LE RISQUE

William ROWE, Robert Krieger Publishing Company, Malabar FLORIDA 1988; 488 pages. Importante bibliographie; index.

C'est la huitième édition d'un classique de la littérature méthodologique sur le risque acceptable.

Les deux premières parties étudient le cadre de base pour l'analyse du risque.

La partie A traite la nature du risque, les aspects philosophiques et psychologiques qui fondent la définition du risque. Le chapitre 3, essentiel, étudie les cinq phases du processus de détermination du risque. Pourquoi et comment veut-on gérer le risque et quelles sont les méthodes d'évaluation. L'auteur fournit deux exemples détaillés en matière de vaccination contre la grippe et contre la variole.

La partie B examine les nombreux facteurs qui affectent l'évaluation des risques et de leurs conséquences, et notamment la propension individuelle à prendre des risques.

Les trois chapitres de la partie C sont consacrés aux problèmes et approches de la quantification du risque sociétal: approche normative et "scientiste" des ingénieurs, économistes et théoriciens de la décision; approche inductive et "behavioriste" des spécialistes de politique, psychologie sociale etc...Les chapitres 13 et 14 traitent essentiellement de l'affectation des valeurs collectives et de l'évaluation des valeurs imprécises ou intangibles.

La partie D étudie les méthodes de traitement des préférences sociales en matière d'estimation et d'évaluation du risque: agrégation des données sociales d'évaluation, estimation des risques relatifs et absolus( exemples fournis: prévention des maladies)

La cinquième partie développe les méthodes formelles pour présenter l'acceptation du risque sur une base sociale en quatre étapes: peser les gains et risques directs, peser les gains et risques indirects, gérer le rapport coût- efficacité, gérer les inégalités devant le risque. Deux applications: l'évaluation du transport aérien et de la voie ferrée; la comparaison des systèmes d'énergie.

Les annexes présentent les bases de données américaines sur le risque, les problèmes d'analyse de données, définissent le management de crise et fournissent un glossaire des méthodes.

Particulièrement fouillé sur les aspects sociaux de l'évaluation du risque et de ses conséquences, cet ouvrage paraît un monument incontournable pour les spécialistes de la prospective du risque.

RISIKOGESELLSCHAFT: AUF DEM WEG IN EINE ANDERE MODERNE

Ulrich BECK, edition Suhrkamp Frankfurt 1986, 396 p. Importante bibliographie

Cet ouvrage de professeur, compact,( l'ouvrage, pas forcément le professeur) étudie dans une première partie le fonctionnement de la société de risque généralisé qui succède à la société industrielle de classes.

Il esquisse la science politique d'une telle société autour de cinq thèmes:

- la mesure des risques est un processus évaluable au regard de la rationalité sociale;

- la croissance et la distribution des risques constituent un lieu de conflit social;

- les milieux économiques sont concernés par la diffusion et la commercialisation des risques ("modernisierungrisiken sind big business");

-si dans la société de classes, ce qu'on est détermine la perception, dans la nouvelle société la conscience des risques peut déterminer la manière d'être;

- les causes et conséquences du progrès industriel deviennent objet de politique.

La deuxième partie du livre étudie la "détraditionnalisation" des modes de vie industriels et l'individualisation des inégalités au delà des classes. L'individu, et non la classe ou la famille, devient l'unité de reproduction sociale. Ce qui n'empêche pas la standardisation des biographies sous l'impact des institutions de contrôle( marché, droit, éducation etc...)

L'auteur esquisse divers scénarios de la solidarité, des rôles familiaux, de la formation professionnelle.

La troisième partie de l'ouvrage propose un élargissement et une "dérégulation" ( entgrenzung) de la science et de la politique. La réflexion scientifique et technique doit s'appliquer à elle-même une métaconnaissance de l'erreur et des tabous: un long chapitre est consacré à la sous évaluation des effets latéraux.

La montée de la société civile ( bürgerrechte) et la différence culturelle introduisent une nouvelle culture politique et la fin du consensus sur le progrès ( exemple: la sous-politique de la médecine)

Un livre pour philosophes et sociologues du risque.

J.ANSELL and F.WHARTON; WILEY, London 1992, 220p.; bibliographie, index.

Il s'agit d'un recueil d'études britanniques sur l'analyse, l'évaluation et le management du risque.

PROBLEMES GENERAUX DU RISQUE:

Le chapitre introductif présente les concepts de base. Dans l'évaluation des risques, on constate une inflexion des modèles statistiques ou économiques vers la prise en considération de jugements de valeurs de nature morale ou politique: c'est la perception qui détermine ce qui est rationnel et non la quantification probabiliste qui suppose un ordre rationnel préexistant.

Le chapitre 3 étudie la perception du risque encadrée par un système de croyances ( par exemple, "le TITANIC est insubmersible" ou encore" la soute du Herald Free Enterprise a bien sûr été fermée"). L'exemple de la navette Challenger montre aussi que l'information nécessaire est disponible mais ignorée. Les accidents surviennent même quand la causalité est connue. L'approche "déconstructionnaliste" et pluraliste permet de mieux repérer les sources possibles.

L'évaluation scientifique du risque s'applique aux systèmes clairement déterministes( usines chimiques ou nucléaires, aéronautique) mais non aux systèmes mmal structurés( déchets toxiques) ni aux réactions humaines. La prévention du risque technologique doit remonter vers l'évaluation des stratégies et processus( chapitre 9).

Enfin les chapitres 11 et 12 examinant les questions éthiques, adoptent le principe de responsabilité financière de celui à qui profite le risque. Mais il faut choisir entre une société sûre qui élimine le risque en limitant l'initiative et une société plus libre où existent des risques plus nombreux et plus équitablement distribués.

LES APPLICATIONS:

Le chapitre 5 constate le caractère primitif des méthodes de prise en considération du risque dans le choix des investissements: le court terme y est privilégié à cause de la difficulté de calculer le risque et la rentabilité à long terme.

Les modèles de risque financier utilisés dans l'assurance, la gestion de portefeuille, la technique des options visent à éclairer deux types de décisions: accorder un crédit à un nouveau venu, étendre un crédit à un client connu: l'analyse discriminante est largement pratiquée( chapitre 4).

Le chapitre 6 développe les techniques de sécurité au stade de l'ingénierie des projets. Le chapitre 7 insiste sur une ingénierie de la fiabilité tout au long de la vie du projet. Le chapitre 2 extrapole les méthodes utilisées pour l'extraction pétrolière en Mer du Nord.

Plusieurs chapitres examinent les grands accidents de transports( train, métro londonien, ferry-boat, avion, navette spatiale et même le Titanic). Par rapport aux accidents dans des immeubles statiques, leur lieu est imprévisible, ce qui complique la prévention et les secours.

Dans le domaine de la santé( chapitre 10), R.DOLL montre que les remarquables progrès effectués dans la lutte contre les épidémies majeures auraient été plus nets sans le développement du cancer du poumon et des accidents coronariens largement liés aux comportements et à l'hygiène alimentaire. L'épidémiologie s'oriente désormais vers l'analyse subtile de l'environnement et des facteurs personnels de risque.