0 TABLE DES THEMES

TABLE DES TABLES

Chroniques

Actualités

Espaces

Acteurs

1 Contexte

Histoire des thèmes

 

2 Geographie des Themes

-ECOLOGIE

Sommet de la Terre Johannesbourg 2002

Catastrophes

Geopolitique du desastre

Maree noire du Prestige

La vulnerabilite

Ecologie

Encyclopedie de l'environnement

Chroniques de l'environnement

Changement climatique

Avenir de l'environnement mondial

Biologie

dechets et pollutions

L'Eau dans le monde

Les sols

Le nucleaire ecologique

Environnement et prospective

3TABLE DU POLITIQUE

Le DROIT

Systemes juridiques

Diversite juridique

Droits de l'Homme

Droits de l'Homme sur le terrain

Cour penale internationale

INSTITUTIONS

Politiques 2000

Systemes politiques

Geographie de Themes

Le federalisme

Etat, minorites, individus

Les elections

Decision politique

L'ordre public

Strategies et decisions

VIE POLITIQUE

Etat et politique

Le pouvoir des mots

Origines du risque politique

Securite et democratie

Le pouvoir

Les elections

Extreme-Droite

Conflits civils

Le terrorisme

Le terrorisme apres Madrid

Faits et causes du terrorisme

Appel Blair

Terrorisme et risque alimentaire

Politique, droit et societe

ADMINISTRATION

TABLE DE L'ADMINISTRATION

Management public

L'ENA au XXI° siecle

Fonds de pension

Aspects juridiques du service public europeen

Avenir europeen du service public

Service public en France et en Europe

Services publics europeens selon K.van Miert

Le service public

Rapport Bergougnoux

Concurrence

Electricite

Reforme ferroviaire

Le Gaz

Implications de la concurrence

Bergougnoux Introduction

Mesure de performance

Reformes de la poste

Categories de services publics

Services publics et concurrence

Services publics en Europe

Telecom. en Europe

Eau et services urbains

Statut des services publics

Bureaucratie dans les entreprises publiques

Depenses publiques: comparaison

L'impot

4 INTERNATIONAL

Conflits: prevention et resolution

Conflits dans le monde

Crise internationale

La crise

Conflits du Sud

Etats Voyous

La doctrine Bush

L'OTAN AU XXI° siecle

Futur de l'OTAN

OTAN

Proliferation nucleaire

Annee strategique

Fondation pour la strategie

L'armee

Revolution dans les affaires militaires

Strategie navale

Les armes

Les armes legeres

Armes biologiques

Armes chimiques

Bilan diplomatique 2002-2003

Conference d'Helsinki

Intelligence War

Geopolitique et geostrategie

Theories des relations internationales

Conclusions sur l'histoire du risque politique

La France au XXI° siecle

Relations internationales et ordre mondial

La Francophonie

Outremer français

Ministres de la cooperation

Les ministres de la cooperation

De Dieu a Diouf: la francophonie

Ambitions pour la francophonie

Le DROIT

5 ECONOMIE

POLITIQUE ECONOMIQUE

Etat regulateur

Bien public, biens publics

Institutions pour les marches

L'ordre economique

Delinquance financiere

Face a la corruption

DEVELOPPEMENT

TABLE DES PAYS EN DEVELOPPEMENT

Economie, societe, politique

Dimensions politiques de l'ajustement economiques

Democratie, Paix, Liberalisme, Developpement

Commerce et developpement soutenable

Le Nord a besoin du Sud

Les pays du Sud

Les capitalismes

Le systeme Ouest

Concepts du developpement

Effacer la dette

Systemes economiques

Vers un capitalisme europeen

Origines economiques du risque politique

INTERNATIONAL

La conjoncture economique

Economie 2002

Economie: bilans 1999

Le G8 d'Evian 2003

Competitivite mondiale

Economie sociale de marche

Privatisations

Divestitures of state entreprises

MONNAIE-FINANCES

FINANCE

Crise financiere mondiale?

Quels financements pour le Tiers Monde?

Enseignements de la crise financiere internationale

Emprise economique des marches financiers 

ECHANGES

Guide du Commerce International

ATTAC et la dictature des marches

Forum social europeen de Paris

Liberalisme et Libre Echange

OMC

L'OMC a Doha

OMC:Dossier Seattle

Seattle: le cycle du millenaire

Nouvelles negociations commerciales

OCDE et mondialisation

COFACE et risque international

Situation du Commerce mondial

Regimes particuliers du commerce

Commerce international et croissance

Commerce et developpement

La politique française du commerce exterieur

Diplomatie economique

Les contre-mesures

MONDIALISATION

Mondialisation:quoi?

Mondialisation:champs et processus

Mondialisation:: les espaces

Acteurs de la mondialisation

Prospective de la mondialisation

Scenarios de la mondialisation

Mondialisme, nationalisme?

6TABLE DES SECTEURS

SECTEURS

sur Internet

L'energie

Debats nucleaires

OPEP Petrole

Avenir sans petrole

Echanges de services

Transport aerien

Transports et mondialisation

Reformes ferroviaires en Europe

Chemins de fer

Transports maritimes

AGRICULTURE

Developpement cerealier et environnement

Cereales et OMC

Les banques

Mouements de capitaux

Restructuration des banques

Accord sur la Propriete intellectuelle

7 TABLE DE LA SOCIETE

POPULATION

Realites demographiques

Population

6 milliards d'hommes

Migrations

Structures familiales

RELATIONS SOCIALES

TRAVAIL, CHOMAGE, EMPLOI

Sorties du chômage

Usine a chomeurs

Les 35 heures

Travail et economie

Structures sociales

MODES DE VIE

Loisir

Marketing et histoire des moeurs

La ville

Economie et modes de vie

Consommation

Paris et le marche de l'art

SERVICES SOCIAUX

La sante

Reformes de sante

Alimentation du monde

Alimentation en 2050

Nourrir l'homme

Retraites et Tiers Monde

L'eau dans le monde

Changement

Ordre et changement social

8OPINIONS

MEDIAS

OPINIONS

La vérité sur Internet

CULTURES

Geographie des CULTURES

La culture

Notes et citations sur les cultures

GEOCULTURES

Collision des cultures

La geographie culturelle

Methodes interculturelles

Relations interculturelles

Mondialisation, culture et marketing

Le communautarisme

VALEURS-RELIGIONS

Table des religions

Opinions et idees

Valeurs sociales et strategies d'entreprises

Pensees uniques

Contre la publicite

Integration des opinions

La face cachee du journalisme

Media et opinion

Guerre psychologique

Table des religions

Laicite

Geopolitique des religions

Changer le monde

religion et modernite

Jean Paul II

Spiritualite laïque

Besoin de spiritualite

Opus Dei

Eglise et politique

Tolerance et liberte

Anglicanisme

Edit de Nantes

Theologies de la liberation

Jean Paul II, Teresa, Diana

Influence des protestants

Judaisme

Islam et la guerre

Islam, France et laïcite

Islam en France

Bahai

Islam fondamentaliste

Table de l'Islam

Zoroastre

Franc Maçonnerie

Marxisme, religion laïque

Les sectes

TABLE DES SAVOIRS: Sciences et techniques

Sciences du vivant

Organismes genetiquement modifies

Biotechnologie et alimentation

Institut Pasteur

Sciences de la matiere

Sciences sociales

La recherche dans le monde

Production des idees

Ecole en Europe

Missions de l'ecole

Table de l'Internet- NTIC

Internet et l'International

NTIC et commerce exterieur

Internet et l'entreprise

Internet 2000

Economie d'Internet

Geographie d'Internet

Infosphere et infostrategie

Le crime sur Internet

Internet et le droit

Hyperrepublique

Internet et politique

Internet: economie

Economie: secteurs

Internet et societe

Internet: communication, culture

Internet et les savoirs

Perspectives d'internet

9LE CHANGEMENT

Le risque et la crise

Tour d'horizon fin de siecle

Document sans titre

0 SOURCES

Recherche rapide

Recherche avancée

Biblio

Internet

Comment s'informer

Cyberscope

THEMES SUR INTERNET

BIBLIOGRAPHIE DES THEMES

BIBLIOGRAPHIE DU MONDE

Acteurs

Les Wiki par catégories

Entreprise MANAGINTER

Wikipedia

WIKIWAX

L'Encyclopédie de L'Agora

ReferenceDesk

1 Chroniques

Histoire

Passé

Actualite

Chroniques d'actualité

Contexte

 

2 Geographie

Geographie des themes

Geographie economique et humaine

Geographie physique du monde

Cartographie

Map Guide

Environnement

Ecologie

Biblio. de l'environnement ecologique

Union européenne

Pays de l'union européenne

Pays hors union européenne

Asie du sud

Asie centrale

Monde musulman

Moyen orient

Islam, islamisme

Afrique

Amérique latine

Etats Unis

Wikipedia afrique

Wikipedia amerique sud

Wikipedia ameriquenord

Wikipedia oceans

Wikipedia asie

Wikipedia europe

Portail union européenne

Sources d'europe

 

3 Politique

Politique

Action publiqueGEOPUBLIC

Geographie des politiques publiques

Droit

Droits nationaux

Droit international public

Droit privé, droits de l'Homme

Droit economique

Etat

Bibliographie de l'Etat

Bibliographie du politique

Bibliographie du risque politique

Bibliographie de l'administration

Administration française

Administration publique

Etat et services publics

Secteur public

Individu

Associations, ONG

Régions et communes

Biblio. des Collectivités territoriales

POLITIQUE et DROIT

POLITIQUE

Droits nationaux

Delinquance economique par pays

Le droit : sources

Droit public, Administration publique

Services publics

Politique et societe

Cyberdemocratie

Politique et opinions

Politique et futur

Foreign government resources

Political ressources

4 International

Politique internationale

Bibliographie de l'International

Sécurité, défense

Renseignement, services spéciaux, intelligence économique

INTERNATIONAL

La Francophonie

Forums mondialisation

Geopolitique

Mondialisation Globalisation

Droit international public

Droit et Politique internationale

Securite, Defense, Conflits

Terrorisme

Droit prive, droits de l'Homme

Renseignement, services speciaux, intelligence economique

Terrorisme

Forums mondialisation

Relations internationales AMAZON

Mondialisation, globalisation

Organisations intern.

Biblio. Organisations internationales

Associations, ONG

ONG britanniques

La Francophonie

Les colonies

 

5 Economie

Economie

Droit economique

Developpement economique

Actualité des affaires

Fiscalité

Commerce international

Secteur public

Bibliographie de l'économie

Bibliographie économique de la Documentation française

Biblio.de la concurrence

CONJONCTURE

Statistiques

Conjoncture economique

ECONOMIE

MacroEconomie

Economie: geographie

Droit economique

Economie: politique et droit

Developpement economique

Economie: international

Commerce international sur  Internet

Finance internationale

Microeconomie

Le consommateur

Economie et societe

Economie, opinions ,

Economie:

perspectives

Économie

Régimes économiques

Capitalisme

La Banque Centrale européenne

Économie internationale

Mondialisation

Économistes

 

6 Secteurs-Entreprises

Secteurs économiques sur internet

Entreprises

Portails et places de marché

Finance

Commerce sur INTERNET

Bib. Commerce

Commerce International

Travail Emploi

Industrie

Energie

Pétrole

Matieres premieres

Agriculture

Industrie alimentaire

Cereales

Chimie

Electronique Informatique

Mécanique

Automobile

Consommation

Pharmacie

Textiles

Batiment et travaux publics

Télécommunications

Transports

Marchés publics

Opérations

Marketing

Publicité

Comptabilité

Achats

services généraux

Ressources humaines

Investissement international

Management général

Sites HARVARD

Stratégies

Multinationales

Création et petite entreprise

Biblio. Microéconomie

Bibliographie de l'Entreprise

WN Industry WNBusiness

7 Société

Société

Bibliographie de la société

Société globale

La santé dans le monde

Jeunesse

Femmes

Vieillissement de la population

Individu

Bibliographie de l'individu

Biblio. famille et couple

Biblio de la ville

Biblio. Renseignement et desinformation

Biblio. des sciences sociales

Corruption

Biblio. de la Violence

SOCIETE

Femmes sur  Internet

Jeunesse

Immigration

Population

Vieillissement de la population

Races, ethnies sur  Internet

Langues sur  Internet

Culture, cultures

Le crime

Societe globale

Travail Emploi

Villes

Aide sociale sur  Internet

La sante dans le monde

Loisirs

Arts et lettres

Environnement

Institut de Recherche des Nations Unies pour le développement social

Économie sociale

Organisation du travail

Travail

Consommation

ConsoNet

Activisme environnemental Développement durable

Écologie

Neteconomie

8 Opinions

Opinions

OPINION

Opinions de l'international

Chronique internationale

Media et communications

Internet

WatchDog: veille des medias

Chronique des idees

Geographie des opinions

Politique des opinions

Desinformation

Media et communications

Langues

Culture, cultures

Races, ethnies

Religions

Bibliographie des religions

Bibliographie des cultures

Christianisme

Islam, Islamisme

Ideologie, valeurs

Education Formation

Opinions

Biblio. Communication et opinions

Biblio. Renseignement et desinformation

Savoirs

Sciences humaines et sociales

Technologies

Bibliographie des savoirs

Biblio. des sciences sociales

Biblio. de la psychologie

9 Perspectives

Futur des politiques publiques

Bibliographie du futur

Le futur

Chroniques du futur

Le Futur de l'action publique

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THEMES SUR INTERNET

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Acteurs sur Internet

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3 Politique

Politique sur internet

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Secteur public sur Internet

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6 Secteurs-Entreprises

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7 Société

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Société globale

La santé dans le monde

Jeunesse sur Internet

Femmes sur Internet

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8 Opinions

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Langues sur Internet

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Islam, Islamisme sur Internet

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Savoirs sur Internet

Technologie sur Internet

Education Formation sur Internet

Sciences humaines et sociales sur Internet

Opinions sur Internet

 

Opinions des politiques publiques

Idees des politiques publiques

Valeurs des politiques publiques

Sciences des politiques publiques

Théories des politiques publiques

Opinions sur Internet

Associations et ONG sur Internet

Gouvernance sur Internet

Savoirs sur Internet

Technologie sur Internet

Publicité sur internet

Gouvernance d'entreprise

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Culture, cultures sur Internet

Langues sur Internet

Religions sur internet Islam, Islamisme

Savoirs sur Internet

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Biblio; Communication et opinions

Biblio. Renseignement et desinformation

Bibliographie des religions

Bibliographie des cultures

Bibliographie des savoirs

Biblio. des sciences sociales

Biblio. de la psychologie

 

9 Perspectives

Futur des politiques publiques

Bibliographie du futur

Le futur sur internet

Chroniques du futur

Le Futur de l'action publique

 
 
LE SECTEUR FERROVIAIRE

 Synthèse et recommandations 

Très récemment encore, les transports ferroviaires restaient assurés en Europe par des monopoles nationaux intégrés, responsables simultanément de l'infrastructure et des services ferroviaires. Dans la plupart des pays, le poids financier des infrastructures et les avantages collectifs attachés à ce mode de transport avaient conduit les pouvoirs publics à s'impliquer fortement dans cette activité. Ce modèle d'organisation s'est trouvé remis en question alors que le secteur traversait de grandes difficultés, les entreprises ferroviaires subissant de lourdes pertes financières, leurs parts de marché s'amenuisant et leur capacité d'adaptation à un marché des transports en pleine évolution apparaissant, malgré leurs efforts, largement insuffisante.

