Services publics en réseau : perspectives de concurrence et nouvelles régulations Commissariat général du plan, Jean Bergougnoux Avril 2000. Se procurer le rapport.
AVANT-PROPOS par Jean-Michel Charpin Commissaire au Plan
Les évolutions en cours dans les services publics en réseau (télécommunications, électricité, gaz, chemin de fer, postes…) ne relèvent pas d'une déréglementation, encore moins d'une dérégulation. Bien au contraire, elles représentent une ambitieuse construction de nouvelles régulations publiques, qui traduisent une modification des formes d'intervention de l'État dans un contexte profondément renouvelé. Encore récemment, les secteurs en cause étaient organisés selon un schéma simple : la plus grande partie de l'activité était assurée par un monopole public. L'État opérait de façon plus ou moins explicite des compromis entre son intérêt d'actionnaire et les intérêts publics dont il a la charge. Ce modèle a été confronté dans les années 1980 à des changements technologiques rapides, à une compétition internationale accrue entre des entreprises pour qui l'énergie, le transport ou les communications sont des facteurs de production, et à des insatisfactions de certains usagers. Une organisation laissant place à la concurrence entre fournisseurs de services est apparue plus pertinente. Elle a été adoptée par plusieurs pays d'Amérique et d'Europe du Nord, puis diffusée dans l'Union européenne par une série de directives communautaires. Cette organisation nouvelle implique de la part des États un double effort. D'une part, l'État doit apprendre à se plier, en tant qu'actionnaire, aux règles d'une concurrence équitable. D'autre part, il doit garantir le bon accomplissement des missions de service public. Les changements sont rapides, et aucun pays n'a intérêt à prendre du retard par rapport aux autres : c'est lors de l'introduction de la concurrence que se conquièrent souvent des positions durables.
Quelles formes institutionnelles et procédurales mettre en place pour réussir ? À quelle aune mesurer le succès ? Comment moderniser la fonction de l'État-actionnaire ? Telles étaient les trois questions adressées au groupe présidé par Jean Bergougnoux, qui rassemblait administrations, entreprises publiques et privées, partenaires sociaux et experts. La méthode qu'il a retenue procède d'un pragmatisme novateur. On a souvent voulu plaquer sur tous les secteurs une grille d'analyse issue de l'exemple précurseur des télécommunications. À rebours de cette simplification, le groupe a d'abord étudié chaque domaine dans ses particularités techniques et économiques, s'efforçant en même temps à une prospective européenne. Dans un second temps, il a tenté, là où c'était possible, de tirer des conclusions de portée générale.
Cette approche a nécessité un travail considérable. Je tiens à remercier tous les membres du groupe pour leur importante contribution, ainsi que l'équipe formée par le président, par Michel Matheu, et par les rapporteurs Luc Baumstark et Nicole Jestin-Fleury. Le rapport de Jean Bergougnoux porte loin le regard. C'est d'autant plus justifié que les évolutions récentes ont été beaucoup plus rapides que ce qui avait été anticipé par la plupart des observateurs et des acteurs. Ce faisant, il peut par moments susciter une impression de télescopage des horizons. Dans le secteur électrique, personne n'envisage l'extension immédiate de la concurrence à tous les consommateurs. Pour le chemin de fer, il n'existe aujourd'hui aucune " autorité de régulation " et la mise aux enchères des sillons n'est pas pour demain. Certains changements devront cependant être imprimés rapidement : mettre en place des procédures d'allocation des ressources rares et de fixation des tarifs, renseigner des indicateurs de suivi des réformes et des performances des opérateurs, moderniser le pilotage des entreprises publiques. Chaque secteur avancera à un rythme et suivant des modalités qui lui seront propres. Le débat sur les services publics en réseau a longtemps porté sur les principes. Il en va autrement aujourd'hui : dans le rapport du groupe présidé par Jean Bergougnoux, il est surtout question de méthodes et d'instruments. Ce n'est pas moins important : le système qui sera mis en place aura des conséquences fortes sur la qualité des prestations de service public, les performances des opérateurs français, anciens et nouveaux, et la compétitivité des entreprises utilisatrices. L'avenir du service public en dépend. La place de l'économie française en Europe en sera durablement influencée.
