L'islam, religion "totale", touche au-delà de la Foi tous les moments de vie personnelle et sociale. Le Coran, révélé aux hommes par l'intermédiaire de Mahomet couvre aussi bien le temporel que le spirituel : le droit, le politique, l'économie, les sciences, la morale individuelle et collective... "Tout est inscrit dans le livre". Il suffit à tous les besoins de l'homme et de la société et l'homme ne peut rien ajouter à la Loi de Dieu. La soumission à Dieu consiste à observer scrupuleusement les prescriptions du Coran. Mais le Coran n'a pas prévu de préciser comment un musulman doit se comporter dans un pays dont la culture, la mentalité, n'est pas la sienne. L'islam qui a une capacité sociologique à "digérer" les minorités dans les pays où il est majoritaire n'a pas pour habitude de se situer dans une position de minoritaire. Or en France l'islam est confronté à cette situation. Son transfert à notre pays pose à l'évidence le probleme de son adaptation à un milieu de mentalité différente de ceux où il a été institutionnalisé. Le probleme dans les décennies à venir pour la France sera sans doute celui de la mixité tant dans les familles que dans les cités. Confrontation avec les populations du Maghreb et du Sahel attirées par notre richesse et le vide démographique apparents. L'attitude française qui tend à essayer d'assimiler et d'intégrer les gens qui s'installent dans notre pays fait que par le biais des mariages mixtes nos arrieres petits-enfants ne seront plus que partiellement descendants de gaulois...
La situation de l'Islam en France actuellement c'est environ 4 millions de musulmans pour une population de l'ordre de 57 millions. 4 millions de musulmans qui ne sont pas tous des citoyens français ; les deux tiers restent des étrangers de nationalités extrêmement diverses. Ceux qui sont français sont en priorité des enfants de harkis qui le sont devenus en application de la législation française (loi du sol). A ce propos dit le conférencier notre ouverture aux cultures étrangeres, admirable en soi, peut devenir préoccupante car elle n'est pas suivie de réciprocité dans les pays musulmans. Parmi les musulmans étrangers 700 à 800.000 Algériens pour moitié kabyles et moitié berberes. Les kabyles ont un islam un peu particulier et une situation qui se complique du fait de l'affirmation de plus en plus forte de leur personnalité. 80% des réussites économiques de ces musulmans algériens, qui marquent en même temps une intégration réussie à notre pays, sont le fait des kabyles. Il faudra en tenir compte dans l'examen de la situation de l'Islam en France. Deuxieme grosse communauté, la communauté marocaine, de même ordre de grandeur que la communauté algérienne. Elle dépend du Roi du Maroc, à la fois chef spirituel et temporel, qui ne souhaite pas du tout que les travailleurs marocains s'integrent en France, mais au contraire, à leur retour, fassent profiter le Maroc de leurs connaissances acquises en France. Les musulmans tunisiens 3 à 400.000 ne posent pas de probleme. Autre communauté importante les Turcs dont on ne sait pas tres bien s'ils sont kurdes (pour la plupart marxistes et peu religieux bien que musulmans) ou turcs, environ 200.000. Il faut aussi mentionner les musulmans africains d'Afrique Noire (partie sahélienne), les réfugiés libanais musulmans, et les touristes. Quant aux musulmans dans le monde il est intéressant de noter que les arabes, proches géographiquement, ne représentent que 20% du monde musulman. Or l'arabe est la langue du Coran , la parole de Dieu en arabe, et il est évident qu'on perd une partie de la valeur du Coran et de sa poésie lorsqu'on lit une traduction.
Quelques chiffres concernant la répartition des musulmans dans le monde. Le pays où il y a le plus de musulmans est l'Indonésie, environ 160 millions, (pays qui n'est pas arabe) suivent le Pakistan, le Bangladesh et l'Inde, environ 100 millions chacun (pays indo-européens) puis viennent le Nigéria, 50 millions, l'Iran, le Maroc, l'Algérie, l'Afghanistan plus de 20 millions de musulmans...
Le poids des chiffres est d'autant plus important que nous entrons dans une période où les idees circulent et qu'il n'est pas déraisonnable de penser que la personnalité des pays musulmans qui ne sont pas arabes va faire changer dans le temps la façon d'aborder l'Islam..
L'Islam n'est pas du tout unitaire sur le plan sociologique, sur la place de la religion dans la vie, ce qui se traduit en France par plus de 2000 associations musulmanes qui ont chacune leur personnalité, leur approche de l'islam et de leur pays d'origine. L'Islam n'est pas non plus totalement unifié sur le plan de la croyance. Le chiisme (où l'Imam, politique et religieux, est un médiateur obligé avec Dieu) n'a rien avoir avec le sunnisme (où chaque homme est en un rapport direct avec Dieu).
Nous avons à faire en France à des communautés en général peu instruites en ce qui concerne l'islam, à l'exception des intellectuels, et peu pratiquantes (on estime à peu pres à 10% les musulmans qui vont à la mosquée, même ordre de grandeur que le nombre de catholiques qui vont à la messe). Ces communautés sont plus respectueuses des pratiques de nature sociologique, par exemple obstination à enterrer les morts dans leur village d'origine, que de pratiques véritablement religieuses, (marque de non intégration pour le conférencier). Certes le ramadan, l'Aîd El Kébir sont des coutumes respectées mais leur contenu a été extrêmement laïcisé.
Nous avons donc en France des musulmans émiettés, peu cultivés, peu pratiquants, et seulement de l'ordre de 150.000 personnes véritablement croyantes, pratiquantes qui posent probleme parce que nous n'avons pas de véritable dialogue avec elles. Alors, que faire pour avoir ce dialogue ? Et que peut craindre la République ? Les intégristes considérés comme dangereux sont le plus souvent des gens qui ne savent pas lire le Coran. En conséquence si l'on veut les intégrer il faut qu'ils ne soient plus analphabetes et qu'ils aient un métier (probleme commun à celui de la lutte contre l'exclusion).
La laïcité à la française produit original, est le résultat de notre histoire, de la bataille de la République avec les cléricaux. Nous avons trouvé un modus vivendi qui fonctionne bien. Les clercs ont renoncé à imposer leur façon de voir dans les domaines qui ne relevent pas de la Foi. Nous vivons donc dans une société laïque qui devrait être décomplexée ce qui n'est pas toujours le cas au sein de l'Education nationale (d'où l'intérêt d'introduire un enseignement des religions dans les programmes).
Il y a dans la communauté musulmane en France des intellectuels de qualité qui sont favorables à la laïcité à la française car la laïcité n'est pas incompatible avec l'islam. Il convient donc de ne pas s'affoler de la situation actuelle mais il ne faut pas non plus être passifs. Réflexion souhaitable sur la réussite de l'intégration de la communauté juive en France. Il faut des pistes pour procéder à une intégration nécessaire de la communauté musulmane en France.
Lettre de novembre 1995 Résumé de Jacques Braconnier non revu par le Conférencier
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Bibliographie des religions
<PAYS MUSULMANS > Islam, Islamisme Islam fondamentaliste