 Le transport ferroviaire de voyageurs se trouve aujourd'hui, en Europe, globalement, en situation précaire, même si un certain nombre de belles réussites en matière de transport à grande vitesse, tout spécialement dans notre pays, ont pu quelque peu masquer une tendance d'ensemble défavorable. 

Quant au fret, dont les parts de marché se réduisent depuis 30 ans au profit de la route, certains en viennent à s'interroger sur son avenir. Les données économiques, les conditions de concurrence parfois inégales avec la route, ne sauraient expliquer, à elles seules, les évolutions observées au cours des années récentes. La qualité des services assurés est également en cause, les entreprises ferroviaires ayant du mal à trouver des réponses adaptées aux exigences sans cesse accrues de la demande.

 Ce constat est d'autant plus préoccupant que, dans la quasi-totalité des pays de l'Union, le transport ferroviaire bénéficie d'aides très importantes de la part des États ou des collectivités territoriales . Il ne pouvait qu'en résulter des interrogations tant de la part des gouvernements que, parfois, des opinions publiques sur le montant des aides accordées aux entreprises du secteur au regard du service rendu. Ces interrogations ne remettent cependant pas en cause la pertinence de l'offre ferroviaire qui dépend, elle même, sur les différents segments du marché des transports, de la compétitivité de l'opérateur, de l'évolution du progrès technique, et des avantages que la collectivité attache à ce mode de transport. Cette pertinence s'affirme notamment, aujourd'hui, sur les liaisons à grande vitesse entre les principales métropoles pour les voyageurs, sur les transports à longue distance pour le fret ainsi que sur les services de proximité en milieu urbain et péri-urbain. Le développement des services régionaux ferroviaires représente un enjeu important pour les collectivités territoriales qui doivent répondre à des modifications de comportements en matière de mobilité alors que les exigences en matière d'efficacité, de cadre de vie et d'environnement se font plus pressantes. 

De nouveaux horizons s'ouvrent pour le fret ferroviaire dans le cadre d'une économie européenne sans cesse plus intégrée. L'Europe a sans doute besoin d'un système de transport ferroviaire efficace et interopérable à son échelle. Les compagnies ferroviaires trouveront là, à terme, avec l'allongement des distances et la massification des flux, de nouvelles opportunités de développement. 

C'est dans ce contexte difficile, mais non dépourvu de perspectives d'avenir, que les différents gouvernements européens ont engagé, sous l'impulsion de la Commission européenne, des politiques de restructuration de leurs secteurs ferroviaires respectifs, pour leur permettre de mieux tirer profit du processus d'intégration du marché européen. 

La directive de juillet 1991 sur le développement des chemins de fer communautaires engageait les États membres à renforcer l'autonomie de gestion des entreprises ferroviaires et à assainir leur situation financière. Elle entendait aussi favoriser l'apparition d'une certaine concurrence en ouvrant l'infrastructure ferroviaire à des tiers dans des cas limités et en imposant une séparation, au moins comptable, entre les services et l'infrastructure. 

En 1998 la Commission, soutenue par le Parlement européen et par la plupart des pays membres, constatant le caractère marginal des changements obtenus, a proposé, dans le cadre du " paquet infrastructure ", de supprimer les éléments jugés faire obstacle à la libéralisation du secteur. 

Les projets successifs de modification des directives proposés par la Commission ont cherché notamment à renforcer l'autonomie des gestionnaires des infrastructures vis-à-vis des opérateurs historiques, et à apporter des réponses à des questions plus techniques telles que la répartition des capacités ferroviaires, ou la tarification de l'usage des infrastructures. Ces propositions reposaient sur la conviction que la concurrence intra-modale - en ouvrant le réseau à d'autres opérateurs ferroviaires pour le fret, ou en mettant en concurrence différents opérateurs européens pour assurer des obligations de services publics en matière de transports régionaux - pouvait étendre le champ de pertinence du chemin de fer. Elles se sont heurtées à l'opposition vive de quelques pays dont la France qui privilégient la coopération entre opérateurs ferroviaires plutôt que leur mise en concurrence. Quoiqu'il en soit, on se dirige aujourd'hui, pour le transport international de marchandises, vers la mise en œuvre d'un réseau trans-européen de fret ouvert à l'ensemble des entreprises ferroviaires, même s'il reste encore de nombreux points à régler notamment en matière de tarification de l'usage des infrastructures et d'allocation des sillons. La réussite de cette vaste ambition dépendra aussi largement des réponses qui seront apportées à des questions très concrètes telles que le développement de l'interopérabilité ou la suppression des points de congestion. S'agissant de perspectives à plus long terme, il n'y a pas de certitudes sur l'évolution du secteur. Les modes d'organisation, au demeurant fort variés, qui se mettent en place dans chacun des pays sont encore loin d'être stabilisés et les conséquences pratiques à long terme de l'intégration européenne sont loin d'être totalement prévisibles. 

Sur la base des orientations adoptées dans les différents pays et des propositions de la Commission soutenues par une majorité d'États membres, il est possible de dégager quelques tendances lourdes. 

*Les activités fret et voyageurs, opèrent sur des marchés distincts et font appel dans une large mesure à des métiers différents. Leur séparation paraît s'imposer pour que le fret ferroviaire, disposant d'une réelle autonomie, puisse trouver son plein développement. 

*Parallèlement, les réseaux tendront progressivement à se spécialiser dans le fret ou dans les services de voyageurs, compte tenu d'exigences différentes en termes de qualité de service et des conflits d'usage de l'infrastructure. Toutefois, la mixité des usages de l'infrastructure ne pourra pas, pour des raisons économiques évidentes, être totalement éliminée et les arbitrages en matière d'accès constitueront l'une des tâches essentielles du régulateur. 

*Le nouveau cadre européen va sans doute favoriser, dans le fret en particulier, l'émergence de quelques très grands opérateurs de transports ferroviaires issus des monopoles historiques, les nouveaux entrants restant sans doute peu nombreux, sauf sur quelques niches. La concurrence sera donc, dans un premier temps, relativement limitée. Toutefois, de très fortes pressions se manifestent pour que d'autres agents économiques notamment les collectivités locales, les autorités portuaires ou les grands intégrateurs, soient autorisés à réserver directement des sillons auprès du gestionnaire de réseau. Dans l'hypothèse où cette évolution s'intensifierait, les opérateurs historiques seraient poussés, pour ne pas être réduits au rôle de simple tractionnaire, à se positionner, davantage qu'aujourd'hui, sur des activités de services plus rémunératrices comme les activités logistiques.

* L'ouverture du réseau à des tiers suppose la mise en œuvre de mécanismes clairs d'attribution des sillons. Dans l'immédiat, ces attributions s'effectueront dans le cadre d'une tarification reflétant la limitation des capacités et sur des arbitrages de court terme (règles et priorités) définis sous le contrôle des organismes de régulation. Toutefois, même si cette perspective semble encore lointaine, la question d'introduire d'autres mécanismes économiques en sus des procédures de tarification se posera aux autorités de régulation. Ceci sera particulièrement nécessaire dès lors que des acteurs, autres que les exploitants ferroviaires, seraient autorisés à réserver des sillons. Ces mécanismes pourraient dans certains cas, apporter une flexibilité supplémentaire dans l'utilisation du réseau ou aider à financer de nouvelles infrastructures. Enfin, la concurrence entre opérateurs sur un même réseau, ou pour l'attribution d'un service sur un réseau donné, n'est pas la seule forme possible de concurrence en matière ferroviaire. Dès aujourd'hui, il existe une concurrence très forte entre les réseaux eux-mêmes pour acheminer les grands flux trans-européens de marchandises nord-sud ou est-ouest. 

*La France garde des marges de liberté par rapport à ces scénarios tendanciels. La réforme du système ferroviaire faisant suite aux grèves massives de 1995 et dont la loi de 1997 définit le cadre, comporte deux novations majeures. 

La première consiste à impliquer directement les autorités régionales dans la définition et le financement des transports régionaux. Dans un processus, qui est encore expérimental mais qui devrait se généraliser, les régions deviennent des autorités organisatrices du transport et reçoivent de l'État une aide financière auparavant versée directement à la SNCF. 

La seconde vise à clarifier et assainir la situation financière du secteur en créant un nouvel établissement public RFF (Réseau ferré de France), devenu propriétaire et gestionnaire des infrastructures et portant la quasi-totalité de la dette liée à l'infrastructure. L'État a d'ailleurs accepté un effort supplémentaire via des dotations en capital à RFF pour stabiliser cette dette. En enrichissant la relation bilatérale que l'État entretenait avec la SNCF, la création de RFF et l'intervention des régions conduisent à clarifier les responsabilités des différents acteurs. Le secteur ferroviaire français n'en demeure pas moins intégré puisque la SNCF gère et entretient de par la loi le réseau pour le compte de RFF. Dans le même esprit, le Conseil supérieur du service public ferroviaire a été créé en 1999 pour préserver la cohérence d'ensemble du secteur. Il est probable que l'actuelle organisation évoluera encore sous la double contrainte de la mise en place d'outils incitatifs pour diminuer le coût d'accès au réseau et de la préparation de l'entreprise ferroviaire à l'arrivée de la concurrence. Sur les lignes à grande vitesse, il ne devrait pas y avoir de concurrence généralisée, mais au niveau local, les régions seront plus ou moins tentées d'obtenir de l'État la possibilité de choisir leur prestataire de transport ferroviaire. Le fret représente sans doute le segment de marché pour lequel le concept de libre accès au réseau a un sens à moyen terme. La transition vers un système ferroviaire plus ouvert ne sera pas facile à gérer, mais la Commission européenne, sous la pression d'une majorité d'États membres, impose un changement de rythme. Ces évolutions vont se heurter à plusieurs problèmes tels l'allocation des sillons, ou le financement des lignes non rentables qui légitiment le renforcement de l'indépendance du gestionnaire d'infrastructure sous le contrôle d'un organisme de régulation indépendant. L'accès équitable des tiers à l'infrastructure semble en effet peu crédible si la répartition des sillons et la gestion des circulations, ainsi que la certification en matière de sécurité, restent du domaine de compétence de l'opérateur historique. Il paraît donc souhaitable d'isoler les services en charge de l'allocation des sillons et de les confier soit à un organisme indépendant, soit au gestionnaire d'infrastructure avec possibilité d'appel rapide devant l'autorité de régulation. De manière générale, pour que l'ouverture du réseau soit effective et efficace, il convient de recommander d'une part que l'ensemble des moyens nécessaires à l'usage des infrastructures ne soit plus sous le contrôle de l'exploitant ferroviaire et d'autre part, que si ces fonctions essentielles étaient confiées au gestionnaire d'infrastructure, une régulation forte s'exerce sur ce dernier pour qu'il n'abuse pas de sa position de monopole. Cette régulation passe par la définition de procédures auxquelles le gestionnaire d'infrastructure aurait l'obligation de se conformer. Le débat reste ouvert pour savoir s'il faut laisser la fixation des tarifs d'usage du réseau à l'État ou s'il faut, au contraire, la confier au gestionnaire d'infrastructure ou à un organisme indépendant. Les exigences liées au transport ferroviaire international nécessiteront une coopération soutenue des gestionnaires de réseau qui à terme pourrait aller jusqu'à la fusion de certains réseaux. L'ensemble des problèmes d'interopérabilité et de financement plaide pour que les États conçoivent un organisme européen disposant de moyens propres pour assurer le développement sur l'espace européen d'un réseau interconnecté. L'ouverture du réseau imposera également de clarifier au niveau européen les règles de tarification de l'usage des infrastructures, question qui ne devrait pas être déconnectée de la question du financement du réseau. 

Les missions de service public présentes dans le secteur des transports et auxquelles le mode ferroviaire apporte sa contribution ne sont pas en contradiction avec l'approche communautaire qui cherche à clarifier les responsabilités entre l'entreprise en charge de services spécifiques et les pouvoirs publics qui doivent les définir et les financer. Le ferroviaire occupe une place importante dans une politique des transports soucieuse d'un développement durable, pour le fret en maintenant une alternative crédible à la route, pour le transport de voyageurs, lorsque le ferroviaire paraît être la solution la mieux adaptée, à garantir la mise en œuvre formelle du droit au transport.

 L'introduction progressive de la concurrence, dans ce secteur aux spécificités très marquées, semble justifier la mise en place d'un organisme de régulation, fort et indépendant, distinct mais complémentaire des autorités de concurrence. Parmi les nombreuses raisons qui militent en faveur de la création d'un tel organisme, deux au moins méritent d'être fortement soulignées. Les interactions très nombreuses entre la régulation du secteur et la politique des transports, dans laquelle les collectivités locales auront une part de plus en plus importante, multiplieront les exceptions au droit commun de la concurrence, qui devront être appréciées au cas par cas dans des délais courts. L'indépendance du régulateur doit être crédible alors que l'État restera le principal actionnaire de l'entreprise publique et qu'il gardera la maîtrise du réseau via le gestionnaire des infrastructures. 

L'organisme de régulation aura, en particulier, à traiter quatre dossiers essentiels pour le bon fonctionnement du système ferroviaire de demain. 

*Il devra exercer son action sur le gestionnaire d'infrastructure, qui restera dans le secteur le seul élément de monopole naturel. La régulation devra porter sur les procédures de tarification, et d'allocation des sillons, la transparence des décisions et la qualité des informations pour accéder au réseau ; s'assurer de l'efficacité du gestionnaire de manière à ce que ce dernier réduise sur le long terme le coût d'accès pour les exploitants et leur offre la qualité de réseau la meilleure possible, et qu'il investisse dans le réseau lorsque cela est nécessaire. 

*Il devra produire toute les informations utiles sur la situation et le développement du secteur en rendant compte notamment de la qualité des services produits par opérateur et par réseau, ainsi que des réclamations faites par les usagers. 

*Il devra vérifier qu'il n'existe pas dans ce secteur de subventions croisées entre les activités relevant d'une mission de service public et recevant à ce titre des fonds publics et les activités concurrentielles. 