SOMMAIRE 1. Les facteurs déterminants de l'organisation des systèmes électriques 27 1.1. Des conditions favorables à l'apparition de puissants monopoles intégrés 27 1.2. Jusqu'au milieu des années 1980, des variations sur un modèle dominant 28 1.3. La remise en cause des formes traditionnelles d'organisation du secteur 29 1.4. À la veille de la directive, une grande variété de modèles en Europe 31
2. Que sera l'Europe électrique de demain ? 33 2.1. Avant la directive : un système européen plus coopératif que concurrentiel 33 2.2. La directive ou comment construire un marché européen réellement intégré et concurrentiel ? 35 2.3. Avant même l'achèvement de la transposition, une concurrence vive mais désordonnée 38 2.4. Vers un marché européen de l'électricité intégré et bien structuré 39 2.5. Des baisses de prix qui profiteront aux éligibles puis, sans doute, à l'ensemble des consommateurs 44
3. Les enjeux d'une nouvelle régulation du secteur électrique français 46 3.1. Permettre aux consommateurs français d'accéder à une électricité compétitive 47 3.2. Actualiser les concepts de base du service public 48 3.3. Permettre aux opérateurs français de faire valoir leurs atouts dans la concurrence 53 3.3.1. Donner toute ses chances à EDF 53 3.3.2. Favoriser l'émergence et la réussite d'autres opérateurs français 55 3.4. Comment s'assurer de l'absence de " subventions croisées " entre consommateurs ? 56 3.5. Une politique énergétique nationale est-elle compatible avec l'ouverture des marchés ? 57
4. Le gaz Quels instruments pour quelle régulation ? 59 4.1. Une donnée majeure : l'intégration du futur marché européen 59 4.2. Articuler les instruments de régulation, tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle européenne 60 4.3. Le gestionnaire de réseau, à la base de l'organisation du marché et de l'ouverture sur l'Europe 61 4.4. Mettre en place un régulateur dont l'indépendance fondera la légitimité 62 1. Les déterminants de l'organisation de l'industrie gazière 68 4.5. Des caractéristiques spécifiques au gaz pèsent sur l'organisation de son industrie 68 4.6. La convergence croissante entre le gaz et l'électricité influence la stratégie des opérateurs 74
5. Une évolution progressive du marché européen 77 5.1. Les objectifs de la directive : favoriser les consommateurs européens en introduisant progressivement la concurrence 77 5.2. Vers un rapprochement des différents modes d'ouverture et des tarifs d'accès 81 5.3. Vers des dispositifs élaborés de préservation de la sécurité d'approvisionnement 87 5.4. À terme, une probable généralisation des bourses de gaz 90
6. Mettre en place une régulation et une organisation du secteur qui prépare aux évolutions futures 92 6.1. Quelles devraient être les responsabilités de l'autorité de régulation ? 92 6.2. Une régulation mixte gaz-électricité 94 6.3. Une organisation qui prépare les évolutions de l'économie du gaz et de l'énergie en Europe 96 1. Remise en cause de l'organisation traditionnelle des systèmes ferroviaires 107 6.4. La fin d'un modèle d'organisation monopolistique et intégrée 107 6.5. Le déclin du transport ferroviaire est-il inexorable ? 109 6.5.1. La situation précaire du transport de voyageurs masquée par l'effet TGV 109 6.5.2. Le risque d'une marginalisation du fret ferroviaire 110 6.5.3. L'effort de la collectivité pour le secteur ferroviaire 113 6.6. Le domaine de pertinence du secteur ferroviaire 116 6.6.1. L'espace européen, un espace pertinent pour le ferroviaire 117 6.6.2. Des services régionaux à inventer : un défi pour le ferroviaire 118 6.6.3. La concurrence intra-modale peut étendre le champ de pertinence du chemin de fer 119
7. La politique européenne au service de la nécessaire " revitalisation du chemin de fer " 120 7.1. Le processus de réforme du chemin de fer européen 121 7.2. Un cadre prospectif d'évolution du secteur 123 7.2.1. Vers la séparation des activités fret et voyageurs 124 7.2.2. Vers des infrastructures spécialisées pour le transport de fret 125 7.2.3. Les stratégies des acteurs dans l'espace concurrentiel européen 126 7.2.4. Vers une compétition des réseaux 128 7.2.5. Vers de nouveaux mécanismes économiques d'attribution des sillons ? 128
8. Conséquences pour la France 129 8.1. Une réforme appelée à évoluer 129 8.2. Permettre à l'entreprise nationale de s'intégrer dans le jeu concurrentiel européen 132 8.2.1. Les enjeux en termes réels 132 8.2.2. La durée de la transition 132 8.2.3. L'avenir du fret ferroviaire : une activité autonome 133 8.2.4. Des appels d'offres pour les lignes secondaires considérées comme non rentables et pour les services régionaux 134
