Olivier de Berranger croit à la nécessité d'une meilleure ouverture internationale des Français, trop souvent ignorants de l'étranger et donc semblables, selon un proverbe coréen, "à des grenouilles au fond d'un puits".Evêque de Saint-Denis depuis 1996, Mgr de Berranger a connu un parcours peu commun, puisqu'il a passé 17 ans en Corée du Sud. Son diocèse compte 173 ethnies différentes, formant une population très jeune : les moins de 30 ans représentent 30% des 1 500 000 habitants ; la densité, exceptionnelle, atteint 6 000 habitants au km2.Passer de Séoul à Saint-Denis est une aventure passionnante. Comme aRRI, Mgr de Berranger croit à la nécessité d'une meilleure ouverture internationale des Français, trop souvent ignorants de l'étranger et donc semblables, selon un proverbe coréen, "à des grenouilles au fond d'une puits". Nous vivons une ère de "mondialisation", qu'il faut savoir affronter, comme l'a bien montré la Commission française "Justice et Paix" dans un texte récent. Et le théologien Yves Congar observait : "Vaste monde, ma paroisse".Une première ébauche "recalée"Egalement président de la Commission sociale de l'Eglise de France, l'orateur va parler de la Déclaration "Réhabiliter la politique", publiée par l'épiscopat en mars dernier et préparée par cette Commission (1). En effet, le Conseil permanent de l'Assemblée des Evêques, ému devant de nombreux signes de désintérêt d'une partie de la société française à l'égard de la vie politique - ainsi la forte proportion d'abstentions lors des élections -, avait "passé commande" d'un texte. La méthode d'élaboration du document mérite d'être notée : une ébauche, réalisée avec l'aide de bons politologues, ayant pourtant été "recalée" par le Conseil permanent, il a été fait appel à des praticiens de la politique, à des élus, de la scène française et aussi européenne. Au sein de la Commission, c'est le Comité socio-économique, présidé par Mgr André Lacrampe, évêque d'Ajaccio (lieu de "fracture" !), qui a rédigé la nouvelle version. Le choix du titre a fait l'objet de débats, Mgr de Berranger aurait souhaité "La politique à l'heure de l'Europe". Le titre retenu a semblé convenablement provoquant.Le document, après une introduction, compte trois chapitres : "Un regard lucide sur la réalité politique", "Vivre ensemble en démocratie", et le plus important, "L'Europe et la mondialisation : de nouvelles dimensions", suivis de citations tirées de l'Ecriture ou de textes importants de l'Eglise publiés par et depuis le Concile Vatican II.Un sentiment d'impuissanceMgr de Berranger a souligné en particulier : le sentiment d'une sorte d'impuissance face au désintérêt de beaucoup de nos concitoyens pour la politique - le document essaie d'en expliquer les raisons -, la nécessité pour la démocratie de comporter une certaine "vertu", comme l'affirmait déjà Montesquieu (allusion évidente aux "affaires", mais la dénonciation de la corruption ne doit aucunement signifier une critique de la politique en tant que telle, ni une justification quelconque du scepticisme), le rappel que la recherche du "bien commun", finalité de la politique, doit s'étendre auxgénérations futures dans le cadre d'un "développement durable" (thème qui a suscité l'attention de nombreux jeunes), l'affrontement à la violence (dont il faut reconnaître qu'elle se trouve au cœur de la condition humaine ; l'Etat a le monopole de la violence légitime et l'un des buts de la politique est de maîtriser cette violence, en cherchant à lui substituer le droit et la parole; mais cette tâche implique le rôle éminent des éducateurs, dans tous les domaines).La démocratie n'est pas un acquis définitifIl a rappelé l'estime des catholiques pour la démocratie, en particulier à propos de l'importance des corps intermédiaires et du principe de "subsidiarité", tout en acceptant les objections faites à l'Eglise à propos de la gestion de la démocratie en son sein ou encore de l'égalité hommes-femmes ! Ayant connu en Asie des régimes dictatoriaux, Mgr de Berranger est bien placé pour savoir que la démocratie n'est pas une donnée de nature ni un acquis définitif, que chaque génération est appelée à se former à cet égard