*Il devra instruire, pour le ministre chargé des Transports, et en étroite collaboration avec une administration spécifique chargée de la sécurité dans l'ensemble du secteur des transports, les demandes de licences ferroviaires permettant aux opérateurs d'accéder au réseau national. 

*Enfin, il est évidemment important qu'il puisse être force de propositions en matière de loi ou de règlements et qu'il soit associé aux négociations internationales, notamment européennes, appelées à peser sur l'avenir du secteur.

1. Remise en cause de l'organisation traditionnelle des systèmes ferroviaires Jusqu'au milieu des années 1980 le transport ferroviaire était organisé de façon similaire dans tous les pays de l'Union européenne. Ce mode de transport était assuré par un opérateur intégré, dans la plupart des cas public, soumis très étroitement à l'autorité de l'État. Cet opérateur jouissait d'un monopole sur un réseau national ou régional, était assujetti dans certains pays à des missions de service public et employait généralement un personnel régi par un statut spécifique. Cette organisation particulière est le résultat d'une évolution commencée à la fin du XIXe siècle à partir de concessions privées et éclatées, les réseaux se développant par la suite dans une logique purement nationale. Cette organisation arrivée à maturité vers le milieu du XXe siècle se trouve aujourd'hui fortement remise en cause. Progressivement, elle cède sa place à une nouvelle organisation plus concurrentielle établie sur l'espace plus large qu'est l'Europe. 


6.4. La fin d'un modèle d'organisation monopolistique et intégrée 

Le développement du secteur ferroviaire s'étant établi dès les origines sur la base d'une organisation industrielle intégrant l'infrastructure et les services ferroviaires, la désintégration verticale à laquelle on assiste aujourd'hui en Europe représente une réelle nouveauté dans le secteur. Cette dernière suscite de nombreuses interrogations. Elle remet en cause l'organisation antérieure qui offrait un certain nombre d'avantages : des avantages économiques en raison de l'existence de rendements croissants et d'économies d'envergures ; des avantages techniques en raison des interdépendances entre l'infrastructure et le matériel roulant, entre l'exploitation et la maintenance ; des avantages, enfin, en matière de sécurité. Elle vient contester le cadre dans lequel toutes les compagnies se sont développées alors que ces dernières, intégrées verticalement, à l'exception de la fabrication des biens d'équipements, possédant le matériel roulant ainsi que les constructions nécessaires aux services comme les gares, se trouvaient les maîtres d'œuvre de l'infrastructure. L'ensemble des avantages associés à une cette organisation intégrée demeure bien réel mais ces avantages doivent être comparés à ceux tout aussi importants qu'apportent d'autres formes d'organisation industrielle en permettant à des tiers d'accéder au réseau par exemple comme le préconisent les orientations communautaires. Au fil des ans, les pouvoirs publics ont été amenés dans l'ensemble des pays, à prendre en charge ce secteur . Les raisons en sont très nombreuses : le poids financier des infrastructures qui était devenu au fil des années beaucoup trop important pour les seuls opérateurs privés ; le caractère stratégique, économique mais aussi militaire du réseau et de son extension ; la fonction de lien social du chemin de fer, particulièrement reconnue dans le contexte économique et social d'après-guerre, ainsi que celle relative à l'aménagement du territoire. Par ailleurs, les avantages collectifs non-marchands que dégageait un tel réseau rendaient légitime dans le cadre plus global de la politique des transports d'en faire assumer le coût par le budget de la collectivité. Toutefois, cette organisation intégrée et publique a été ébranlée dès lors que la suprématie du mode ferroviaire fut contestée par les modes routier puis aérien et que les exploitants ferroviaires, dont on critiquait l'absence de productivité et de réactivité face aux évolutions de la demande, s'enfonçaient, malgré leurs efforts, dans des déficits non maîtrisés de plus en plus importants. Le domaine de pertinence du transport ferroviaire, qui dépend de la compétitivité de l'opérateur et de l'évolution du progrès technique, n'est pas remis en cause pour autant. Il demeure notamment sur la longue distance pour le fret, les lignes à grande vitesse entre les principales métropoles pour les voyageurs ainsi que sur les services de proximité en milieu urbain et péri-urbain. L'introduction de mécanismes concurrentiels prendra différentes formes selon l'évolution que prendra l'organisation industrielle de ces différents services. Deux cas de figure se présentent : soit la concurrence est introduite directement, en ouvrant le réseau aux tiers sur le réseau principal par exemple, soit elle l'est indirectement, en mettant les opérateurs en concurrence pour l'attribution de services spécifiques. 


6.5. Le déclin du transport ferroviaire est-il inexorable ?

 Le mode ferroviaire est entré après la seconde guerre mondiale dans un long processus de déclin dont il n'est pas véritablement sorti. 

De manière générale, et c'est une constante en Europe, l'évolution des trafics n'a pas été très favorable au mode ferroviaire. Toutefois, cette évolution reste assez contrastée suivant que l'on considère le marché de transport des marchandises ou celui du transport de voyageurs (dans lequel il faut distinguer le transport de voyageurs sur longue distance du transport régional). 6.5.1. La situation précaire du transport de voyageurs masquée par l'effet TGV Le trafic ferroviaire de voyageurs a globalement stagné depuis le milieu des années 1980. Si la situation semble aujourd'hui se redresser, c'est après s'être très nettement détériorée au cours des années 1990-1995. Au total, la part de marché tend à se stabiliser aujourd'hui autour des 7,6 % alors qu'elle était de 8,9 % en 1990. Toutefois, ces considérations sur l'évolution globale du trafic masquent une réalité très contrastée. Ce secteur est en effet essentiellement porté par le développement du trafic TGV qui a augmenté de 11,2 % en 1998, le trafic sur les lignes classiques continuant lui à se réduire (ce trafic a diminué de 40 % en 10 ans). Même si le trafic régional manifeste un net regain dans les régions ayant participé à l'expérimentation de la décentralisation du transport de voyageurs, il a tendance à diminuer. Le maintien du trafic, voire son redressement actuel, ne doit donc pas masquer le fait que certains segments des transports voyageurs ferroviaires sont en train de disparaître. Si l'on considère la mobilité longue distance qui constitue un des segments les plus dynamiques de la demande de transport (croissance de 85 % en 20 ans), c'est le mode routier (notamment le trafic autoroutier) qui s'est imposé en s'appuyant sur les améliorations apportées au réseau d'infrastructures et aux véhicules ainsi que sur une diminution du coût d'usage. 

Tableau 1 - Évolution des trafics ferroviaires de voyageurs (en milliards de voyageurs-kilomètres)(image manquante) Source : SNCF 

Le mode ferroviaire a vu ainsi sa part modale se dégrader progressivement dans tous les pays d'Europe alors que le mode aérien, son principal concurrent sur la longue distance, manifestait une vive croissance. En France, même si le trafic aérien domestique a plus que quadruplé sur la période 1975-1996, la part modale ferroviaire est restée plus importante que dans les autres pays avec les succès des premiers TGV qui portent aujourd'hui l'essentiel de la croissance du trafic ferroviaire voyageurs. 

6.5.2. Le risque d'une marginalisation du fret ferroviaire 

Du côté du fret, le partage modal en France, comme dans le reste de l'Europe, n'a pas cessé d'évoluer en faveur de la route. Ce mouvement s'inscrit dans la très longue période. La part du transport ferroviaire de marchandises en tonnes-kilomètres, qui était encore largement majoritaire jusqu'au milieu des années 1960 (celle-ci dépassait alors les 60 %), est passée en dessous des 20 % pour le trafic national en 1996, alors que cette part était encore de 35 % au début des années 1970 : la part modale de la route approche donc maintenant les 80 % . Les seuls volumes de trafics ne sont pas suffisants pour appréhender la situation du ferroviaire vis-à-vis du mode routier, ceux-ci ne rendant pas compte de la valeur économique du transport réalisé. Si l'on raisonne en chiffre d'affaires (production effective au sens de la Comptabilité nationale), la répartition modale est plus accentuée encore. La part du transport routier public est supérieure à 91 %, celle du transport ferroviaire se situant entre 8 et 9 % . Et moyennant quelques hypothèses sur le transport routier pour compte propre, le différentiel entre le fer et la route s'accroît, la part du transport ferroviaire se trouvant alors à un niveau juste inférieur à 5 %. Si l'on considère le seul trafic international, qui constitue, en raison des distances plus importantes à parcourir et des possibilités de massification, un segment de marché potentiellement plus pertinent pour le ferroviaire, la situation n'est guère meilleure. Même si les parts modales du mode ferroviaire ont mieux résisté que sur le trafic national, ce mode n'arrive pas à s'imposer vis-à-vis de la route alors même que le transport international est un secteur en forte croissance. 

Tableau 2 - Évolution des parts ferroviaires en transport de marchandises (image manquante) Source : SNCF

 Les facteurs explicatifs du déclin des parts ferroviaires de marché au cours des trente dernières années (en dépit d'un certain redressement en 1996 et 1997) sont de deux ordres. 

Le premier facteur est d'ordre technique. Il renvoie aux mutations structurelles qu'a subi le tissu industriel (restructuration des industries lourdes, programmes électronucléaires diminuant les transports de charbon, cycles du BTP…), et au fait que les produits pondéreux acheminés de façon massive sur de longues distances et qui constituent le marché de prédilection du chemin de fer sont en perte de vitesse. Toutefois ce facteur structurel, même s'il est significatif, ne suffit pas pour expliquer une telle évolution.

 Le second facteur est un facteur de compétitivité relative entre les modes. Cette compétitivité ne se résume pas seulement à une question de prix, elle concerne également les exigences en termes de services. La demande s'oriente en effet désormais davantage vers des produits industriels plus légers, incorporant plus de valeur ajoutée, et exigeant plus de vitesse et de souplesse, plus de fiabilité et de réactivité. Dans le cadre de l'organisation en flux tendu de l'industrie, les exigences en termes de délais, de cadences et de services personnalisés, se font plus pressantes. 

Face à ces évolutions, il est clair que la route qui offre un service quasi universel (un service en tous temps, en tous lieux, à tous moments, pour tous produits, vers toutes destinations) a mieux su s'adapter et dégager d'importants gains de productivité, même s'il faut reconnaître que cette adaptation, stimulée par la libéralisation du secteur au cours des années 1980, a pu se faire aussi au détriment de la sécurité et de la législation sociale. 

De son côté, l'offre ferroviaire, limitée par les inévitables ruptures de charge, n'a pas su s'adapter aussi vite en raison des rigidités de son organisation, mais aussi des contraintes techniques des différents réseaux nationaux renforcées par les enjeux industriels en amont de la filière, et plus généralement en raison des disparités des réseaux nationaux et des législations en vigueur. 

Par ailleurs, sur certains axes, malgré tout limités, l'activité traditionnelle du fer se trouve aussi concurrencée par le mode fluvial (ou par le cabotage maritime dans certains pays). Cette concurrence peut être vive lorsque ce mode dispose d'une infrastructure adéquate. La part modale ferroviaire plus modeste en Allemagne qu'en France, s'explique ainsi en partie par le fait que le transport fluvial allemand, bénéficiant notamment avec le Rhin d'une infrastructure de grande qualité, peut offrir des services alternatifs au fer très compétitifs et ce d'autant plus que la tarification de l'accès à ce mode est quasi gratuite. 

Pour conclure, il convient d'insister sur le fait que les évolutions observées s'inscrivent dans les tendances lourdes du système de transport qu'il est difficile d'inverser et que le climat social conflictuel permanent au sein de l'entreprise, qui constitue un réel handicap, en dégradant la fiabilité des services, rend difficile la reconquête de la clientèle. De ce fait, la reprise du trafic qu'on a pu observer ces deux dernières années doit être interprétée avec prudence. 

Tableau 3 - Évolution du trafic fret ferroviaire (en milliards de tonnes-kilomètres) (image manquante) Source : SNCF 

Elle reste très fragile, le trafic pouvant de nouveau se dégrader brutalement, et ce d'autant plus vite que la SNCF réalise une grande partie de son activité fret avec un petit nombre de clients. La situation est donc préoccupante car la poursuite des tendances observées sur la longue période conduit en effet, comme le démontrent de nombreux modèles de simulations, à une réduction significative des parts de marché du fret ferroviaire d'ici 2010-2020, fret ferroviaire qui se trouverait alors confiné à quelques axes lourds, aux traversées des zones sensibles et au franchissement d'obstacles naturels. L'ensemble de ces évolutions contraste pourtant avec l'effort croissant de la collectivité pour ce mode de transport.

 6.5.3. L'effort de la collectivité pour le secteur ferroviaire 

En contrepartie des handicaps et des contraintes imposés à l'entreprise ferroviaire, et des missions de service public de transport collectif, le secteur ferroviaire bénéficie d'importantes contributions publiques, ceci n'étant d'ailleurs pas le propre de la France. 

L'ensemble des aides dont bénéficie le secteur en France qui se chiffrait en intégrant les concours publics relatifs aux retraites à près de 49 milliards de francs en 1993 et qui approche aujourd'hui les 67 milliards de francs, représente des ordres de grandeur supérieurs aux recettes commerciales. Ces aides massives ont suscité dans certains pays de l'Union européenne de nombreux débats dans l'opinion publique tant sur le niveau de ces aides au regard de la contrepartie qui les justifie que sur la manière dont elles étaient accordées. Cet élément de débat constitue sans doute l'un des principaux enjeux des réformes engagées en Europe comme en France, qui vise, à travers la séparation de l'infrastructure de l'exploitation et le processus de régionalisation, à clarifier les transferts financiers entre les différents acteurs et responsabiliser les donneurs d'ordres. 

La mise à plat de ces aides représente un exercice difficile du fait de la complexité des dispositifs mis en place. Comme le montre le tableau suivant sur le cas français, ces aides, dont certaines sont la contrepartie directe d'un service, renvoient à des justifications très diverses selon les lignes, ce qui rend la simple agrégation de ces chiffres discutable. Il faut en effet distinguer trois types d'aides : celles liées à l'infrastructure, celles liées aux services de transport et enfin celles relatives au système des retraites des cheminots. 

Pour ce qui concerne les infrastructures, la justification de ces aides repose sur le fait que les infrastructures sont des biens publics dont le maintien en état, la modernisation et le développement s'inscrivent dans le cadre plus global de la politique des transports. À ce titre, la collectivité apporte une contribution au gestionnaire d'infrastructure dont le montant est censé prendre en charge les dépenses non couvertes par une tarification au coût marginal et dans l'objectif de maintenir une politique d'infrastructure cohérente. Toutefois, l'insuffisance de ces contributions, qui a conduit l'entreprise ferroviaire à s'endetter massivement pour financer ses investissements, se traduit aujourd'hui par une dette très importante dont le coût global n'apparaît pas encore totalement dans les chiffres de ce tableau, même si les dotations de capital versées à RFF ces trois dernières années donnent une idée de l'effort que la collectivité doit consentir pour stabiliser la dette du secteur.

