À considérer la diversité des problématiques qui sous-tendent l'histoire, la situation actuelle et les perspectives d'évolution des " services publics en réseaux " objets de ce rapport, on pourrait avoir de sérieux doutes sur la possibilité de dégager des préconisations de portée générale concernant les nouveaux mécanismes de régulation à mettre en œuvre dans ces différents secteurs.
Les quatre chapitres sectoriels consacrés respectivement à l'électricité, au gaz, au transport ferroviaire et au secteur postal, qui constituent la première partie de ce rapport, complétés par le " retour d'expérience " précieux du secteur des télécommunications, permettent cependant de mettre en évidence, au-delà de spécificités incontestables, de profondes similitudes dans les interrogations auxquelles ces différents secteurs vont devoir répondre au cours des prochaines années.
Toutes les activités en cause ont été profondément marquées par une approche typiquement française de l'organisation des services publics en réseaux Cette approche a résulté de la convergence, au fil des ans et des circonstances, de préoccupations économiques (les effets d'échelle justifiant le " monopole naturel "), de service public (l'égalité de traitement, la péréquation tarifaire, etc.), d'intérêt général (cohésion sociale et aménagement du territoire), stratégiques (politique énergétique, politique industrielle, recherche et développement, etc.) et de progrès social. Elle s'est traduite par la création dans chacun de ces secteurs d'un puissant opérateur national, fortement intégré, en situation de monopole ou de quasi-monopole, contrôlé par l'État, investi de missions de service public et vecteur des stratégies nationales dans son domaine d'activité.
L'une des conséquences importantes pour notre propos de ce type d'organisation est le rôle prééminent qu'y joue un État protéiforme, tour à tour régulateur, prescripteur du service public, porteur des stratégies nationales, garant des grands équilibres économiques, et actionnaire. La pérennité de ce modèle de " service public à la française " a été d'autant mieux assurée qu'il a fait l'objet durant de longues années d'un large consensus national, conforté par d'incontestables réussites qu'il s'agisse de la réalisation de grands programmes d'équipement ou de la réponse aux attentes de nos concitoyens en matière de service public.
Dans le cas des services publics locaux de réseaux, le modèle de " service public à la française " cohabite avec le modèle décentralisé, également typiquement français, de " concession à la française ", confirmé par les lois de décentralisation de 1982, dans lequel les communes ou leurs groupements sont propriétaires des réseaux et concèdent leur gestion à un opérateur historique national ou à des opérateurs multiples.
Tous ces secteurs sont appelés à connaître des évolutions décisives au cours des toutes prochaines années Il est certain que la transposition en droit national des différentes directives communautaires constitue, aujourd'hui, pour nombre de pays de l'Union européenne, un jalonnement majeur dans les transformations structurelles de secteurs qui s'écartaient naguère, plus ou moins, des pratiques habituelles de l'économie de marché. Ce constat souligne bien le rôle moteur que joue et que continuera sans aucun doute à jouer la poursuite de l'intégration économique européenne dans les évolutions de ces secteurs.
Il faut cependant bien avoir conscience que l'impulsion donnée par ces directives n'eût pas été concevable si elles ne s'étaient inscrites dans la logique de tendances lourdes propres aux activités économiques en cause, voire de phénomènes de société beaucoup plus généraux.
Les facteurs déterminants de changement à l'œuvre dans les différents secteurs peuvent être de natures fort différentes. Il peut s'agir :
- d'évolutions techniques structurantes : percée des nouvelles technologies dans les télécommunications ; développement de techniques de production " sans effet d'échelle " dans l'électricité ; progrès des transports par méthanier pour le gaz ; développement des trains " pendulaires " et progrès en matière d'interopérabilité et de suivi du fret pour le transport ferroviaire ; informatisation croissante des traitements postaux ;
- d'évolutions de marché : explosion des besoins de télécommunications, tassement de la croissance de la demande d'électricité, repositionnement du gaz sur le marché de la production de l'électricité, développement des trafics transfrontaliers dans un contexte de très forte pression concurrentielle de la route et de l'avion sur le transport ferroviaire, développement des différents segments de marché et de la place des voies concurrentes de transmission de l'information dans le cas du secteur postal ;
- des conséquences d'évolutions géopolitiques : éloignement des risques de crise énergétique, développement des échanges transcontinentaux de toute nature dans le cadre de la mondialisation de l'économie. Il peut s'agir aussi de l'évolution des attentes des consommateurs eux-mêmes en matière de qualité des produits ou des services, de fournitures de services complémentaires.