9.La POSTE: Vers les modalités concrètes d'une concurrence nécessaire mais maîtrisée 136 9.1. Renforcer l'indépendance du gestionnaire d'infrastructure sous le contrôle du régulateur 136 9.1.1. La maîtrise des services essentiels nécessaires à l'usage de l'infrastructure 136 9.1.2. Coordination européenne entre les gestionnaires d'infrastructures 138 9.2. Les règles de tarification de l'usage des infrastructures 139 9.3. Des missions de service public à définir et à contractualiser 140 9.4. Une autorité de régulation spécialisée 142 9.5. Une autorité indépendante des opérateurs en matière de sécurité 146 1. Les facteurs déterminants de l'organisation du secteur postal 154 9.6. Un réseau humain à fort rendement d'échelle 154 9.7. Un secteur postal en cours de mutation 155 9.7.1. Des activités très diversifiées 156 9.7.2. Le processus de production de l'économie postale 159 9.7.3. Les nouvelles technologies concurrentes et/ou complémentaires 161 9.7.4. Un environnement qui devient plus concurrentiel 162
10. Les réformes en cours en Europe ou comment préserver le service universel 163
11. Les relations entre l'État et La Poste à l'épreuve de l'ouverture des marchés 169 11.1. La difficile et longue clarification des relations entre l'État et La Poste 169 11.1.1. Les missions et les contraintes 170 11.1.2. Les mécanismes de financement 171 11.1.3. La distribution de la presse 172 11.1.4. Les retraites 173 11.1.5. La contribution à l'aménagement du territoire et la question du financement du réseau 174 11.2. Permettre à La Poste de réussir dans le jeu concurrentiel 177
12. Assurer le service universel dans un environnement concurrentiel 178 12.1. Les outils de régulation face aux transformations du secteur 178 12.1.1. Vers une nouvelle organisation industrielle du secteur 178 12.1.2. Les fonctions de la régulation 182 12.1.3. Une institution de régulation indépendante recevant une compétence exclusive en matière de courrier 183 12.2. Comment financer le service universel ? 186 1. Régulation des services publics : de quoi s'agit-il ? 194 12.3. La dynamique de la libéralisation : traits communs et particularités 195 12.4. Les nouvelles formes d'intervention de l'État 197 12.5. Les contours de la régulation des services publics en réseaux 200
13. Institutions et procédures 201 13.1. Le débat sur la régulation indépendante 202 13.2. Créer des régulateurs français indépendants et leur donner les moyens de cette indépendance 205 13.3. Délimiter clairement les tâches du régulateur spécialisé 209 13.4. Donner au régulateur des pouvoirs étendus 210 13.4.1. Les prérogatives du régulateur 210 13.4.2. La question spécifique des tarifs 211 13.4.3. Vers un réseau de régulateurs européens 213 13.5. Garantir la représentation de tous les intérêts concernés, notamment ceux des consommateurs 213 1. L'élaboration d'indicateurs de mesure de la performance 221 13.5.1. La mesure des performances : une tâche délicate 221 13.6. Les multiples approches de la performance 226 13.6.1. L'efficacité économique des services 226 13.6.2. Les indicateurs de la transformation 231 13.6.3. La nécessité d'une instance d'évaluation des performances du régulateur 232 13.6.4. La multidimensionnalité de l'évaluation 233 13.7. Vers une grille minimale d'analyse 234
14. Les nouvelles exigences en matière d'instruments de mesure de la performance 236 14.1. Le régulateur au centre du processus de production et de diffusion de l'information 236 14.1.1. Un cahier des charges préalable défini par le législateur précisant ce qui doit être évalué 237 14.1.2. Deux logiques de production 237 14.1.3. Entre publicité et confidentialité 238 14.2. L'évaluation des performances : une action concertée 238 14.2.1. Mettre les consommateurs au centre du processus de l'évaluation des performance 238 14.2.2. Coordonner les différentes institutions de régulation en matière d'évaluation des performances 239 14.2.3. Assurer l'adaptation permanente de l'évaluation 240 1. Le consensus français autour d'une conception de l'organisation et du fonctionnement des services publics 245 14.3. Une " cristallisation " conceptuelle qui date de l'immédiat après-guerre 245 14.4. Au centre de la conception française du service public, un État protéiforme 247 14.5. La pérennité de ce modèle de service public typiquement français fut assurée par un large consensus qui ne se démentit pas au fil des ans 248
15. Entreprises publiques Les implications de l'ouverture à la concurrence 249 15.1. La nécessaire évolution de la gouvernance des entreprises publiques 249 15.2. La contractualisation pluriannuelle : un chantier inégalement avancé 251 15.3. La procédure du Comité des investissements à caractère économique et social en examen 253 15.4. L'évolution du rôle des conseils d'administration 255 15.4.1. Le renforcement du conseil d'administration 255 15.4.2. Comités spécialisés 258 15.4.3. Administrateurs indépendants 260
16. Les implications de l'ouverture à la concurrence 262 16.1. L'État-actionnaire et la gouvernance des entreprises publiques 262 16.2. Les changements dans la gouvernance lorsque le capital est ouvert 264