 Tableau 4 - Concours des pouvoirs publics au secteur ferroviaire (millions de francs) 1993 (2) 1997 (3) 1998 (3) 1999 (3) A SNCF Contribution aux charges d'infrastructure et au désendettement (part versée au service annexe de la dette pour la SNCF) 3 323 4 442 4 500 4 500 Contributions à l'exploitation des services d'intérêt régional 3 930 5 100 5 200 5 700 ­ Tarifs sociaux réseau principal (État) 2 972 1 932 1 930 1 930 ­ Compensations pour réductions tarifaires réseau principal (collectivités locales) 66 102 150 * 150 * ­ Réductions tarifaires banlieue parisienne (État) 3 502 140 140 140 ­ Compensations pour réductions tarifaires Ile-de-France (collectivités locales) 3 824 3 900 * 3 900 * ­ Indemnité compensatrice Ile-de-France (État) 950 796 846 771 ­ Moyens d'équilibre du compte Ile-de-France (collectivités locales) 408 1 457 1 500 * 1 600 * Réductions tarifaires militaires Avec tarifs sociaux 1 596 1545 1416 Réduction de tarifs presse (Premier ministre) 165 126 Autres contributions 57 148 150 * 200 * Subventions d'investissements (y.c. FITTVN) 2 254 * 3 361 * 2 563 * TOTAL A 15 373 21 917 23 222 22 470 B RFF (4) (1) (1) (1) Charge d'infrastructure 11 397 11 800 11 800 10 800 Dotation en capital 950 8 000 10 000 12 500 Subventions d'investissements 3 380 2 500 2 100 2 600 TOTAL B 15 727 22 300 23 900 25 900 TOTAL A + B 31 100 44 217 47 122 48 370 (1) Chiffre RFF, Rapport d'activité pour les années 1997 à 1998 (2) D'après Commissariat général du Plan, " Transports : le prix d'une stratégie ", tome 2 (" L'avenir des entreprises publiques ") pour l'ensemble de l'année 1993 (3) D'après rapport P. Marini, Sénat, 1998-1999 (4) Ces chiffres ont été affectés sur la base du périmètre actuel de RFF (*) Source SNCF

 L'exploitant ferroviaire reçoit par ailleurs des subventions qui sont la contrepartie d'un service généralement défini en relation avec une autorité organisatrice des transports. C'est le cas, par exemple, des services régionaux de voyageurs en Île-de-France dont la couverture des coûts, compte tenu de ce qui est demandé aux usagers et aux entreprises, est assurée par une subvention d'équilibre versée par l'État et les collectivités territoriales. À ces subventions d'équilibre, s'ajoutent des compensations liées aux diverses tarifications sociales. Notons que le transporteur maintient encore de fait certains services dans le domaine des voyageurs (desserte rurale dans des zones peu denses et quelques axes interurbains) ou du fret (wagon isolé) qui sont structurellement déficitaires sans pour autant obtenir de moyens supplémentaires en compensation. 

Enfin, le dernier type d'aides concerne le système des retraites du secteur ferroviaire, qui prévoit un départ avancé à la retraite ainsi qu'un mode spécifique du calcul des retraites plus avantageux que le régime général.

 C CAISSES DE RETRAITE (1) (2) (3) (2) Charges de retraites 13 118 13 931 13 749 14 100 Compensations entre régimes de retraites 426 90 Compensation généralisée et surcompensation entre régimes spéciaux de retraite 4 407 4 745 4 431 4 700 TOTAL C 17 951 18 676 18 270 18 800 (1) D'après Commissariat général du Plan, " Transports : le prix d'une stratégie ", tome 2 (" L'avenir des entreprises publiques ") pour l'ensemble de l'année 1993 (3) D'après le rapport Charpin sur les retraites 1999 - SNCF (2) D'après rapport P. Marini, Sénat, 1998-1999 

Compte tenu de ces dispositions particulières héritées du passé, l'entreprise verse une cotisation supérieure à celle du régime général, mais qui reste insuffisante pour couvrir le coût du système. Le déséquilibre de ce régime spécial, dû en partie à la très forte diminution des effectifs dans ce secteur depuis la fin de la seconde guerre mondiale, est compensé dans une faible mesure par un système de compensation avec le régime général et par une surcompensation entre régimes spéciaux (4,5 milliards en 1998). La plus grosse part (14 milliards) est prise en charge par le budget de l'État.


  6.6. Le domaine de pertinence du secteur ferroviaire 

La refonte de l'organisation industrielle du secteur ne remet pas en cause la pertinence de l'offre ferroviaire, mais oblige à mieux préciser les domaines dans lesquels le transport ferroviaire peut se développer avec ou sans subventions des domaines dans lesquels il paraît déraisonnable de le développer. Dans des conditions normales de compétitivité par rapport aux offres alternatives de transport, le fer reste une réponse adaptée pour le fret longue distance, les lignes voyageurs entre certaines grandes métropoles (au-delà d'une certaine distance, la pertinence d'une desserte ferroviaire à grande vitesse est limitée par la concurrence du mode aérien), pour la fourniture de services locaux et régionaux dont certains peuvent nécessiter l'intervention légitime des pouvoirs publics, ainsi que pour des services de " route roulante ou ferroutage " (transports de camions) dans des cas se limitant aux franchissements d'obstacles naturels (comme Eurotunnel) ou de zones sensibles. L'intégration européenne, comme l'émergence d'autorités régionales en matière de transport, loin d'être des handicaps supplémentaires, viennent élargir cet espace de pertinence.

 6.6.1. L'espace européen, un espace pertinent pour le ferroviaire

 La réalisation du marché européen accélère le processus d'intégration des systèmes de transport qui progressivement s'organisent sur un espace plus large que les espaces nationaux. Ce périmètre, qui ne pourra que s'agrandir encore avec l'élargissement de l'Union vers l'Europe centrale et orientale, est particulièrement approprié aux liaisons à grande vitesse entre grandes métropoles et au fret sur la longue distance. Par ailleurs, l'intégration européenne des systèmes de transports qui représente un enjeu considérable pour l'efficacité de l'activité économique de l'Union, suppose une harmonisation des règles techniques et organisationnelles, économiques et institutionnelles d'autant plus difficile à réaliser que le secteur des transports restait encore jusqu'à récemment un des secteurs de l'activité économique les plus contrôlés par les États. Après de longues négociations, des avancées significatives ont été obtenues. Toutefois, le système ferroviaire ne s'adapte pas au même rythme que ses principaux concurrents alors même que l'extension des marchés, en favorisant les transports de masse sur des longues distances, représente une opportunité, notamment pour le fret. Aujourd'hui, le développement d'un réseau ferroviaire européen, malgré les efforts importants réalisés par les entreprises ferroviaires européennes, se heurte à des résistances importantes, les réseaux restant encore trop marqués par leur cloisonnement national. Ce cloisonnement concerne tout aussi bien la morphologie des réseaux, le choix des matériels et des techniques, que le comportement et l'organisation des entreprises. Même si les transporteurs ferroviaires ont développé des produits internationaux (aussi bien pour le transport de marchandises avec récemment, par exemple, la mise en place des corridors fret que pour le transport de voyageurs avec notamment Thalys, Eurostar, les GEIE SNCF-RENFE et SNCF-FS ), les réalisations restent encore très largement insuffisantes. 

Pour le fret, l'approfondissement de l'interopérabilité du réseau, l'amélioration des temps de passage aux frontières, la maîtrise de la performance de bout en bout sur les sillons internationaux, ensemble qui a déjà fait l'objet d'amélioration significative ces dernières années, constitue un enjeu majeur pour le développement du fret international alors que ce dernier, segment porteur de l'activité fret représente, par exemple pour la SNCF, la moitié du volume du fret transporté si l'on intègre le trafic portuaire. Toutefois, ces évolutions sont encore insuffisantes pour répondre aux attentes des différents acteurs économiques. Il existe une convergence d'intérêts pour sortir de la juxtaposition de réseaux nationaux dans laquelle le transport ferroviaire reste encore fortement structuré. Il y va de l'intérêt de la collectivité européenne qui a besoin d'un système de transport efficace et interopérable à son échelle, de l'intérêt des industriels dont les marchés ne sont plus nationaux, et de l'intérêt même des compagnies ferroviaires qui trouveront à plus long terme dans ce marché, avec l'allongement des distances et la massification des flux, des opportunités de développement.

 6.6.2. Des services régionaux à inventer : un défi pour le ferroviaire 

Le développement économique associé au développement urbain a conduit à modifier très sensiblement les comportements en matière de mobilité. Le trafic urbain en forte progression dans l'ensemble des agglomérations s'est déplacé sur la périphérie, les distances de déplacements s'allongent, et les motifs des déplacements se diversifient de plus en plus, la part des migrations alternantes " domicile-travail ou domicile-école " diminuant au profit des déplacements pour motifs personnels. Par ailleurs, la régionalisation des bassins d'emploi, le fonctionnement en réseau des pôles urbains, et la déconcentration des zones d'activités vers l'extérieur des centres-ville au voisinage des grands axes, en renforçant la croissance des déplacements dans le péri-urbain sont autant de défis pour le transport collectif classique peu adapté aux demandes que ces évolutions impliquent. Toutefois, les exigences accrues en matière d'efficacité, de cadre de vie et d'environnement, offrent des opportunités de développement aux transports ferroviaires locaux si ceux-ci savent sortir d'une logique de services standardisés, en innovant et adaptant leur offre, pour proposer des services plus souples, plus diversifiés et multimodaux. La nécessité, pour les grandes agglomérations de disposer de tels services à haute valeur ajoutée (optimisation des horaires et des correspondances, information et tarification intégrée pour l'ensemble d'un déplacement) à l'interface des différents systèmes de transports locaux, poussera sans doute les autorités organisatrices de transport à retenir comme prestataire de services des entreprises capables de produire une offre intégrée. 

Ces mutations ne feront que renforcer le rôle des collectivités locales dans l'organisation et le financement du secteur. Un tel mouvement de régionalisation des politiques locales de transport est déjà clairement repérable dans toute l'Europe aujourd'hui et manifeste en France dans le cadre de l'expérimentation de la régionalisation de transports régionaux de voyageurs. Toutefois, si les trafics en France se sont accrus dans le cadre de cette réforme et si les deux partenaires, élus régionaux et SNCF, s'accordent pour considérer ce début d'expérimentation comme prometteur, il est encore trop tôt pour en faire le bilan et notamment pour savoir si les augmentations de trafics observées seront durables et à la hauteur des efforts consentis par les régions. Il est toutefois certain que si la maîtrise des coûts et l'amélioration de la qualité des prestations n'étaient pas à la hauteur des espérances des autorités organisatrices de transport que vont devenir les régions, il apparaîtrait une forte pression pour que puisse jouer la concurrence dans ce type de service. Cette concurrence pourrait s'exercer par le biais des procédures d'appels d'offres permettant, dans le cadre de contrats de délégation de services publics, l'attribution, limitée dans le temps, de l'exploitation des services, comme cela est pratiqué depuis longtemps dans les transports collectifs urbains des principales agglomérations françaises (hors agglomération parisienne).

 6.6.3. La concurrence intra-modale peut étendre le champ de pertinence du chemin de fer

 Comme dans les autres secteurs de réseaux, la réflexion économique a conduit à préciser pourquoi les caractéristiques de monopole naturel pouvaient en grande partie être isolées dans l'infrastructure et qu'elles ne concernaient donc pas, ou moins, les services de transport eux-mêmes. Dès lors, il y avait un intérêt économique à ouvrir l'accès du réseau à la concurrence, si techniquement cette perspective était possible. C'est d'ailleurs principalement en raison de ces contraintes techniques que l'intérêt de la concurrence entre les opérateurs ferroviaires (concurrence intra-modale) a pu être contesté. La pression de la concurrence exercée par les modes concurrents routiers et aériens (concurrence intermodale) s'exerçant sur ce secteur depuis longtemps déjà, on a pu redouter qu'une pression supplémentaire fragilise le secteur convalescent plus qu'elle ne le stimule. En fait, cette vision est assez réductrice. D'une part, un monopole ferroviaire qui n'est pas stimulé par une concurrence sur son propre métier peut très bien abandonner à la concurrence aérienne ou routière des pans entiers d'activité. En l'absence de concurrence, et sachant que l'État apporte au monopole, sous une forme ou sous une autre, des subventions d'équilibre, l'opérateur peut être détourné du souci d'efficacité. D'autre part, il n'est pas certain non plus que certaines lignes déclarées aujourd'hui non rentables par un opérateur donné, même si celui-ci est efficace, ne le deviennent pas avec d'autres opérateurs ferroviaires de taille plus modeste se positionnant sur des services plus spécialisés. C'est ainsi qu'on trouve dans le paysage de fret ferroviaire américain à la fois des grandes sociétés capables de traiter des transports de masse et une multitude de sociétés, économiquement viables, opérant de manière plus diffuse sur les réseaux secondaires dans une logique de rabattement. L'existence de la concurrence intermodale ne diminue donc en rien l'intérêt d'ouvrir le réseau à d'autres opérateurs ferroviaires, que ce soient des industriels réalisant eux-mêmes leur transport sur le réseau ou des prestataires de transport très spécialisés. Par ailleurs, il n'est pas sans intérêt non plus pour les pouvoirs publics, et particulièrement pour les collectivités locales, de mettre en concurrence différents opérateurs pour assurer des obligations de services publics en matière ferroviaire. Un tel système, obligeant les prestataires à fournir un service de meilleur qualité au meilleur coût, revient simplement à transposer le système de délégation de service public qui fonctionne déjà dans d'autres secteurs et notamment pour les transports collectifs urbains. Ces évolutions, que l'on observe déjà dans la plupart des pays européens, remettent inéluctablement en cause l'organisation intégrée, monopolistique et nationale qui a structuré le secteur ferroviaire en Europe depuis la fin de la guerre. 