À ces facteurs de changement, plus ou moins spécifiques à chaque secteur, viennent se superposer un certain nombre de facteurs plus généraux qui n'en sont pas pour autant moins déterminants.
D'une part le consommateur, fût-il simple particulier, se comporte de moins en moins en usager et de plus en plus en client soucieux de faire jouer à son profit la concurrence dont il a découvert les vertus en d'autres circonstances et de ne pas se laisser dicter ses modes de consommation. Ceci ne signifie pas pour autant qu'il rejette les valeurs du service public, mais il entend, désormais, être partie prenante à leur définition et au contrôle de leur mise en œuvre.
D'autre part, et cela est encore beaucoup plus vrai dans d'autres pays européens, nos concitoyens se défient plus généralement de l'État " technocrate " et de ses émanations : une attente croissante se manifeste en faveur d'une démocratisation et d'une décentralisation des processus de décision et de contrôles.
Par ailleurs, les préoccupations qualitatives et individuelles, par exemple en matière de qualité de vie et d'environnement, prennent un poids croissant.
L'universalité de ces tendances de fond, même s'il est vrai que, là encore, les spécificités nationales ont pu jouer un grand rôle, explique sans aucun doute qu'un certain nombre de pays européens se soient engagés, proprio motu, dans des réformes plus ou moins radicales de leurs services publics. Elle explique aussi que leurs expériences aient pu constituer le point de départ d'une réflexion communautaire aboutissant à l'adoption par le Conseil des ministres de l'Union des premières directives qui renouvèlent profondément la problématique de l'organisation et de la régulation des services publics en réseaux. L'introduction de la concurrence revêtira des formes différentes selon les secteurs mais, dans tous les cas, l'intégration harmonieuse des marchés au niveau européen sera un enjeu majeur
L'une des caractéristiques les plus évidentes des différentes directives déjà promulguées, ou en cours de discussion, est la volonté d'étendre aussi rapidement que possible des logiques de marché à des secteurs dans lesquels les organisations en place limitaient fortement, voire interdisaient en pratique, le jeu de la concurrence. Cette volonté résulte, sans doute, de la conviction de plus en plus partagée que, dans ces secteurs comme dans tout autre, la concurrence est gage d'efficacité économique. Elle résulte, cependant au moins autant, de la conviction que l'instauration d'une concurrence transfrontalière est la manière la plus efficace de promouvoir dans ces secteurs une plus forte intégration économique au niveau européen, susceptible de générer des avantages substantiels pour l'ensemble des pays de l'Union.
Si l'on examine, secteur par secteur, les conséquences possibles de l'introduction de la concurrence, il apparaît que, d'une manière générale, les enjeux les plus forts sont bien ceux qui s'attachent à l'émergence et au fonctionnement harmonieux de marchés européens intégrés. Contrairement à ce qui a pu être observé dans le cas de certains segments du marché des télécommunications, la libéralisation dans ces secteurs ne devrait pas, en effet, entraîner, au moins dans une première phase, l'arrivée massive de nouveaux entrants. Elle devrait par contre susciter, à des degrés divers, une intensification de la concurrence entre les grands opérateurs en place s'accompagnant souvent en bonne logique industrielle de mouvements de concentration de plus ou moins grande ampleur. Encore, convient-il d'introduire des nuances sectorielles importantes.
Dans le secteur électrique, la concurrence entre grands opérateurs s'est engagée sur un mode majeur alors même que les modalités d'application de la directive n'étaient pas encore totalement définies dans certains pays. Son caractère passablement désordonné, dans un contexte de suréquipement général, pose dès aujourd'hui avec acuité la question d'une structuration du marché électrique européen permettant l'exercice d'une concurrence loyale et transparente. Bien plus que de nouvelles directives, ce seront désormais les forces du marché et la coopération entre les organismes de régulation des différents pays qui modèleront la physionomie que revêtira demain le secteur électrique en Europe.
S'agissant du gaz, il est vraisemblable que la diversification des sources d'approvisionnement, le maillage du réseau, le caractère ressenti comme moins crucial à moyen terme des problèmes de sécurité d'approvisionnement, l'imbrication de plus en plus forte avec la production, le trading et la distribution de l'électricité, feront apparaître des problématiques de régulation similaires à celles du secteur électrique. Il est cependant probable que l'héritage du passé en termes de consistance de réseaux, d'engagements contractuels et de structures industrielles du secteur et la poursuite d'une croissance soutenue de la demande, devraient le mettre à l'abri au moins dans l'immédiat de dérèglements semblables à ceux observés sur le marché électrique.
