Le Pere Calvez n'aime pas qu'on qualifie le marxisme - pure théorie sociale - de religion ni qu'on le compare à un "Islam" d'où l'importance du point d'interrogation et le conseil de retenir plutôt la négation de la religion par le marxisme.
La religion est menacée de perversion au voisinage du politique et le politique frappé de confusion au voisinage du religieux. Le marxisme a été une telle perversion.
Sans doute y a t-il des similitudes entre la dynamique fondamentale du religieux en l'homme et la dynamique fondamentale du politique (dépassement, conversion, don de soi, participation et communion).Les jugements politiques qui sont en rapport avec la réalisation de la liberté de l'homme tendent souvent à être absolus et comparables à des actes de foi. Et le marxisme a lui même développé ce sens de "l'Absolu" à propos d'une autre réalité politique centrale, riche de signification : la classe prolétarienne. Pour Marx cette centralité de la classe prolétarienne n'apparaît qu'au sein d'une vision simplifiée de l'histoire humaine, à savoir une brisure quand l'appropriation des choses devient un avantage et en conséquence inégale et privative. L'homme succombe alors à la tentation d'exploiter l'autre homme qui ne détient pas les mêmes moyens (acte de domination qui s'effectue à travers la propriété). Au-delà de cette brisure de cet acte de domination de l'homme, la lutte des classes va aboutir à la reconstitution de l'unité : des hommes entre eux, et aussi des hommes et de la nature (nature elle même violentée par l'appropriation privative). Pour Marx l'histoire va vers la reconstitution de cette unité parce qu'elle est mue par une logique elle-même totalement inscrite dans l'histoire.
Tout est contenu dans l'histoire et son mouvement, idée qui était déjà apparue chez Hegel qui visait cette intégration du logique et de l'historique. Il restait à découvrir le comment. Et Marx voyait ce comment dans la lutte des classes aboutissant à l'abolition des classes. La reconstitution de l'unité se réalisant par l'abolition de la propriété privée remplacée par une appopriation universelle. Ce qui est proche du religieux en cela, ce n'est pas tant la vue d'un déterminisme de l'histoire, que la vue de la nouvelle humanité parfaitement réunie qui historiquement a ses racines dans le prophétisme judéo-chrétien. Marx hérétique du judéo christianisme ?
Cette nouvelle humanité, le communisme, serait la fin de l'histoire (ou de la préhistoire) la modifiant en un achevement.
Réalité politique d'une suprême grandeur d'où le risque de sacraliser, théologiser, absolutiser. Et cela s'est produit dans la tentative soviétique de réalisation du marxisme.
Trahison, simplification réductrice de la pensée de Marx ? Sans doute mais n'a t-on pas vécu là-bas ce sentiment d'un monde absolument nouveau issu de la classe prolétarienne et de sa souffrance ? Dans les années 30 on a célébré la beauté de ce monde renouvelé. Certains juristes ont alors été jusqu'à dire que l'Union Soviétique, noyau de l'humanité nouvelle, ne pouvait être soumise aux mêmes regles du droit international que les simples Etats (tendance rapidement verrouillée par le réalisme du procureur Vychinski...). Plus encore que la classe prolétarienne c'était la société nouvelle victorieuse qui était glorifiée et cela, bien que la nécessité des deux étapes à franchir, le socialisme puis le communisme, n'échappait pas aux bons théoriciens qui savaient bien que la révolution de 1917 n'était en réalité que l'installation du socialisme propriétaire des moyens de production. Mais on était porté à anticiper.
Bien que certains rites religieux aient été imités par les soviétiques : baptême, confirmation, consécration de la jeunesse... le Pere Calvez persiste à penser qu'il ne s'agissait là que d'une perversion du politique. Ceci s'est estompé, non sans la formidable secousse de l'effondrement de l'Union soviétique, mais il ne faut pas conclure qu'on n'ait plus qu'à se vouer au capitalisme libéral et qu'on ne peut plus travailler à une société humaine plus juste, bâtir une fraternité universelle par dessus les Nations. Il n'y a pas lieu de conclure non plus que la seule réalité politique paisible et signifiante soit le nationalisme étroit refermé sur lui-même.
Du marxisme que s'est-il effondré ? Un impossible messianisme, une prétention a priori à la scientificité, l'idée d'un Etat tout bienfaisant... Apres ce grand effondrement qui a affecté beaucoup d'hommes sommes-nous aujourd'hui libérés de telles perversions ? Est-ce la fin des idéologies ou la naissance d'une autre idéologie plus tempérée, d'une société relativement plus satisfaisante?
Le Pere Calvez ne le pense pas mais rappelle que par définition nous ne savons pas quand et où nous rencontrerons un nouveau péril (intérieur ou extérieur) une nouvelle perversion.. et qu'il faut rester méfiants. "Le voleur vient toujours à l'heure où on ne l'attend pas" dit l'Evangile. Le politique frôle toujours le religieux et le religieux agrippe facilement des traductions politiques qu'il a tendance à élever au rang des religions. D'ailleurs le marxisme n'était-il pas déjà inscrit dans la "religion" telle qu'elle était présentée par Marx tres tôt, justement dans sa critique de la religion. Il voyait la religion comme une aliénation de l'homme, un opium, un baume pour faire passer la misere sociale et politique, pour faire se résigner; et l'homme religieux comme un aliéné.. et que pour cette raison il fallait s' en éloigner. Marx va donc définir comme un idéal le contraire de sa vision (fausse) de la religion, à savoir : un Etre dans la totale possession de soi, tenant l'histoire entre ses mains, une réalité la plus close, une réalité qui ne connaîtrait plus de faille. Marx a joué du contraire et il faut bien admettre parce que c'est un fait vécu, qu'on ait pu à cette époque chercher "l'Absolu" dans un monde qui se "boucle" parfaitement.
En complément le Pere Calvez a évoqué le fait qu'un certain nombre de Russes pensent qu'il y avait dans leur culture une prédisposition à accepter et vivre en profondeur ce messianisme terrestre.
Lettre de mars 1996 Résumé de Jacques Braconnier
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