7. La politique européenne au service de la nécessaire " revitalisation du chemin de fer " 

Depuis près de dix ans, les différents gouvernements européens ont engagé, sous l'impulsion de la Commission européenne, des politiques de restructuration du secteur ferroviaire. Ces politiques, dont il faut souligner la très grande diversité, ont bouleversé, plus ou moins radicalement suivant les pays, l'organisation traditionnelle du secteur et bousculé les opérateurs en situation de monopole. Il faut noter que ce processus de libéralisation est engagé dans un secteur en crise contrairement à d'autres services publics en réseaux qui pouvaient s'appuyer sur des perspectives de développement. L'endettement des entreprises nationales atteignait au début des années 1990 des niveaux record et les parts de marché de ce mode de transport ne cessaient de se réduire. Fortement cloisonné sur les espaces nationaux et fortement dépendant des subventions publiques, le chemin de fer ne tirait pas suffisamment profit du processus d'intégration du marché européen, alors même que cet espace économique offre de sérieuses opportunités de développement. 7.1. Le processus de réforme du chemin de fer européen La politique des transports bien qu'inscrite au programme de l'Union depuis les origines a eu du mal à se mettre en place, principalement en raison des difficultés qu'avaient les États membres pour faire converger leur politique des transports. La Commission a dès lors changé de stratégie et s'est appuyée sur la politique de la concurrence sur laquelle elle avait une plus grande maîtrise. En adoptant la directive 91/440, le Conseil européen a marqué un réel tournant dans la politique européenne. D'une part, cette directive, reprenant des préconisations que la Communauté avait déjà formulées sans succès par le passé, oblige les États membres à renforcer le statut d'indépendance et l'autonomie de gestion des entreprises ferroviaires, tout en réduisant leur endettement et assainissant leur situation financière. D'autre part, cette même directive ouvre l'infrastructure ferroviaire à des tiers dans des cas limités (transports internationaux combinés ou regroupements internationaux d'entreprises ferroviaires). Elle impose pour cela aux opérateurs intégrés une séparation au moins comptable entre les services ferroviaires et l'infrastructure, ainsi qu'un principe de redevance d'usage de l'infrastructure dont doit s'acquitter tout opérateur de transport utilisant l'infrastructure. Même limitée, cette ouverture n'est pas simple à organiser. Comme le montrent les deux autres directives qui sont venues compléter ce dispositif (95/18 et 95/19), cette ouverture suppose en effet de traiter de très nombreux problèmes complexes qui vont de la définition et de l'obtention de licences, à la répartition des capacités ferroviaires en passant par la définition des principes de tarification de l'usage de l'infrastructure. La difficulté que représente la mise en œuvre concrète de cette directive, n'est d'ailleurs pas spécifique à la France. On peut remarquer, que huit ans après le vote de cette directive, l'ouverture du secteur, bien réelle dans les textes, ne s'est pas traduite dans les faits, l'arrivée de nouveaux entrants restant très limitée voire inexistante. Dès 1995, la Commission constatant le caractère marginal des changements survenus dans le secteur suite aux directives (91/440 ; 95/18 ; 95/19) a proposé dans le cadre d'un livre blanc, d'élargir le droit d'accès au réseau et de libéraliser totalement ce secteur. Les propositions faites dans le cadre du " paquet infrastructures " visent à traiter de manière beaucoup plus précise les éléments qui sont jugés faire obstacle à l'arrivée de nouveaux entrants sur le réseau. Le projet de modification de la directive 91/440 cherche notamment à renforcer l'autonomie de gestion des gestionnaires des infrastructures vis-à-vis des opérateurs historiques, et à faire en sorte notamment que l'instance chargée de la mise en œuvre des droits d'accès (répartition des capacités, fixation des règles de tarification, établissement des horaires, définition des règles de sécurité) ne soit pas, par ailleurs, un fournisseur de services de transport ferroviaire. Le projet de modification de la directive 95/18, cherche à faciliter l'ouverture du marché, en permettant la délivrance de licences à toutes les entreprises ferroviaires établies dans l'Union européenne, y compris celles assurant des services de transport régional. Quant au projet de directive visant à remplacer la directive 95/19, il aborde des domaines plus techniques comme la répartition des capacités ferroviaires, ou la tarification de l'usage des infrastructures. Ce texte détaillé traduit la complexité des problèmes à résoudre et les difficultés d'harmonisation entre les différents pays. Cet ensemble de modifications prépare une ouverture beaucoup plus importante du secteur. Consulté sur les propositions de directives, le Parlement européen n'a pas remis en cause la politique de la Commission et s'est déclaré, au contraire, majoritairement en faveur de l'ouverture du marché ferroviaire. Fort de ce soutien et d'un consensus de la plupart des pays pour avancer sur ce dossier, les présidences successives ont cherché à obtenir un accord politique pour une ouverture plus importante du réseau estimant que des décisions devaient être rapidement prises pour garantir des conditions d'une concurrence équitable entre toutes les entreprises ferroviaires. Les diverses propositions et particulièrement celle visant à élargir les conditions d'accès à l'infrastructure ferroviaire en modifiant l'article 10 de la directive 91/440 se sont heurtées à l'opposition vive de quelques pays, dont notamment celle de la France, qui critiquaient les propositions de modifications des directives ferroviaires et surtout la volonté de la Commission d'imposer une libéralisation du secteur. Toutefois, certaines de ces propositions ont pu trouver très récemment un écho favorable auprès de l'ensemble des délégations, notamment pour le transport international de marchandises. Sur ce dernier point, on se dirige progressivement vers la mise en œuvre d'un réseau trans-européen de fret international ouvert à l'ensemble des entreprises ferroviaires. Cette ouverture partielle qui constitue un pas important dans la réalisation d'un réseau intégré européen de transport ferroviaire et qui représente un signal fort envoyé par les pouvoirs publics en faveur du fret ferroviaire n'est qu'un début, de nombreux dossiers restant à résoudre. Le premier dossier concerne les règles de tarification et d'allocation des sillons. Les débats autour de l'harmonisation de ces règles se focalisent notamment sur le principe de la tarification au coût marginal et la question de la couverture des coûts, et plus particulièrement sur l'indépendance de l'organisme en charge de ces fonctions essentielles. Le deuxième dossier concerne le réseau d'infrastructure européen et notamment le renforcement de l'interopérabilité du réseau (les aspects sont tout aussi bien réglementaires, techniques, qu'économiques). Les autorités européennes devront poursuivre leur effort en concertation avec les États membres, les gestionnaires d'infrastructures et les opérateurs, pour définir la consistance de ce réseau et le niveau de sécurité, pour repérer les principaux lieux de congestion qui pénalisent le développement du trafic et éventuellement dégager les moyens financiers nécessaires pour assurer le développement du réseau. Enfin, le troisième dossier concerne le renforcement de la coopération et de la concertation à l'échelle européenne sur les questions ferroviaires. Il semble important de pouvoir disposer dans cette vaste réforme d'une structure pour évaluer les coopérations entre les entreprises ferroviaires et faire des recommandations pour améliorer la qualité des services ferroviaires, l'interopérabilité du réseau, ainsi que l'efficacité de la réglementation. 


7.2. Un cadre prospectif d'évolution du secteur 

Les systèmes institutionnels, les modes d'organisation qui se mettent en place dans chacun des pays sont encore loin d'être stabilisés. Ceci conduit à bien différencier les questions relatives à une situation transitoire et particulière de celles, plus générales, qui concernent l'organisation future du secteur sur laquelle il n'y a pas de certitude. Toutefois, un certain nombre de tendances lourdes peuvent être dégagées. 

7.2.1. Vers la séparation des activités fret et voyageurs 

La question de la séparation les activités fret des activités voyageurs au sein des transporteurs a déjà fait l'objet de nombreux débats. La question est finalement la suivante : peut-on compenser la perte des gains d'échelle obtenus en maintenant ces deux activités dans une même structure (notamment en utilisant un matériel polyvalent) grâce aux gains obtenus en optimisant de manière plus satisfaisante la gestion des deux activités lorsqu'elles sont séparées ? La séparation peut être totale - chaque activité dispose de son propre matériel -, mais elle peut aussi ne concerner que les activités commerciales et les services de traction. D'une part, cette séparation semble nécessaire pour que le fret puisse avoir toutes les chances de se développer, alors que jusqu'à maintenant, les entreprises ont toujours établi, par principe, la priorité du transport voyageurs sur le transport de marchandises. Cette priorité se manifestait aussi bien dans les décisions prises en matière d'affectation des sillons que dans celles concernant l'exploitation du réseau. Pour inverser cette tendance, il est indispensable que les services de fret ferroviaires disposent de moyens propres en personnel comme en matériel pour garantir un minimum de fiabilité aux services et qu'ils puissent définir et défendre leur politique de développement sur l'ensemble du service avec beaucoup plus d'autonomie qu'aujourd'hui en obtenant notamment directement du gestionnaire d'attribution des sillons, sur des critères clairement définis, les sillons dont cette activité a besoin. De plus, il ne semble pas nécessaire d'imposer au trafic de marchandises les mêmes protocoles et les mêmes normes que ceux qui sont appliqués pour le trafic de voyageurs. Par ailleurs, les transports de fret et de voyageurs sont des marchés profondément distincts qui font appel à des métiers très différents et il paraît difficile de dégager suffisamment de synergie entre ces deux activités pour justifier leur maintien dans une même structure. Ces derniers éléments semblent aujourd'hui bien établis et on peut constater que dans de nombreux pays, les autorités ont cherché, à l'occasion des diverses réformes, à isoler l'activité fret de l'activité voyageurs, cette séparation allant d'une distinction purement fonctionnelle, l'activité fret restant au sein de l'entreprise historique, à une externalisation complète par une filialisation voire une privatisation de l'activité. D'autre part, le risque de subventions croisées entre l'activité voyageurs, plus particulièrement les transports de proximité, qui restera à l'avenir largement subventionné, et l'activité plus concurrentielle du secteur de marchandises va pousser les autorités publiques comme les autorités de la concurrence à séparer ces deux activités. Il est possible qu'une simple étanchéité comptable ne paraisse pas suffisante à terme entre les deux types d'activités, d'autant plus que les conventions d'allocation des coûts communs feront l'objet de nombreuses contestations. 

7.2.2. Vers des infrastructures spécialisées pour le transport de fret 

Les réseaux vont progressivement se spécialiser. C'est un mouvement qui est déjà perceptible et qui ira en s'accentuant au fil des années. Le réseau ferroviaire va se différencier, au moins en partie : un réseau trans-européen à priorité fret, un réseau à grande vitesse voyageurs entre les principales villes d'Europe ce qui est déjà le cas aujourd'hui, et des réseaux locaux dont l'autonomie va se renforcer de plus en plus sur la base d'une articulation beaucoup plus poussée qu'aujourd'hui avec les réseaux locaux de transports publics. Cette spécialisation des réseaux peut prendre plusieurs formes. Elle peut être totale ; l'infrastructure est alors dédiée à un type de trafic (cas type du TGV ou de certains corridors fret). Elle peut être partielle ; dans ce cas, la spécialisation se traduit par la réservation d'une capacité, ou de sillons spécifiques, à tel ou tel type d'activité, laissant par ailleurs au gestionnaire d'infrastructure la possibilité de gérer, à la marge, les capacités restantes. Plusieurs raisons peuvent être avancées pour justifier une telle perspective. Tout d'abord, les exigences en termes de qualité de service et les contraintes de gestion n'étant pas les mêmes sur ces différents réseaux, les transporteurs ferroviaires et les gestionnaires d'infrastructures chercheront à affecter plus significativement l'usage des réseaux. Mais, au-delà des seules considérations de gestion et d'exploitation, il existe aussi un intérêt économique à dédier une infrastructure au fret. Les exigences en termes de qualité d'infrastructures étant pour le fret nettement différentes à celles exigées pour le transport de voyageurs, une telle affectation permettrait de réduire le coût du transport de marchandises. Ensuite, en raison de la multiplication des conflits d'usage de l'infrastructure, principalement entre le trafic fret et les services régionaux, qui seront de plus en plus difficiles à arbitrer, la spécialisation des réseaux apparaîtra à l'ensemble des acteurs comme une solution préférable, si le coût n'en est pas démesuré pour diminuer les contentieux trop coûteux qui pénalisent les services eux-mêmes et le trafic ferroviaire dans son ensemble. Toutefois, le système ferroviaire n'ayant pas les moyens d'investir massivement, malgré les efforts envisagés par les pouvoirs publics, la mixité des usages de l'infrastructure subsistera et les arbitrages en matière d'accès à l'infrastructure constitueront dans les années qui viennent une des tâches essentielles des institutions de régulation. 

7.2.3. Les stratégies des acteurs dans l'espace concurrentiel européen Vers une réorganisation de la structure industrielle du secteur

 Jusqu'à maintenant les compagnies ferroviaires n'ont pas vraiment cherché à entrer sur le réseau de leurs voisins, les relations de celles-ci s'inscrivant plutôt dans un cadre de coopération. On a ainsi plutôt assisté à la création de filiales communes, ou à la mise en place d'offres internationales. C'est le cas pour les liaisons à travers le tunnel sous la Manche avec le TGV Eurostar, ou les liaisons entre la France et la Belgique avec le TGV Thalys par exemple.

 Mais à terme, on peut penser que ces filiales, ou ces services, ayant leur intérêt propre, pourront voir leur indépendance se renforcer. Cette indépendance ne sera d'ailleurs pas sans conséquence en matière d'allocation des sillons puisque certains TGV internationaux, dans lesquels la SNCF est partie prenante avec d'autres partenaires, seront en concurrence pour utiliser certaines portions communes du réseau. Ces conflits d'intérêts pousseront les partenaires, impliqués dans ses activités, à clarifier la structure juridique de ces accords de gestion en les filialisant. Ensuite, si les conflits d'usage du réseau à grande vitesse venaient à se multiplier, il y aurait là un motif sérieux pour proposer la mise aux enchères de ces sillons, mise aux enchères qui, en l'état des textes actuels, n'est pas autorisée. Par ailleurs, un marché des droits d'accès s'instaurerait si la possibilité de revente de ces droits était envisagée. Pour l'instant, les compagnies ferroviaires restent encore marquées par la structuration nationale des réseaux et les relations fortes qu'elles avaient avec les États. 

Le nouveau cadre européen va sans doute favoriser la création de vastes regroupements internationaux, alliances, fusions et acquisitions. Les petits réseaux locaux vont progressivement s'agréger ou s'associer. Le cadre coopératif et de non-agression dans lequel les compagnies retranchées sur leur domaine réservé se trouvaient jusqu'à maintenant ne durera pas. On assistera plutôt à l'émergence de quelques très grands opérateurs de transports ferroviaires issus des anciens monopoles. Ces opérateurs tenteront sans doute d'intensifier leurs relations avec d'autres acteurs économiques en aval ou en amont de la chaîne de transport pour valoriser la fonction de traction ferroviaire dans un service de transport plus complet.

 Toutefois, il convient également d'insister sur le fait que le déclin actuel du transport ferroviaire tient, en partie, aux qualités insuffisantes des prestations de transport notamment en ce qui concerne les délais d'acheminement, insuffisances qui doivent être traitées pour elles-mêmes. Il est donc impératif, pour le développement du secteur que la fonction de traction et de circulation ne soit pas négligée dans les stratégies de diversification ou d'intégration menées par les opérateurs ferroviaires, les compétences de commissionnaire de transport n'ayant d'utilité que si la circulation des trains offre les prestations attendues.

