 45 milliars $.Les dépenses militaires dans le monde s'élèvent à 780 milliards $ et la publivcité à 1000 milliards$.
Aux USA, l'endettement des ménages atteint 5500 milliards<$ et la dette publique dépasse 5500 milliards $.La dette publique des 15 états membres de l'Union européenne dépasse également 5500 milliards $.
Le Comité pour l'annulation de la Dette du Tiers Monde demande :
- l'annulation générale de la dette publique des pays dépendants
- l'utilisation des ressources libérées en faveur des populations et du développement durable
- en y ajoutant la rétrocession des avoirs détenus au Nord par les riches du Sud et le dédommagement des pillages exercés par les pays industrialisés
APRES L'AMI, LE TOUR DU PET ET DU CYCLE DU MILLENAIRE
(Susan George, Présidente de l'Observatoire de la mondialisation)
Ignorance des parlementaires américains et européens sur la nature exacte des engagements internationaux qu'ils ratifient.
En se retirant des négociations le 3/12/1998 à l'OCDE, la France a fait enterrer l'Accord<Multilatéral sur les Investissements.
- Un nouveau danger apparaît avec la proposition de zone de libre échange entre les USA et l'Union européenne, appelée Partenariat Economique Transatlantique. Léon Brittan la négociait sans mandat depuis 1995.
- Les négociations à l'OMC envisagent , entre autres , de rétablir la négociation de l'AMI.
REINVENTER LA POLITIQUE DU MOUVEMENT SYNDICAL
(Dan Gallin, directeur du Global Labor Institute à Genève, )
Une économie internationale reste un assemblage d'économies nationales reliées par des réseaux de commerce, d'investissement et de crédit. C' est autre chose qui prend forme aujourd'hui: une économie globalement intégrée.
Il existe 40.000 entreprises transnationales, avec 200.000 filiales qui réalisent 75% du commerce mondial dont un tiers à l'intérieur d'une même société. Les STN empiètent sur le domaine réservé des gouvernements nationaux.Il y a affiblissement des états, mais aussi des structures politiques organisées dans un cadre national (Parlements, partis, syndicats).L'Etat national (même un gouvernement social-démocrate) ne viendra plus au secours du mouvement ouvrier
La destruction des emplois procède des délocalisations mais aussi des restructurations. Sur le marché global, tous les travailleurs sont en concurrence avec un éventail des salaires de 1 à 50. D'où détérioration des conditions de travail, précarisation, montée du secteur informel et spirale conduisant au travail d'esclave.Les pays déetrminant les conditions au bas de l'échelle sont des régimes autoritaires actuels(Chine, Vietnam, Indonésie) ou anciens (Russie, Amérique latine) ou de rapports sociaux complexes et peu démocratiques (Inde, Mexique, Turquie).
La mondialisation actuelle ne concerne que le capital et le réseau politique à son service (traités multilatéraux et institutions supranationales). On peut imaginer un autre ordre mondial qui correspondrait aux intérêts de la société.
Le mouvement syndical reste peu organisé à ce niveau. La reconstruction d'après guerre et les Trente Glorieuses ont consolidé un modèle de paix sociale fondée sur les droits syndicaux et l'Etat Providence. La Guerre Froide fausse les priorités et freine les évolutions souhaitables des syndicats eux-mêmes. La CISL, plus important mouvement avec 125 millions d'adhérents, reste sans projet depuis la disparition du communisme. Les syndicats professionnels internationaux sont peut-être mieux équipés mais mal coordonnés. Que faire?
- faciliter dans le monde l'accès à l'organisation syndicale
- syndiquer les travailleurs des Sociétés TransNationales
- créer de grandes centrales interprofessionnelles assurant la centralisation de l'action
- maintenir la démocratie syndicale en évitant la bureaucratie par la décentralisation de la décision politique
- repolitiser l'action syndicale sur quelques valeurs
- utiliser la télécopie et l'ordinateur.
VERS DES MOBILISATIONS EUROPEENNES ET MONDIALES
(Christophe Aguiton, syndicaliste, responsable des actions internationales d'ATTAC)
La mondialisation résulte de deux évolutions:
- à long terme, et en cours d'accélération, l'incorporation dans le marché mondial d'une part croissantede l'activité humaine par rapport à l'autosubsistance et aux échanges de proximité
- un cycle court, après cinquante ans d'intervention de l'Etat depuis les années 30, une réduction de ses fonctions et des mécanismes de protection sociale.
- La combinaison de ces mouvements rend la mondialisation actuelle explosive.
La faible réaction ouvrière s'explique par la désyndicalisation depuis les années 70, la dilution de l'environnement idéologique fondée sur lemarxisme ou sur la philosophie des Lumières. Une remobilisation s'opère dans le cadre européen, contre l'AMI et maintenant contre le Cycle du Millénaire, les marchés financiers ou la dette du tiers monde. D'autres sujets concernent les OGM, le droit des femmes, l'action du FMI et de la Banque mondiale.
POUR LA RECONQUÊTE DU SENS DES MOTS
(Bernard Cassen)
Le combat se déroule en grande partie sur le terrain idéologique. La terminologie est détournée soit par association à des périodes historiques honnies de tous, soit pour rajeunir "les chevaux de retour" du vieux libéralisme.
La construction européenne sert de paravent à cette pensée de marché. La seule démocratie qui compte est celle des marchés, ou la République des actionnaires...
L'ouvrage de l'ATTAC est complété par une bibliographie:
- de rapports officiels (PNUD, Banque Mondiale ...)
- d'ouvrages critiques de plusieurs économistes
- d'articles , principalement du Monde Diplomatique.
COMPLEMENTS Guide du Commerce International TABLE DE L'ECONOMIE
Libéralisme et Libre Echange Commerce international et croissance
Commerce et développement