Le transport ferroviaire offre des perspectives contrastées selon qu'il s'agit de voyageurs ou de fret. Le transport de voyageurs ne se prête guère, en effet, à une concurrence directe entre transporteurs sur un même itinéraire. Pendant longtemps encore, la manière la plus efficace d'organiser les services transeuropéens à grande vitesse qui constituent l'un des créneaux d'avenir du transport ferroviaire, restera la coopération entre opérateurs, par exemple sous forme de filiales communes. En matière de services ferroviaires régionaux, les pays qui ont choisi d'introduire la concurrence entre opérateurs l'ont fait dans le cadre de dispositifs de délégation de service public. S'agissant du fret qui devrait relever désormais d'une approche spécifique et autonome, le développement de transports transeuropéens sur longue distance qui constitue un autre créneau d'avenir pour le transport ferroviaire pourra être stimulé par une concurrence bien organisée entre opérateurs, étant observé que les enjeux de cette concurrence se situent beaucoup plus au niveau de l'affrètement et des services connexes qu'à celui de la fourniture des services de traction.
Le secteur postal, quant à lui, évolue rapidement d'une logique de coordination, voire de coopération entre les différents monopoles nationaux à une logique beaucoup plus concurrentielle. En réduisant le périmètre du monopole juridique du courrier, la directive européenne renforce les ambitions de certains opérateurs historiques qui, après s'être restructurés, sont aujourd'hui en recherche de nouvelles possibilités de développement, nouent des alliances internationales, sortent de leurs frontières, investissent dans de nouvelles activités. L'introduction de la concurrence impose pour tous ces secteurs une clarification des exigences du service public et un réexamen de ses modalités de mise en œuvre Les traités européens reconnaissent explicitement aux États membres le droit de définir des " missions économiques d'intérêt général ". Ils reconnaissent également qu'il peut être légitime d'infléchir les mécanismes de marché qui constituent la règle générale en matière d'organisation économique européenne pour permettre la bonne exécution de ces missions d'intérêt général. Les diverses directives ne pouvaient évidemment que respecter ces principes, mais il faut bien reconnaître que, dans le cas des secteurs qui nous intéressent ici, les modalités d'organisation du service public traditionnellement retenues par un certain nombre de pays, dont la France, n'ont pas facilité la convergence vers des solutions favorables à une réelle intégration des marchés européens. Pour parler clair, notre pays a été, maintes fois, soupçonné de vouloir protéger au nom de la défense du service public un certain nombre d'intérêts économiques, au premier rang desquels ceux des " monopoles d'État " en charge des différents services publics.
La conviction générale que l'on peut tirer des chapitres sectoriels de ce rapport est qu'une tentation protectionniste de cette nature serait vaine et même contraire aux intérêts des grands opérateurs historiques français. C'est en fait dans le cadre de marchés concurrentiels bien structurés et transparents - l'angélisme en ce domaine n'étant pas de mise - qu'ils auront le maximum de chances de faire valoir leurs atouts réels.
Dans ce contexte, une plus grande transparence en matière de service public apparaît aujourd'hui indispensable et le sera encore plus demain à la fois pour assurer dans un contexte nouveau la pérennité de valeurs auxquelles nous sommes légitimement attachés et pour permettre aux opérateurs qui en sont en charge de défendre leurs chances à armes égales dans un espace européen de plus en plus concurrentiel et intégré. Cette transparence suppose, en préalable, un examen en profondeur, secteur par secteur, du sens à donner, dans le contexte concurrentiel de demain, aux trois principes de base du service public (égalité de traitement, continuité et qualité du service, adaptabilité) et aux prolongements qu'ils ont connus (péréquation tarifaire, mesures de solidarité et de cohésion sociale, protection de l'environnement, etc.) . Elle suppose, ensuite, que, toujours secteur par secteur, les modalités de mise en œuvre de ces missions de service public revisitées soient soigneusement définies et rigoureusement appliquées de manière à concilier les objectifs de service public et le respect des règles de la concurrence .
La préservation des valeurs du service public dans un contexte d'ouverture de plus en plus large à la concurrence constitue sans doute, au moins dans le cas de notre pays, l'un des enjeux majeurs de la régulation des services publics en réseaux. Au-delà de l'identification des tendances lourdes susceptibles de modeler l'avenir propre à chaque secteur, l'on s'est efforcé de cerner, dans chaque cas, les problèmes essentiels que pourraient poser en termes de régulation les évolutions à venir. L'on s'est efforcé également d'esquisser les conditions à remplir pour que, toujours au niveau de chaque secteur, l'organisation et les conditions de fonctionnement des mécanismes envisageables présentent les garanties souhaitables en matière de crédibilité et d'efficacité.