et à reprendre l'effort.Enfin, il a présenté quelques observations sur l'Europe et la mondialisation :par exemple, le rappel que c'est en Europe que sont nés les deux conflits mondiaux du siècle, - ce qu'elle ne doit pas oublier lorsqu'elle "parle au monde" à propos de la démocratie et de la paix -, que la politique ne se réduit pas à l'économie, que la présence slave demeure faible au sein des institutions européennes, etc ...En réponse à des questions, il a précisé que le document précédent de l'épiscopat sur le politique, "Pour une pratique chrétienne de la politique", en 1972, présentait peut-être plus de références proprement théologiques (relations avec l'Eucharistie, avec l'eschatologie) que celui de cette année ; d'autre part, la Commission s'efforce de maintenir un dialogue permanent avec les organismes "du terrain" :la CGT, la CFDT, le MEDEF, etc ... Mgr de Berranger se réjouit de la compétence reconnue de divers laïcs catholiques, tels Jean Boissonnat, les membres du Groupe "Paroles", etc... ; il signale enfin que la Déclaration a eu dans les médias un impact dans l'ensemble satisfaisant, parfois surprenant (place de choix dans "L'Humanité" et même dans "Le Meilleur") .Notes de Jean Chaudouet(1) disponible en librairie, notamment à La Procure, 3 rue de Mezières 75006 Paris. Prix 59 F. (+ 20 F. envoi)L’aventure du christianisme social de Jean Boissonnat et Christophe BrannecQuels sont les grands défis auxquels les chrétiens devront, dans les décennies à venir, répondre ? C’est à la lumière de 2 000 ans d’histoire que cette confrontation entre christianisme et société est présentée et avec la sérénité du " N’ayez pas peur " de Jean XXIII. On trouvera dans cette ouvrage à plusieurs voix, les perspicacités de Jean Boissonnat, (qui préside d’exceptionnelles Semaines Sociales, les 25, 26, 27 et 28 novembre prochains, à la Maison de la Mutualité Paris 5è). La sécularisation, avec la séparation de l’Etat et de l’Eglise, est-elle achevée ? Comment dépasser l’Etat national et tisser dans une architecture nouvelle, un tissu démocratique qui ne se déchire pas ? Sur maintes questions essentielles des réponses fortes sont présentées par les auteurs.Bayard Editions et Desclée de Brouwer 160 p. 110 F.
La refondation du monde de Jean Claude GuillebaudDans un essai stimulant, Jean Claude Guillebaud analyse les dérives d'une époque dominée par le sacro-saint "marché", destructeur de nos héritages et des fondements de la civilisation et propose de réinventer le futur. C'est ainsi que Bruno Frappat, directeur du journal La Croix, présente l'ouvrage de son confrère."La société contemporaine, telle que la décrit Guillebaud au terme de notre siècle exténué et à l'"effrayant bilan", ressemble à un vaste territoire qui viendrait d'être balayé par un typhon mental. Les anciennes forêts du sens et des solidarités ne sont qu'espaces où gisent des arbres déracinés", écrit Frappat. "Partout l'inondation de l'égoïsme, de l'intérêt, de l'individualisme, du nihilisme, des inégalités, s'est répandue. Les fondations de notre maison commune - la civilisation gréco-judéo-chrétienne - sont ébranlées, rongées".Le rude constat de cet état du monde ne doit pas incliner à la "nostalgie" et encore moins à la "déploration", poursuit Bruno Frappat.Engager une restauration ? Ce n'est pas ce que propose Guillebaud.Pour "refonder le monde" il faut, d'abord, en connaître l'architecture, en relire la mémoire, en visiter les soubassements. Et, ensuite, assumer loyalement l'héritage de ce qui nous a faits ce que nous fûmes avant le nouveau déluge.Ce n'est qu'après un travail d'élucidation et de réappropriation de ce qui nous a constitués que l'avenir pourra être repensé.Le prophétisme juif instaurateur du "temps droit", le christianisme qui a établi la révolution de l'égalité, la Grèce qui a inventé la raison, les Lumières qui ont recueilli et laïcisé l'héritage judéo-chrétien mettant à distance le sacrifice et la vengeance, "voilà l'humus complexe sur lequel a poussé tout ce qui fonde - ou devrait fonder - les valeurs sûres de notre vivre ensemble". Seuil 370 p. 140 F.- COMPLEMENTS RELIGIONS Religions sur internet Bibliographie des religions