La formation des points de vue (champ perçu, hiérarchie et valorisation des éléments retenus) à partir de l'information et du commentaire libre et contradictoire constitue le processus du changement démocratique.
La recherche et la communication de l'information constituent la déontologie du journaliste. La vente d'information spectaculaire, ou de spectacle informatif, ou de spectacle, constitue son business. Le financement des organes de communication (lecteurs ou auditeurs 20%, publicité 80%) conduit à s'interroger sérieusement sur leur rôle dans les processus politiques, surtout dans la perception des rapports internationaux, mais aussi dans les mouvements de la politique intérieure.
L'information télévisée a joué un rôle essentiel dans les perceptions de la Guerre du Golfe ou du Putsch de Moscou; dans la formation des idees relatives aux conflits internes en Yougoslavie, en Somalie, au Rouanda ou en Algérie.
La course à l'audience, c'est à dire à la notoriété et au profit, stimule les milieux de presse et leurs "tycoons". Désigné par Time magazine, l'Homme de l'Année 1991, est Ted Turner, fondateur du puissant réseau CNN, qui s'estime "télévisionnaire" et "Prince du Village Global".
Ses imitateurs ne manquent pas parmi les journalistes vedettes et parmi les réseaux qui s'efforcent de monter des chaînes concurrentes (BBC, la chaine japonaise NHK, la future chaîne européenne Euronews). Les Japonais pourraient prendre le relai grâce à leur maîtrise de l'électronique et au rachat des banques d'images hollywoodiennes.
Bien des milieux s'inquietent de ces montées de pouvoir des medias, d'autant plus que les périodes récentes ont fourmillé d'exemples de trucages et manipulations de l'information. Pour augmenter leur "part de marché, les media se sont montrés capables de modifier, voire de créer les évenements, ce qui n'st guere compatible avec la magistrature morale de la vérité qu'ils s'attribuent fréquemment.
Les journalistes sont atteints par l'accusation d'une presse déstabilisée et s'efforcent de défendre leur profession ou de préciser sa déontologie. L'organisation "Reporters sans frontieres" invoque les journalistes tués ou emprisonnés dans l'exercice de leur devoir d'information.
Mais de nouvelles affaires relancent le débat (affaire Habache, l'interview imaginaire de Castro, la confession du vrai-faux garde du corps de Saddam Hussein, la mise en examen ou les sanctions infligées à des journalistes peu scrupuleux)
Le sondage d'opinion est lui aussi contesté dans sa crédibilité et encore plus par le rôle qu'il joue à côté -ou à la place?- des élections, du referendum ou du débat parlementaire : la liberté de s'informer sur l'opinion (et donc de commander des sondages) s'accompagne en effet d'une liberté de faire connaître et commenter ces sondages, et donc d'influencer l'opinion du public ou de téléguider la réaction des dirigeants .
Pas d'information sans spectacle, pas de spectacle sans argent, pas d'argent sans publicité; quand il n'y a plus de publicité il n'y a plus d'information : CQFD.
La fin du spectacle télévisé de la Guerre du Golfe, combinée à la morosité des affaires a marqué le départ d'une crise financiere dans les medias. La faillite de la Cinq en est un exemple, accompagné par de nombreux licenciements dans la presse écrite.
La chaîne de connexions "démocratie-information-spectacle-argent-publicité-consommation individuelle" est une modalité de l'expression condensée de "démocratie de marché, mythe politique de cette décennie, mais mythe qu'il faut parfois revisiter dans certains de ses aspects.
Nous emprunterons à Felix GUATTARI la conclusion de son article dans "le Monde" du 6/11/91 :
"Les medias, les nouveaux moyens télématiques et informatiques produisent une part importante de la subjectivité de notre temps. Leur gestion, leur capacité à s'adapter au bien public devraient devenir l'affaire de tous : individus, associations, états, institutions internationales. La détermination du contenu véhiculé par les medias ne peut être abandonné au simple jeu du marché publicitaire, des sondages, de l'Audimat. De même que l'avenir du tiers-monde et des équilibres écologiques de la planete ne peuvent être laissés à la libre disposition des lobbies des matieres premieres, de même qu'il convient de penser la croissance urbaine et les ressorts de la croissance démographique, de même l'avenir des medias et des nouvelles technologies de communication doit devenir un enjeu primordial des débats démocratiques et de la concertation internationale."
La diffusion de masse assurée par la télévision (satellite CNN en Europe), d'une information souvent spécieuse et financée par la publicité, tend à remplacer les institutions traditionnelles d'information et débat civique (école, église, associations et partis, livre et journal).
Les organisations non-gouvernementales ( ) jouent un rôle croissant de création et diffusion des opinions. L'Annuaire des organisations internationales en recense 18.000 (10% à vocation mondiale), dont il faut cependant déduire les entreprises multinationales, mais auxquelles il faut ajouter au niveau local dans chaque pays, voire dans chaque quartier d'innombrables associations, centres de convivialité...et groupes de pression.
Plus libres que les institutions d'Etat, elles se placent dans les interstices des problemes mal perçus, servant ainsi de signaux d'alerte, et parfois de caisse de résonance pour des questions futiles...
Cette prolifération de groupements de défense et illustration de l'individu (contre la solitude, le Sida, le suicide, l'alcoolisme et la drogue, les mauvais traitements...) traduit le désarroi devant la dissolution des solidarités de groupes classiques tels que la famille, le village ou l'Eglise. Retrouver ou créer des liens entre cultures et consciences éclatées est un défi de fin de siecle.
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