Ces approches sectorielles sont apparues suffisamment convergentes dans leurs conclusions pour que l'on puisse en tenter une synthèse dans trois chapitres " transverses " qui contiennent l'essentiel des recommandations pratiques de ce rapport. Ces chapitres sont consacrés respectivement :
- aux finalités de la régulation, aux instances et aux mécanismes nécessaires à sa mise en œuvre ;
- aux indicateurs nécessaires tant pour piloter la régulation que pour apprécier l'efficacité globale des réformes sectorielles en cours ;
- aux évolutions souhaitables en matière de " gouvernance " des entreprises publiques.
On se limitera dans cette introduction à résumer quelques points saillants et quelques recommandations essentielles qui ressortent de ces chapitres.
Les nouveaux mécanismes de régulation devront répondre de manière cohérente et sur la durée à plusieurs ordres de préoccupations Trois axes principaux méritent d'être distingués dans ce que l'on pourrait appeler le " cahier des charges " d'une régulation idéale :
- assurer dans les secteurs en cause la mise en place puis le bon fonctionnement de " marchés intérieurs " concurrentiels, transparents et efficaces. Ceci suppose en particulier que de nouveaux entrants potentiels ne soient pas dissuadés d'entrer sur le marché par des abus de position dominante du (ou des) grand(s) opérateur(s) en place; - permettre la bonne exécution des missions de service public définies par le législateur et la mise en œuvre au niveau national ou local des stratégies d'intérêt général sans pour autant remettre en cause le bon fonctionnement des mécanismes concurrentiels ;
- concourir à l'émergence d'un marché européen intégré, concurrentiel, transparent et suffisamment bien structuré pour éviter les effets pervers d'une concurrence par trop imparfaite. Pour être crédibles, les nouveaux mécanismes de régulation doivent offrir toute garantie a priori de transparence et d'impartialité. À cet égard, la multiplicité des rôles que joue l'État dans l'organisation traditionnelle des services publics français pose évidemment problème. Tant que l'État, actionnaire unique ou majoritaire des opérateurs publics, pourra être soupçonné d'être en capacité d'intervenir au profit de ses intérêts propres dans les multiples arbitrages que suppose toute régulation, l'impartialité de notre système de régulation apparaîtra comme illusoire, notamment aux yeux de nos partenaires et concurrents européens.
Répondre à cette préoccupation suppose que la régulation de ces secteurs soit confiée à des organismes qui, même si ils émanent de l'État, offrent toute garantie d'impartialité et, les règles du jeu ayant été fixées, établissent en quelque sorte, des " cloisons étanches " entre l'action de l'État et la régulation des systèmes. La spécificité des questions à traiter et le fait qu'elles ne se limitent pas, et de loin, au contrôle du bon fonctionnement de la concurrence, militent fortement pour la création d'organismes ad hoc spécialisés par secteur, même si la similitude de certaines problématiques et la très forte adhérence entre le gaz et l'électricité conduisent à préconiser la création d'un organisme unique de régulation pour ces deux secteurs.
Une raison supplémentaire pour recommander la création d'organismes spécialisés est qu'il s'agit là d'une disposition très généralement retenue chez nos voisins : dialoguer entre organismes homologues ne peut que faciliter les échanges et concertations indispensables à la construction et au bon fonctionnement des marchés européens dans ces secteurs aux caractéristiques très particulières. Enfin, s'est manifestée au sein du groupe de travail, après analyse, une nette préférence pour la formule de Commissions de régulation dans lesquelles un certain nombre de dispositions pratiques, évoquées au chapitre V, permettrait d'assurer une prépondérance significative à leur président.
Le chapitre V suggère également quelques principes permettant de garantir l'impartialité de ces commissions, qui suppose a minima leur indépendance effective par rapport aux différents acteurs du secteur notamment par rapport aux services de l'État actionnaire. Il analyse également la manière dont pourrait s'articuler le fonctionnement de ces Commissions avec celui des instances généralistes en charge de l'organisation et du contrôle de la concurrence et avec celui des services de l'État. Ces Commissions de régulation, assistées de conseils, devront rendre compte de leur action devant le Parlement Les membres des Commissions devraient être avant tout des personnalités " qualifiées " ne représentant aucun intérêt particulier. Il semble indispensable que cette dimension quelque peu " technocratique " des Commissions soit compensée par une dimension beaucoup plus " démocratique " qui pourrait prendre la forme d'un Conseil assistant le président de la Commission, dans lequel seraient équitablement représentés consommateurs, industriels du secteur, organisations syndicales, autorités concédantes. Même s'il est vrai que conseiller, c'est déjà un peu contrôler, il ne serait pas raisonnable d'investir ce Conseil de missions de contrôle formelles. Cette prérogative revient, sans aucun doute, au Parlement par l'intermédiaire de ses Commissions spécialisées devant lesquelles les Commissions de régulation devraient régulièrement rendre compte.
