I. Le marché français est inséré dans le systeme de financement mondialisé.
Le processus d'insertion s'est développé à partir de la volonté de renforcer le marché français des capitaux.
Sur le plan interne, les milieux boursiers et la Direction du Trésor préparent à partir de 1976 la modernisation de la Bourse qui voit le jour en 1987. Les circuits de financement de l'économie et du Trésor, cloisonnés et réglementés sont remplacés à partir de 1983 par des mécanismes de marché, ouverts sur l'étranger.
Sur le plan international, la décennie 1980 voit la mise en place du Systeme Monétaire Européen, l'abolition complete du contrôle des changes et la mise en oeuvre de la directive européenne sur la libération des mouvements de capitaux.
Il en résulte tout d'abord une forte croissance des investissements étrangers en France (qui représentent un quart de notre industrie) ainsi que des investissements français à l'étranger.
Les placements financiers de l'étranger en France prennent ensuite un essor considérable. C'est ainsi que le pourcentage de la dette publique française placée à l'étranger monte jusqu'à 42% (pour retomber ensuite à 20%). Les actions françaises remportent aussi un franc succes à l'étranger (30% de la capitalisation boursiere en mains étrangeres).
Enfin, la levée du contrôle des changes permet une gestion active des trésoreries en francs des résidents étrangers et des trésoreries en devises des résidents français, accompagnée d'arbitrages et de couvertures sur le MATIF.
II. La mondialisation des marchés impose à la France certaines contraintes.
Le fonctionnement du marché international des capitaux est illustré par certains chiffres :
- Le volume moyen des transactions quotidiennes sur les changes dans le monde est estimé à 1230 milliards de dollars, soit environ 6500 milliards de francs ; or, en face de ce montant les réserves de change des banques centrales ne représentent que 1.100 milliards de dollars.
- L'interpénétration des marchés de valeurs mobilieres est de plus en plus forte.
. les transactions sur valeurs mobilieres américaines faisant intervenir des acheteurs ou des vendeurs étrangers
passent de 3% à 135% du PNB des USA entre 70 et 93.
. l'encours des prêts bancaires internationaux est passé de 265 milliards de dollars à 4600 milliards de dollars entre 1965 et 1995.
. la part des valeurs mobilieres étrangeres dans les actifs des fonds de pension britanniques est passée de 10 à 20% entre 1980 et 1993.
Les marchés des changes fluctuent au gré des informations diffusées en permanence, voire des rumeurs. Ils sont d'autant plus volatiles que les traders ont des comportements mimétiques. Les risques d'instabilité qui en résultent sont partiellement palliés par les marchés de produits dérivés, qui permettent de couvrir les risques de change.
La gestion par les investisseurs institutionnels de leurs avoirs en titres étrangers est tres mobile. Logique sur la longue période, elle peut être empreinte de surréaction aux événements ou de myopie à court terme.
En matiere de taux d'intérêt, l'internationalisation des marchés débouche sur une logique unificatrice. Les taux tendent à converger d'un pays à l'autre, mais des écarts exceptionnels et d'ampleur variable correspondant à des primes de risque peuvent apparaître pour exprimer les doutes des détenteurs de capitaux quant à l'aptitude de l'Etat et des autorités monétaires à atteindre leurs objectifs. Au surplus, les effets d'un niveau de taux donné ne s'exercent pas de maniere uniforme, car il faut, pour en mesurer l'incidence sur les économies, raisonner en terme de taux d'intérêt réels.
III. Le bilan de l'ouverture du marché français des capitaux reste positif.
La libéralisation des financements qui a prévalu depuis 12 ans, a entraîné une remarquable diversification des modes de financement qui permet de satisfaire en quantité, en qualité, et en délais les besoins de financement des entreprises et du Trésor Public. Les marchés libres se sont adaptés pour répondre à des demandes de capitaux largement accrues, en évitant les blocages. La libéralisation et l'internationalisation des mouvements de capitaux ont supprimé les obstacles au meilleur ajustement des ressources aux besoins de financement.
Sur le plan pratique, le fait de participer aux échanges internationaux de biens et de capitaux de maniere intensive crée des risques de mouvements de capitaux défavorables en cas de relâchement des disciplines de prévention de l'inflation ou de dépassement des limites raisonnables de l'endettement public.
En conclusion, la participation au marché international des capitaux débouche en fin de compte sur une double contrainte. Elle oblige les pays participants à contribuer par leurs politiques internes à l'équilibre général du systeme. Elle expose en outre ceux qui n'ont pas réprimé les menaces inflationnistes des qu'elles apparaissent à subir des pressions externes sur leurs taux de change et sur le niveau de leurs taux d'intérêt.
Notes de P. Esteva Lettre de mars 1996
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