 Les nouveaux entrants dans le secteur 

Quels seront les nouveaux entrants ? On peut être sceptique à moyen terme quant à l'entrée de nouveaux opérateurs ferroviaires sur le réseau, le coût d'entrée restant relativement élevé et l'intérêt limité, sauf peut-être sur des niches particulières (certes quelques opérateurs comme la Deutsche Post et BASF ont franchi le pas). La concurrence intramodale risque alors d'être limitée. Il semble même, en observant la stratégie des opérateurs en place aujourd'hui dans le domaine du fret, qu'on se dirige plutôt vers une forte concentration du secteur. 

C'est au regard de ces stratégies qu'il faut comprendre la notion de candidat autorisé proposée sans grand succès auprès des pays européens par la Commission mais soutenue notamment par la Suède : le droit d'accès aux infrastructures ferroviaires est réservé actuellement aux entreprises ferroviaires qui sont les seules à pouvoir exploiter les services ferroviaires. Avec la notion de " candidats autorisés ", la Commission souhaite intensifier la concurrence en permettant à d'autres agents économiques d'intervenir dans le secteur. Ces candidats qui pourraient être des collectivités locales, des autorités portuaires, des intégrateurs de transport intéressés à contrôler l'ensemble d'un service plurimodal, les industriels, voire les acteurs financiers, pourraient ainsi réserver des sillons. Ces candidats autorisés se trouveraient alors dans une situation beaucoup plus favorable pour négocier l'exploitation du sillon avec un des opérateurs ferroviaires disponibles. Si de telles pratiques se développaient, de fortes pressions concurrentielles s'exerceraient sur les entreprises ferroviaires en place. Celles-ci peuvent en particulier redouter que leur activité ne se trouve réduite à la seule traction, partie la moins rémunératrice de la prestation de transport, mais en contrepartie, les acteurs économiques concernés, c'est particulièrement vrai pour le fret, seraient fortement incités à utiliser effectivement le mode ferroviaire alors qu'ils s'en détournent aujourd'hui.

 7.2.4. Vers une compétition des réseaux 

Il est clair que l'on se dirige en Europe, indépendamment de la performance des transporteurs ferroviaires, vers une compétition des réseaux pour les grands trafics nord-sud et est-ouest. On commence d'ailleurs à percevoir ce phénomène sur certains trafics internationaux que la SNCF a perdus au profit d'itinéraires alternatifs suite à la dégradation de son offre. L'offre d'itinéraires alternatifs pour les grands flux se renforcera à l'avenir. Or, cette compétition comporte plusieurs enjeux en matière de développement régional et d'aménagement du territoire :

     - profiter de l'effet de masse sur du trafic international pour contribuer au financement d'un réseau ayant un intérêt pour du trafic plus national ;

     - développer ou créer des implantations industrielles, et surtout favoriser les ports qui sont autant d'interfaces sur lesquelles il y aura des possibilités de greffer des activités logistiques très rémunératrices.

 7.2.5. Vers de nouveaux mécanismes économiques d'attribution des sillons ? 

Dans un premier temps, la régulation des arbitrages liés à l'allocation des sillons (notamment ceux concernant les priorités entre le transport régional de voyageurs et le trafic de fret), passera vraisemblablement par des règles et des priorités ainsi que par la modulation de la tarification du réseau qui seront mises sous le contrôle des instances de régulation et qui évolueront sans doute au cours du temps sous la pression des différents acteurs. 

Toutefois, même si l'idée d'introduire d'autres mécanismes économiques dans l'allocation des sillons, et donc de créer des marchés de sillons ne fait pas encore l'objet de réflexions très approfondies et n'apparaît pas dans les négociations actuelles, il n'en demeure pas moins que la question risque de se poser aux autorités de régulation tôt ou tard, sous une forme ou sous une autre, dès lors que l'on autorisera des acteurs économiques à réserver des sillons. 

Aujourd'hui, l'idée que l'allocation des sillons puisse faire l'objet de négociations économiques interroge les pouvoirs publics car elle renvoie à l'idée que l'on se fait des capacités à payer des différents acteurs. Or, dans le système actuel, on ne connaît pas précisément ces valeurs. On peut estimer toutefois que la capacité à payer pour obtenir un sillon, si par ailleurs la fiabilité du service est garantie, peut être très élevée. De telles confrontations permettraient de révéler la valeur des sillons pour les activités de fret et de voyageurs et d'éviter que ceux-ci soient affectés à des usages dont l'intérêt pour la collectivité n'est pas suffisant. Par ailleurs, le prix sur ces marchés constituerait des incitations fortes pour l'investissement et permettrait de dégager des capacités de financement en attirant des capitaux dans le secteur. Toutefois, comme dans d'autres secteurs, la mise en place de tels mécanismes économiques et leur bon fonctionnement constitueraient une tache délicate pour le régulateur. De nombreuses questions politiques se poseront, notamment celle de l'attribution initiale de ces droits qui représentent un transfert de valeur très important. 


8. Conséquences pour la France 

En France, les gouvernements successifs ont abordé prudemment les réformes, soucieux d'éviter les tensions sociales très coûteuses pour l'entreprise et pour la collectivité, et cherchant une solution au traitement d'une dette qu'ils ne souhaitaient pas prendre en charge alors qu'elle prenait des proportions inquiétantes. 

8.1. Une réforme appelée à évoluer 

Même si la France a transposé les trois directives communautaires par un décret signé en décembre 1998, la réforme remonte aux décisions prises par les pouvoirs publics au cours de l'année 1996. Suite aux grèves massives de 1995, les pouvoirs publics ont, après un large débat national, enclenché la réforme autour de deux axes principaux. Le premier institué dans le cadre de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire (LOADT) cherche à impliquer directement les autorités régionales dans la définition et le financement du transport de voyageurs régionaux. Dans ce processus, - qui, pour l'instant, reste encore expérimental mais qui devrait assez vite se généraliser d'ici quelques années -, les régions deviennent des autorités organisatrices du transport et reçoivent de l'État une aide financière qui était auparavant versée à la SNCF. Le second vise à assainir la situation financière du secteur. Le nouvel établissement public, RFF (Réseau ferré de France) créé en 1997 devient propriétaire et gestionnaire des infrastructures et se trouve chargé de gérer la quasi-totalité de la dette du système ferroviaire liée à l'infrastructure (134 milliards de francs en 1997). En retenant une séparation institutionnelle que n'exigeait pas la directive, la France enclenche un processus de désintégration verticale du secteur dans l'objectif de clarifier les responsabilités entre l'État et la SNCF, notamment dans le domaine des infrastructures, et d'assainir durablement l'état financier du secteur ferroviaire au bord de l'asphyxie. Toutefois, cette séparation institutionnelle ne modifie pas la structure industrielle du secteur qui reste encore intégrée puisque la SNCF, prestataire obligé de RFF de par la loi, gère et entretient le réseau pour le compte de RFF. Du reste, l'État français a créé en 1999 le Conseil supérieur du service public ferroviaire dont un des objectifs est de préserver la cohérence d'ensemble du secteur sans revenir pour autant sur la séparation institutionnelle décidée par le Gouvernement précédent. Comme le montre le graphique qui suit, cette réforme a conduit à élaborer un mécanisme complexe de transferts financiers entre les deux EPIC, la SNCF payant un péage (6,2 milliards de francs en 1998) pour l'usage de l'infrastructure, RFF rétribuant la SNCF pour l'entretien et la gestion du réseau (16,6 milliards de francs en 1998). La fixation des montants de ces transferts n'obéit pas encore vraiment à une logique économique. Dès l'origine, le montant des péages a été fixé par les pouvoirs publics à un niveau initial bas pour tenir compte de la capacité contributive de la SNCF. Toutefois, la nécessité économique d'une augmentation des péages s'impose progressivement, ceux-ci passant de 6,2 à 10 milliards en 1999. Même si la récente augmentation des péages n'est pas sans lien avec le risque de requalification de la dette de RFF comme dette publique, elle conduit incontestablement à un niveau de rémunération plus satisfaisant d'un point de vue économique en rapprochant les péages de la structure des coûts de l'infrastructure. La stabilisation de la dette, qui n'était toujours pas acquise en 1998, semble maintenant pouvoir être envisagée, l'État ayant accepté un effort supplémentaire via des dotations en capital fixées pour trois années (1999 à 2001) à hauteur de 37 milliards de francs. Notons également que fin 1998, la dette totale du secteur s'élevait à près de 260 GF (dont 153 pour RFF, 47 pour la SNCF et 55 dans le service annexe de la dette). (image manquante)

Source : d'après le rapport d'activité 1998 de RFF Malgré tout, et c'est le cœur de la réforme, la présence de RFF et des régions qui s'imposent à la SNCF comme des partenaires obligés, conduit à clarifier les rôles des différents acteurs et vient enrichir la relation bilatérale que l'État entretenait avec l'entreprise. Il est probable que l'actuelle organisation évolue sous l'effet de deux contraintes. La première liée au caractère encore inachevé de la réforme actuelle nécessitera de clarifier davantage les relations entre RFF et la SNCF. Il reste à mettre en place des outils plus incitatifs et à renforcer la capacité d'expertise du gestionnaire d'infrastructures, notamment sur les dépenses de régénération (part importante des dépenses d'investissement de RFF). Les coûts engagés par la SNCF, donnant lieu à une facturation à RFF, devraient être clairement identifiés et évoluer dans le cadre d'un engagement de productivité et de qualité de manière à ce que, à terme, le coût d'accès au réseau pour les exploitants diminue. La seconde est liée à la préparation du chemin de fer de demain. La puissance publique doit s'apprêter à organiser la concurrence sur son réseau et préparer son entreprise à s'intégrer dans le jeu concurrentiel. 


8.2. Permettre à l'entreprise nationale de s'intégrer dans le jeu concurrentiel européen 

8.2.1. Les enjeux en termes réels 

Sur les lignes à grande vitesse, il n'y aura pas vraisemblablement de concurrence généralisée. Dans un premier temps, les nouveaux produits internationaux vont se développer sur la base de filiales avec d'autres partenaires. Le gestionnaire d'infrastructure aura tout au plus à gérer des demandes occasionnelles d'entrée sur le réseau. Mais, à terme, il n'est pas non plus totalement exclu que certains exploitants souhaitent un jour arriver à Paris. Le transport péri et inter-urbain de voyageurs ferroviaires va devenir un élément important des politiques des régions dont les compétences d'autorité organisatrice vont être reconnues. Ceci représente un défi pour la SNCF, qui se trouve aujourd'hui, de par la loi, en charge de ces services. L'entreprise devra conforter ses positions en particulier lorsque les régions seront tentées d'obtenir de l'État la possibilité de choisir leur prestataire de transport ferroviaire parmi d'autres candidats expérimentés disposant d'une réelle capacité à intervenir sur ces marchés. Le fret représente sans doute le seul segment de marché du ferroviaire pour lequel le concept de libre accès au réseau a un sens à moyen terme. Toutefois, cette perspective communément admise ne doit pas exclure un autre scénario, moins concurrentiel et tout aussi probable, dans lequel chacun des grands axes, connecté sur un point de concentration de trafic comme les ports par exemple, serait contrôlé par un opérateur international en situation de monopole. 

8.2.2. La durée de la transition 

La transition vers un système plus ouvert ne sera pas facile à gérer. Il s'agit maintenant de consolider la réforme, d'ores et déjà acquise, en continuant d'aller de l'avant à un rythme convenable. La SNCF est sans doute imparfaitement préparée à ces changements profonds d'état d'esprit. L'idée de partager l'activité ferroviaire avec de nouveaux acteurs comme RFF, les collectivités locales et, plus encore, avec d'autres entreprises représente pour la SNCF un changement culturel qui nécessite une adaptation progressive des façons de penser et de faire des cheminots, adaptation qui est en cours comme le montre la deuxième étape de son projet industriel . La priorité aujourd'hui pour les pouvoirs publics est donc moins de réguler un marché que de faire évoluer les deux EPIC du secteur (RFF et la SNCF) en consolidant les évolutions en cours observées, notamment autour de l'expérimentation de la régionalisation des transports régionaux de voyageurs. Mais le changement de rythme imposé par la Commission européenne, sous la pression d'une majorité d'États membres, ne laisse plus beaucoup de temps. Il y a un risque certain de voir l'entreprise se trouver dans un environnement de moins en moins favorable pour son développement. Le temps de ces changements est sans doute compté, ce qui interdit les hésitations. 

8.2.3. L'avenir du fret ferroviaire : une activité autonome 

Plusieurs raisons convergent pour recommander un renforcement de l'autonomisation du fret. La première raison relève de considérations internes à l'entreprise. Déjà, par tradition et culture, c'est le cas dans toutes les compagnies de chemin de fer, le trafic voyageurs a souvent été jugé prioritaire sur le trafic de fret. Pour que cette activité puisse vraiment exister au sein de l'entreprise, il paraît nécessaire que des moyens matériels et humains lui soient clairement affectés comme elle a commencé à s'y engager avec la mise en place d'un pilotage par activité. Cette affectation, qui marquerait déjà un choix stratégique fort, ne sera toutefois vraiment crédible que si cette activité se trouve totalement séparée des autres activités de l'entreprise de manière à ce que l'ensemble des moyens mis à sa disposition le soit de manière irréversible et lui permette de maîtriser l'outil de production en le structurant fortement autour des fonctions commerciales et logistiques dont l'importance ira grandissante. Par ailleurs, la création d'une activité distincte pour le fret qui pourrait, de manière autonome, négocier directement avec le gestionnaire des sillons, ceux dont elle a besoin, conduira à externaliser les arbitrages en matière d'affectation des sillons entre les activités fret et voyageurs, arbitrages dont les principes pourraient ainsi être clairement discutés entre le régulateur et les pouvoirs publics comme le " paquet infrastructure " le prévoit. La deuxième raison est liée aux exigences de transparence comptable qu'impose l'ouverture des réseaux. Même si, effectivement, des règles comptables claires peuvent suffire à établir le minimum de transparence nécessaire pour éviter les pratiques de subventions croisées, il est clair qu'une séparation plus nette de ces deux activités simplifierait la tâche du régulateur et minimiserait le nombre des contentieux. La troisième raison relève de considérations en matière de stratégie industrielle. Il paraît en effet décisif pour l'activité fret que l'entreprise française puisse se positionner durablement dans la restructuration de l'activité fret internationale qui se dessine aujourd'hui en Europe autour des grands réseaux et notamment des ports. Ceci suppose que le groupe SNCF dispose de moyens pour établir des alliances avec d'autres opérateurs ou intégrateurs de manière à pouvoir affronter la concurrence. Ces alliances seront essentielles pour faire face aux ambitions des intégrateurs de transport qui chercheront naturellement à réduire l'activité des transporteurs ferroviaires à la seule traction. À terme, les nécessités relatives aux alliances avec d'autres partenaires internationaux pourraient conduire à considérer l'ouverture du capital d'une filiale fret. La pertinence de cette stratégie reste posée. 