Enfin, il ne faut pas oublier que si l'on peut espérer voir la plupart des conflits se dénouer par des arbitrages, voire par des sanctions, prononcés par les Commissions de régulation, les tribunaux français ou le cas échéant les instances européennes offriront toujours un recours possible pour ceux qui ne reconnaîtraient pas les décisions en cause comme bien fondées.
La régulation devra disposer de méthodes et d'instruments adaptés Parmi ceux-ci des batteries d'indicateurs devront permettre de suivre objectivement les progrès réalisés en termes d'efficacité économique, de qualité des produits et des services, de satisfaction des consommateurs, de bonne exécution du service public, de qualité de la vie et de l'environnement, etc.
Disposer de suffisamment de mesures opérées dans des conditions impartiales est une base indispensable des débats qui se développeront inévitablement entre décideurs publics, opérateurs publics et privés, consommateurs et électeurs. Sans qu'il soit nécessaire d'évoquer, ici, les points techniques développés au chapitre VI, on peut indiquer que certains de ces indicateurs devront être pensés pour aider la Commission de régulation dans l'exercice de ses missions, que d'autres plus synthétiques auront vocation à rendre compte globalement de l'évolution des performances, au sens large, du secteur, que d'autres, enfin, devraient permettre, avec toute la prudence qui s'impose, de tenter d'apprécier la pertinence des réformes engagées, voire de la régulation elle-même.
Les nouvelles règles du jeu introduites dans ces secteurs nécessiteront une évolution en profondeur des pratiques de " l'État-actionnaire " Comme le rappelle l'introduction du chapitre VII, la multiplicité des rôles dévolus à l'État dans l'organisation traditionnelle des services publics en réseaux dans notre pays a conduit dans le passé à des modes de pilotage des monopoles publics s'écartant notablement des pratiques industrielles normales. Des progrès significatifs ont certes été accomplis, au moins dans certains secteurs, au fil des ans et de la prise de conscience que les impératifs d'efficacité et de saine gestion patrimoniale dans un contexte beaucoup plus ouvert, impliquaient une réelle autonomie de gestion des entreprises publiques dans un cadre de cohérence à moyen terme.
La libéralisation des marchés et leur intégration au niveau européen, même si elles ne sont que progressives, supposent cependant un tournant beaucoup plus radical dans le comportement de l'État-actionnaire vis-à-vis d'opérateurs historiques, désormais acteurs parmi d'autres sur des marchés élargis. Il y va à la fois de la défense des intérêts patrimoniaux de l'État et du respect des règles du jeu de la concurrence. Il est certain que l'État se trouvera d'autant mieux à même d'entrer dans une réelle logique de " gouvernance industrielle " bien adaptée à ce nouveau concept qu'il aura délégué à des instances spécialisées impartiales son rôle de régulateur au quotidien. Il n'en demeure pas moins que tout un ensemble de pratiques, qu'elles concernent le fonctionnement des Conseils d'administration ou, plus généralement la manière dont l'État contrôle les entreprises dont il est l'actionnaire unique, seront à revoir profondément.
Certains membres du groupe de travail contestent d'ailleurs qu'une réforme des pratiques de l'État-actionnaire soit possible ou suffisante et pensent que l'ouverture du capital des entreprises publiques, les soumettant à la sanction des marchés financiers, est indispensable pour leur permettre d'aborder avec le maximum de chances de succès cette nouvelle phase de leur histoire. D'autres considèrent qu'il n'y a pas lieu de conclure de manière aussi radicale et que, si l'ouverture du capital doit avoir lieu, elle doit résulter de considérations de stratégie industrielle mûrement pesées et non pas d'un constat d'impuissance face à des difficultés managériales qui leur paraissent solubles par d'autres voies. Il n'entrait évidemment pas dans la mission de notre groupe de travail de tenter de trancher ce débat. Aussi le chapitre VII de ce rapport a-t-il pour ambition principale d'examiner les conditions d'une gouvernance des opérateurs historiques mieux adaptée au nouveau contexte concurrentiel dans l'hypothèse du maintien des structures de capital actuelles.