8.2.4. Des appels d'offres pour les lignes secondaires considérées comme non rentables et pour les services régionaux La consistance du réseau en France a toujours été du ressort du ministre en charge des Transports, mais dans la pratique, la SNCF a toujours assuré le financement des lignes très déficitaires que l'on maintenait par souci d'aménagement du territoire, cet équilibre étant obtenu par des mécanismes de transferts peu transparents. 

L'arrivée de la concurrence obligera à clarifier ces mécanismes de subventions croisées. L'exploitation de ces lignes pourrait faire l'objet d'appel d'offre au mieux disant. Le coût devrait être assumé par les collectivités concernées ou sur la base du budget de l'État. Il existe aujourd'hui des lignes régionales à faible trafic sur lesquelles la SNCF ne propose que des services coûteux et peu attractifs : ces lignes sont menacées alors qu'elles présentent toujours un intérêt pour l'aménagement du territoire. D'autres opérateurs ont déjà démontré leur capacité à innover et à développer des services de qualité sur ces lignes. De tels exemples montrent que l'on pourrait envisager une première ouverture à la concurrence en autorisant les régions à choisir leur prestataire de service sur de telles lignes (comme elles peuvent le faire pour les services routiers). Le véritable enjeu de cette ouverture est la définition du service (consistance de l'offre, tarifs) imposée dans le cahier des charges de l'autorité concédante. De plus, une telle politique conduirait à proposer aux élus une alternative à la fermeture de certaines lignes. Enfin, la présence de nouveaux opérateurs dont les prestations pourraient être comparées, renforcerait la pression exercée par les autorités organisatrices de transport sur l'opérateur en situation dominante. Au-delà des lignes inter-régionales à faible trafic, la procédure d'appel d'offre pourrait concerner les services régionaux. Aujourd'hui, la loi française impose aux régions qui ont accepté l'expérimentation de la régionalisation le choix du prestataire, mais à plus long terme, les régions, à l'instar des expériences régionales étrangères qui se développent, pourraient souhaiter mettre ce prestataire en concurrence avec d'autres opérateurs. Il convient de noter sur ce point que l'évolution du droit européen (un règlement européen est en cours de discussion sur ce sujet) rend assez fragile la protection juridique actuelle dont bénéficie la SNCF. L'ouverture à la concurrence permettra enfin d'aller beaucoup plus loin dans la recherche d'un véritable dialogue avec le prestataire de service. Les régions doivent devenir des autorités organisatrices munies de véritables pouvoirs et c'est là, pour elles, un véritable enjeu. 


9. Vers les modalités concrètes d'une concurrence nécessaire mais maîtrisée 

9.1. Renforcer l'indépendance du gestionnaire d'infrastructure sous le contrôle du régulateur 

9.1.1. La maîtrise des services essentiels nécessaires à l'usage de l'infrastructure 

L'ouverture du réseau initiée par la directive 91/440 n'a pas eu les effets escomptés même s'il est sans doute encore trop tôt pour apprécier les effets des réformes engagées dans les différents pays de l'Union et même s'il convient de rappeler que l'ouverture prévue dans la directive reste encore très limitée et que l'organisation actuelle des réseaux présente encore dans l'ensemble des pays de très nombreuses barrières à l'entrée plus ou moins explicites. L'ouverture du réseau suppose déjà que le gestionnaire d'infrastructure soit capable de fournir au nouvel entrant les services essentiels dont il a besoin pour accéder à l'infrastructure et qu'il le fasse dans des conditions équitables et non discriminatoires entre les différents opérateurs. Or, ceci peut ne pas être le cas dans les réseaux, comme en France, où l'entreprise historique garde de fait la gestion des services essentiels à l'usage de l'infrastructure . L'accès équitable et non discriminatoire des tiers à l'infrastructure paraît en effet peu crédible si la répartition des sillons et la gestion des circulations, ainsi que la certification en matière de sécurité, par exemple, restent du domaine de compétence de l'opérateur historique. Cet opérateur déterminerait alors les conditions dans lesquelles son propre concurrent entrerait sur son marché. Une telle situation, outre le fait qu'elle serait source de nombreux contentieux et pénalisante pour l'activité de l'ensemble du secteur, desservirait également les intérêts de l'entreprise historique qui serait suspectée en permanence de privilégier son activité de transport au détriment de celle de ses concurrents. 

Dans un premier temps, il paraît donc souhaitable d'isoler les services en charge du graphique de circulation et de les confier soit à une instance indépendante, soit au gestionnaire d'infrastructure lui-même. L'intégration de la fonction d'allocation des sillons au sein de l'exploitant présentait des avantages notamment pour la gestion des incidents lorsqu'il s'agissait par exemple de définir les priorités d'affectation des sillons au moment de la reprise du trafic, l'externalisation de cette fonction pouvant conduire à ralentir inutilement le service. Mais, lorsque plusieurs exploitants utilisent un même réseau, une telle fonction ne peut plus rester au sein d'une entreprise particulière, même si celle-ci se trouve être le principal exploitant du réseau. Dans une période transitoire, s'il n'existe pas d'instance de contrôle ou de recours ou si la séparation entre le gestionnaire d'infrastructure et le transporteur n'est pas suffisamment établie (ce qui est le cas dans un grand nombre de pays européens), il peut être préférable de créer un organisme d'allocation des sillons totalement indépendant du gestionnaire d'infrastructure. Cette solution a la préférence de la SNCF qui redoute que le gestionnaire d'infrastructure, lorsqu'il utilise le réseau, notamment pour l'entretien qui relève de sa charge, ne privilégie son propre intérêt au détriment des exploitants en imposant des ralentissements en favorisant trop les trains de travaux ou en supprimant des circulations pour limiter le coût des travaux, par exemple.

 Selon d'autres, cette solution n'est pas satisfaisante : la gestion des capacités, la gestion de l'infrastructure (circulation, entretien) et la tarification constituent en effet des fonctions complémentaires, notamment pour la gestion de la congestion (aménagement du graphique, tarification, investissements). Il leur paraît préférable dès lors de ne pas séparer ces fonctions et de confier la fonction d'allocation des sillons au gestionnaire du réseau, étant entendu que, par ailleurs, et c'est une condition impérative, les principes d'allocation des sillons sont clairement établis et qu'il existe une institution de régulation du secteur devant laquelle il est toujours possible de faire appel dans des délais très rapides . De manière générale, pour que l'ouverture du réseau soit effective et efficace il convient de recommander que l'ensemble des moyens nécessaires à l'usage des infrastructures ne soit plus sous le contrôle de l'exploitant ferroviaire et que par ailleurs, si ces fonctions essentielles étaient confiées au gestionnaire d'infrastructure, s'exerce sur ce dernier une régulation forte pour qu'il n'abuse pas de sa position de monopole. 

Cette régulation passe par la définition de procédures auxquelles le gestionnaire d'infrastructure aurait l'obligation de se conformer. Si une certaine liberté est laissée au gestionnaire dans sa gestion du réseau, ce qui paraît souhaitable pour l'efficacité d'ensemble, cette liberté doit s'exercer dans la transparence. De ce point de vue, le " document de référence " envisagé dans les nouvelles propositions de directive apparaît comme un élément tout à fait essentiel de l'organisation future du secteur. Devraient figurer dans ce document, non seulement les caractéristiques du réseau, mais également l'ensemble des conditions d'accès, les principes de tarification, ainsi que les barèmes, les critères d'allocation des capacités en cas de conflits d'usage, etc. Parmi ces fonctions essentielles celle de la tarification occupe une place particulière. Le débat reste ouvert pour savoir s'il faut laisser la fixation des tarifs d'usage du réseau à l'État ou s'il faut, au contraire, la confier au gestionnaire d'infrastructure à un organisme indépendant. Ces procédures, déjà essentielles, ne suffiront pas pour obtenir une régulation efficace du secteur qui supposera la présence d'une institution de contrôle et de recours lorsque certains opérateurs voudront contester les décisions que le gestionnaire d'infrastructure aura prises. Il paraît fondamental qu'un tel organisme soit totalement indépendant de tout intervenant dans le secteur ferroviaire (gestionnaire d'infrastructures, organismes de tarification et de répartition si ces derniers ne sont pas rattachés au gestionnaire d'infrastructure, transporteurs ferroviaires, autorités organisatrices de transport et autres acteurs intéressés à disposer de sillons, etc.), ainsi que le prévoient les directives. 

9.1.2. Coordination européenne entre les gestionnaires d'infrastructures 

Comme dans d'autres secteurs, la réalité et le développement de réseaux trans-européens prendront une importance toute particulière pour l'efficacité du secteur. Les exigences de la demande sur le transport ferroviaire international exigeront une coopération soutenue des gestionnaires de réseau. Les gestionnaires de réseaux devront renforcer leur coopération pour assurer la création et la gestion des sillons internationaux. Une procédure de concertation entre les différents gestionnaires de réseaux nationaux se révélera sans doute insuffisante lorsque ces trafics augmenteront. Ne va-t-on pas à terme vers la fusion de certains réseaux nationaux ? Par ailleurs, la mise en cohérence d'une ossature européenne en matière d'infrastructure ferroviaire imposera non seulement une définition de normes communes d'exploitation, mais aussi de nouveaux investissements qui n'intéresseront pas forcément les gestionnaires d'infrastructures nationaux. L'ensemble de ces problèmes d'interopérabilité et de financement dont la résolution constitue un préalable indispensable au développement du transport international ferroviaire plaide pour que les États conçoivent, dès maintenant, et mettent en place dans les années qui viennent, un organisme européen efficace disposant de moyens propres pour assurer le développement d'un réseau interconnecté structuré sur l'espace européen. 


9.2. Les règles de tarification de l'usage des infrastructures

La tarification de l'usage de l'infrastructure mise en place dans les différents pays membres obéit à plusieurs logiques ou objectifs qui peuvent être contradictoires. Les gestionnaires d'infrastructures restant en situation de monopole, il convient de faire en sorte que la tarification d'accès soit la plus transparente possible et soit orientée par les coûts. Jusqu'où faut-il pousser l'harmonisation entre les différents systèmes de tarification européens ? Quelles incidences le respect de tels principes économiques aura-t-il sur les aides que les États souhaiteront apporter au secteur ? L'articulation entre le développement du réseau et la tarification est un point fondamental qui fait encore aujourd'hui l'objet de négociation. Même si en pratique le projet de modification de directive actuel autorise sur ce sujet un grand nombre d'aménagements et d'exceptions, le principe de base développé par la Commission repose sur une tarification au coût marginal du réseau, principe pouvant être assorti de modulation tarifaire. Mais le dossier de la tarification reste encore trop imprécis. Sur la base de quels critères ces modulations seront-elles calculées ? Comment et sur quels principes sera tarifée la congestion ? Ce dernier point est sans doute un des éléments les plus complexes du système tarifaire futur, car il faudra en effet s'assurer que le gestionnaire de réseau soit incité à investir dans le réseau. Mais, le fera-t-il si en investissant il perd les recettes importantes que lui procurerait une tarification de congestion ? Les besoins de financement actuels du secteur peuvent pousser les responsables de l'infrastructure à faire appel à des financeurs extérieurs (des opérateurs privés ou des collectivités locales). Ces financeurs exigeront des garanties quant à l'accès à ces réseaux et souhaiteront ne pas payer deux fois l'infrastructure. Ces garanties et ces exigences pourront-elles être compatibles avec un réseau ouvert à la concurrence ? 


9.3. Des missions de service public à définir et à contractualiser 

La Communauté a toujours reconnu une dimension de service public au secteur des transports, et accepté à ce titre les aides d'État lorsqu'elles correspondaient au remboursement de certains services inhérents à l'existence d'un service public. 

Les orientations communautaires ont cependant évolué et elles privilégient maintenant davantage le recours à la technique du contrat de service public plus clair que la notion d'obligation de service public. En défendant un tel principe, l'Union ne cherche plus seulement à garantir aux entreprises en charge de tels services l'assurance de percevoir une compensation proportionnée aux coûts qu'elles ont engagés, mais cherche à établir un système dans lequel les pouvoirs publics ne pourront plus au nom des missions de service public fausser la concurrence. Les missions de service public ne sont pas en contradiction avec une approche qui cherche à clarifier les responsabilités entre les exécutants d'un service et les pouvoirs publics qui doivent le définir et le financer. Les propos sur le service public ferroviaire renvoient à des considérations générales relevant des politiques publiques en matière de transport, d'aménagement du territoire, ou d'environnement. Le service public ferroviaire ne s'exerce que dans le cadre des missions de service public qui peuvent être confiées aux exploitants dans le cadre plus global d'une politique des transports. Les missions de service public s'appliquent à l'ensemble du transport public et non au chemin de fer pris isolément. Il convient donc de préciser le périmètre de ces missions.

 La loi d'orientation des transports intérieurs (LOTI) est sur ce point très claire. C'est bien au système de transport dans son ensemble de satisfaire les besoins des usagers dans les conditions économiques et sociales les plus avantageuses pour la collectivité. C'est toujours le système de transport qui concourt à l'unité et à la solidarité nationales, à la défense du pays, au développement économique et social, à l'aménagement équilibré des territoires et à l'expansion des échanges. C'est bien la politique des transports, dont les pouvoirs publics sont en charge, qui doit assurer le développement harmonieux des divers modes de transport en tenant compte des avantages et des inconvénients en matière de développement régional et de protection de l'environnement. Le mode ferroviaire n'est qu'un moyen parmi d'autres pour atteindre ces objectifs. Même si le texte précise plus loin que la SNCF (aujourd'hui RFF) exploite, aménage et développe le réseau ferré selon les " principes de service public ", il reste ambigu sur le contenu de ces missions. Il n'en reste pas moins que le ferroviaire occupe une place importante dans une politique des transports soucieuse d'un développement durable des transports. La collectivité peut ainsi décider de maintenir une alternative crédible au transport routier si le développement de celui-ci à plus long terme ne paraît pas soutenable. Il convient sur ce point de préciser que la politique des transports doit s'attacher tout particulièrement à faire en sorte qu'il n'y ait pas de distorsions de concurrence trop importantes dans la compétition que se livrent les différents modes de transport et veiller, si tel était le cas, à réduire toutes les subventions (cachées ou publiques) dont bénéficieraient indûment certains modes.

 La question de savoir si le transport routier couvre bien les charges qu'il occasionne à la collectivité est un point central du débat dont les conclusions ne sont pas encore véritablement partagées. Sans entrer dans ce débat, précisons que plusieurs points méritent une attention toute particulière comme la question de la couverture des coûts environnementaux et d'infrastructures par les péages et les diverses taxes ainsi que celle du respect de la législation dans le secteur routier. Par ailleurs, dans l'hypothèse où une sous-tarification routière serait avérée, il faut également noter qu'un renforcement de la fiscalité routière, visant à couvrir les coûts environnementaux par exemple, ne se traduirait pas nécessairement pour autant par un transfert massif de la route vers le rail. Une augmentation des prix de la route permettrait tout d'abord aux transporteurs ferroviaires d'augmenter leur prix et d'améliorer leur marge. On peut s'interroger sur les gains qui, en fin de compte, pourraient en résulter : le chemin de fer deviendrait-il plus productif ? Le volume total des subventions de natures diverses qui lui sont affectées serait-il réduit ? Quelles que soient les conclusions et les décisions prises dans ce domaine, il ne faut pas oublier que, même si une augmentation des prix de la route peut rendre l'offre ferroviaire plus compétitive, l'amélioration du partage modal en faveur du ferroviaire exige au préalable une amélioration de la qualité de service. En ce qui concerne le fret, cette activité relève d'un service marchand et qui, à ce titre, devrait se développer sur la base de sa propre compétitivité et sur des services adaptés aux besoins des clients, même si, par ailleurs, les pouvoirs publics souhaitent favoriser le développement de ce mode pour des raisons d'intérêt général, c'est notamment le cas pour le transport combiné. Il paraît dès lors opportun, soit de réglementer le trafic très sérieusement dans certaines zones jugées sensibles, soit, et cela est sans doute préférable, d'octroyer des aides directement aux exploitants ferroviaires ou à leurs clients à concurrence des bénéfices que la collectivité retire du passage d'un trafic donné de la route sur le chemin de fer. Notons qu'un tel système n'a de sens économique que si, par ailleurs, l'exploitant ferroviaire minimise ses coûts. Il n'en reste pas moins également que la mise en œuvre formelle du droit au transport peut également justifier des mesures particulières en faveur des personnes à mobilité réduite, des catégories sociales défavorisées, ou des personnes vivant dans des régions isolées et difficiles d'accès. Toutefois, il convient de préciser que le transport ferroviaire n'est pas forcément la meilleure réponse à donner à ces exigences, que certains services peuvent être mieux rendus pour un coût moindre par d'autres moyens. Lorsque c'est le cas, les aides doivent être la contrepartie d'un service identifié et payé à l'entreprise qui a la charge de l'exécution de ce service.


9.4. Une autorité de régulation spécialisée 

La régulation du secteur ferroviaire au sens large nécessitera de mettre en place, dans un délais assez proche, une institution adaptée à la nouvelle organisation du secteur en raison de l'introduction progressive de la concurrence. Comme dans d'autres secteurs, cette autorité devra veiller au développement harmonieux du secteur, faire en sorte que le consommateur soit le principal bénéficiaire de ces évolutions, procéder à des évaluations régulières de l'état du secteur, assurer une compétition effective, loyale et efficace entre les différents prestataires de services, notamment en réglant les litiges qui pourraient survenir tout en tenant compte des spécificités du secteur et des missions de service public que certains opérateurs peuvent avoir en charge. Plusieurs raisons militent pour l'établissement d'une autorité de régulation spécialisée distincte des autorités de concurrence et chargée d'une mission spécifique, sans préjuger de l'exercice des voies de recours prévues par le droit de la concurrence, en particulier par l'ordonnance du 1er décembre 1986 : le fonctionnement concurrentiel du marché du transport ferroviaire exige à la base que soient garanties des conditions équitables d'accès au réseau, ce qui requiert un processus d'expertise et de décision rapide et des compétences particulières compte tenu de l'importance de la dimension technique des problèmes à traiter. En outre, la spécialisation s'impose par les caractéristiques propres au secteur : l'introduction progressive de la concurrence se fera de différentes manières selon les segments du marché ferroviaire, le gestionnaire du réseau restera un monopole public, comme c'est le cas dans de nombreux pays, même si certaines lignes pourront éventuellement être la propriété de collectivités ou d'intérêts privés ; par ailleurs, les transports régionaux seront dans la majorité des cas régulés au niveau local par les autorités régulatrices du transport ; les interactions très nombreuses entre la régulation du secteur et la politique des transports multiplieront les exceptions au droit commun de la concurrence qui devront être appréciées au cas par cas dans des délais assez rapides. Dans ce contexte, l'intervention d'une instance spécialisée dans les questions d'accès au réseau s'impose en complément des compétences reconnues tant au Conseil de la concurrence qu'au juge en matière de pratiques anti-concurrentielles. Même si les considérations très légitimes en matière de politique publique restent prédominantes dans ce secteur, il est nécessaire de garantir au régulateur une indépendance sans ambiguïté. Cette indépendance et l'impartialité qu'elle doit protéger, doivent être manifestes aussi bien vis-à-vis de l'ensemble des acteurs du secteur, gestionnaire d'infrastructure et exploitants, français et étrangers, que vis-à-vis des pouvoirs publics eux-mêmes. Cette régulation du secteur doit être établie alors même que par ailleurs l'État restera le principal actionnaire de l'entreprise publique, et ce pour de longues années encore, et qu'il gardera la maîtrise du réseau via le gestionnaire des infrastructures. Enfin, l'indépendance de cette instance et la crédibilité des décisions qu'elle sera amenée à prendre dépendent également des procédures d'appel et des instances devant lesquelles ses décisions pourront être contestées. Les pouvoirs publics en charge de la politique des transports devront alors trouver de nouveaux modes d'intervention dans le secteur qui devront tout à la fois fonder la crédibilité de cette instance et assurer l'efficacité de l'action des pouvoirs publics dans le secteur. Pour ce faire, les membres de l'autorité devront être nommés par les pouvoirs publics, de manière irrévocable, pour une période déterminée, et dans le cadre d'une mission clairement définie. Ces membres devront également rendre compte de leur action devant les assemblées parlementaires. La crédibilité de la régulation, pour qu'elle puisse se traduire dans les faits, impose également que cette autorité puisse se saisir de questions qu'elle considère relever de ses missions, qu'elle dispose de moyens d'investigation spécifiques et conséquents pour le faire, d'un budget propre, ainsi que de pouvoirs de sanction. Cette instance doit pouvoir être saisie par toute personne physique ou morale, toute organisation ou association pour des questions relatives au secteur ferroviaire et particulièrement pour des questions relatives à l'accès du réseau. Enfin, l'ensemble de ses décisions, sous réserve qu'elles ne contiennent pas des informations confidentielles et stratégiques, doivent pouvoir être rendues publiques. L'existence de conflits potentiels importants entre les activités relevant de l'ordre concurrentiel et les activités relevant de missions de service public imposent également une relation étroite entre l'autorité de régulation et les autorités organisatrices de transports. La modalité de leur coopération reste à préciser, mais il paraît déjà souhaitable que les autorités qui définissent le cahier des charges des missions de service public puissent être obligatoirement consultées par l'autorité de régulation lorsque les décisions prises ont un impact sur ces services. Les conflits d'intérêts de l'usage des infrastructures, déjà perceptibles aujourd'hui alors que les collectivités régionales voient leur responsabilité accrue en matière de transport régional de voyageurs, se multiplieront. Leur résolution constitue un des éléments clefs de la réussite de la régulation du secteur. L'autorité de régulation aura à traiter plusieurs dossiers importants. On peut en noter déjà quatre principaux. Premièrement, l'autorité de régulation devra exercer son action sur le gestionnaire d'infrastructure, qui restera dans le secteur le seul élément de monopole naturel. Elle devra veiller notamment à ce que les procédures d'allocation des sillons et les péages en vigueur ne conduisent pas à des distorsions de concurrence et à des pratiques discriminatoires entre les différents opérateurs. La tarification devenant l'un des enjeux majeurs de la régulation du secteur, elle devra faire l'objet d'une attention toute particulière. Plusieurs solutions existent. La plus radicale consiste à donner au régulateur le pouvoir de fixer ces tarifs, mais on rencontrera là les problèmes classiques rencontrés dans d'autres réseaux : la détermination des tarifs par le régulateur se heurte à des asymétries d'information et enlève toute flexibilité au gestionnaire. Une autre solution peut consister, au contraire, à laisser le gestionnaire libre de fixer ses tarifs, la régulation s'exerçant alors a posteriori par le biais d'une approbation par exemple. En tout état de cause, le système de tarification devra s'appuyer sur les coûts marginaux et non pas sur des considérations de capacité contributive, le régulateur devant s'assurer que le gestionnaire du réseau n'abuse pas de sa position pour prélever indûment la valeur créée par les exploitants. L'autorité de régulation devra également s'assurer que le gestionnaire de réseau publie toutes les informations essentielles pour accéder au réseau. Ensuite, les décisions prises en matière d'investissement représentent un élément décisif de la réussite des réformes. Même si la politique d'investissement restera très marquée par les pouvoirs publics qui la financeront en grande part, l'autorité de régulation devra pouvoir donner son avis sur les décisions qui seront prises ou non par le gestionnaire. Elle devrait également indiquer aux pouvoirs publics et au gestionnaire de réseau, à titre indicatif, les extensions et les modifications du réseau qu'elle juge prioritaires. Enfin, l'autorité devra tout particulièrement s'assurer de l'efficacité du gestionnaire de manière à ce que ce dernier réduise sur le long terme le coût d'accès pour les exploitants et leur offre une qualité de réseau la meilleure possible. Cela suppose principalement deux choses. Le régulateur devra, d'une part, avoir la compétence pour exiger du gestionnaire des gains de productivité et faire en sorte que ceux-ci se traduisent à terme par une baisse des péages profitant aux exploitants. Cela implique que le gestionnaire de réseau ait les moyens de baisser ses coûts de maintenance et qu'il ait donc la possibilité, s'il n'assure pas lui-même ce service, de pouvoir mettre en concurrence ses prestataires. Il devra, d'autre part, s'assurer que le gestionnaire investit bien lorsque cela est nécessaire et qu'il ne profite pas indûment des rentes de rareté sur le réseau par des augmentations de péages lorsque ces raretés se manifesteront. Deuxièmement, l'autorité de régulation aura en charge la production d'informations de qualité sur la situation et le développement du secteur. Ces informations constituent en effet un élément décisif de la réussite des réformes notamment parce qu'elles représentent un enjeu stratégique pour l'ensemble des différents acteurs du système. Sans mettre en cause la confidentialité de certaines informations, l'autorité devra mettre en libre accès notamment sur Internet des indicateurs fondamentaux rendant compte de la qualité des services produits en les dissociant par opérateur et par réseau, ainsi que des statistiques sur les réclamations faites par les usagers. À cette fin, l'autorité de régulation devra offrir à tout usager la possibilité de lui adresser, gratuitement et sans difficulté ses réclamations selon une procédure qui devra être sous le contrôle d'un représentant des usagers. Troisièmement, l'autorité devra vérifier qu'il n'existe pas dans ce secteur de subventions croisées entre les activités relevant d'une mission de service public et recevant à ce titre des fonds publics et les activités concurrentielles. Enfin, quatrièmement, l'autorité devra instruire, pour le ministre chargé des Transports, les demandes de licences ferroviaires permettant aux opérateurs d'accéder au réseau national. Cette instruction comporte nécessairement un volet en matière de sécurité. Sur ce point précis, l'instruction devra se faire sous le contrôle d'une administration spécifique en charge des questions de sécurité dans le secteur des transports. Enfin, il paraît important, qu'elle puisse être force de propositions en matière de lois ou de règlements et qu'elle participe aux négociations internationales et notamment européennes qui seront menées dans le secteur. Comme dans d'autres secteurs, il paraît également souhaitable pour l'efficacité de la régulation (développement du réseau trans-européen, interconnexion des réseaux, création de sillons internationaux), au fur et à mesure qu'émergera un réseau intégré européen, et que certains problèmes de ce fait, se poseront à l'échelle européenne, que les instances en charge de la régulation dans chaque pays européen développent une concertation forte et régulière. Cette évolution coopérative peut paraître plus favorable à celle qui laisserait émerger une instance de régulation européenne moins à même d'articuler les exigences de chaque pays en matière de politique des transports, alors que sur certaines portions du réseau se superposeront des trafics trans-européens et des trafics régionaux. Mais, il est possible également à terme que, dans un scénario dans lequel le fret international verrait son poids prendre beaucoup plus d'importance qu'il n'en a aujourd'hui, une instance européenne de régulation ne s'impose comme la seule solution pour traiter des problèmes spécifiquement européens. 


9.5. Une autorité indépendante des opérateurs en matière de sécurité

 La question de la sécurité apparaît comme une interrogation majeure dans les débats actuels. La SNCF a développé au fil des années un savoir-faire en la matière et une exigence très élevée partagée par l'ensemble du personnel. La qualité de sécurité obtenue dans ce secteur s'appuyait jusqu'à maintenant sur une intégration poussée de la gestion de l'infrastructure et de son exploitation. L'affaiblissement de ce lien, qu'accentuent les réformes européennes, représente un facteur de risque important, qui s'accroîtra avec l'ouverture accrue du réseau, et qui ne doit pas être sous-estimé. Certes, comme le montre l'exemple du transport aérien, les problèmes de sécurité peuvent être traités dans un contexte privé et concurrentiel, les entreprises n'ayant aucun intérêt à sous-estimer cette question notamment parce que le moindre incident aurait des conséquences immédiates sur l'image des entreprises concernées. Toutefois, étant donné que la maîtrise de la sécurité de ce mode passe par une bonne gestion de l'interface entre l'infrastructure et le matériel roulant, et étant donné que l'argument de sécurité peut conduire l'opérateur dominant à verrouiller l'entrée sur le réseau, il paraît nécessaire de mettre en place une administration en charge spécifiquement des questions de sécurité, disposant d'une forte capacité d'expertise, d'un droit d'investigation et d'un pouvoir contraignant sur l'ensemble des opérateurs (étrangers ou non) comme sur le gestionnaire d'infrastructure. Cette instance, qui pourrait traiter des questions de sécurité pour l'ensemble des modes de transport, disposerait notamment d'un droit de veto sur l'attribution des licences et pourrait se prononcer pour le retrait d'une licence d'un opérateur. Il est d'ailleurs possible qu'à moyen terme il soit nécessaire de créer une instance européenne compétente sur ce domaine en raison de l'internationalisation des trafics de manière à harmoniser les exigences en la matière.


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