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De Dieu à Diouf, diversité culturelle, multipolarité et francophonie |
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Auteur:André Lewin Ancien ambassadeur de France (Guinée-Conakry, Inde, Autriche, Sénégal/Gambie) Ancien porte-parole du Secrétaire général des Nations Unies Premier vice-président de l'Académie diplomatique internationale Membre de l'Académie diplomatique africaine Membre de l'Académie des sciences d'Outre-mer Président de l'Association française pour les Nations Unies Co-fondateur du Comité pour le Français langue européenne
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Dieu - celui de la Bible - aurait-il été le premier promoteur de la diversité culturelle ?
Le chapitre XI et dernier du livre de la Genèse qui ouvre l'Ancien Testament nous révèle en tous cas que, pour punir les hommes de leur prétention à vouloir bâtir une tour allant jusqu'au ciel, l'Éternel leur fit oublier qu'ils communiquaient jusque là en une seule et même langue, et les dispersa à travers le monde parlant de multiples idiomes, de sorte qu'ils n'entendaient plus la langue les uns des autres et qu'ils durent abandonner l'ouvrage commencé. Multiplicité des langues, oui, mais c'était un châtiment ! Aujourd'hui au contraire, la diversité des langues et le dialogue des cultures sont devenus un objectif et un atout. Entre la multiplicité linguistique qui (faute évidemment d'interprètes et de traducteurs !) entraîna la fin de la construction de la tour de Babel , et la prédominance que certains jugent inévitable de l'anglais - en fait de l'américain, prélude à la pensée unique, à l'économie dominante, à la culture envahissante, à l'idéologie péremptoire - il y a un monde, que dis-je, il y a "le monde", du moins presque tout le monde, dans sa diversité et sa complexité, qui impliquent nécessairement le dialogue des cultures, et un rapprochement entre "qui se rassemble s'assemble"; et plus si affinités. Bref, il y a la multipolarité, aussi éloignée de l'alignement systématique sur le plus puissant ou le plus séduisant, que de la dispersion anarchique et du chacun pour soi.Pour y parvenir, il faut une volonté politique et une communauté d'intérêts et/ou de valeurs. De tels pôles ont existé dans le passé, le plus souvent sous la contrainte, de l'empire romain aux vastes empires des conquistadores espagnols ou des navigateurs portugais, plus tard des colonisateurs britanniques (Rule Britannia, l'empire sur lequel le soleil ne se couchait jamais) ou français, en passant par le Saint-Empire romain germanique, ou l'orgueilleuse devise de l'Autriche impériale des Habsbourg : AEIOU ("Austria est imperare orbi universo", en allemand "Alles Erdreich Ist Österreich Untertan", c'est-à-dire : "C'est à l'Autriche de règner sur le monde entier" ou encore : "Le monde entier est sujet de l'Autriche").
Au cours des prochains mois, c'est à l'UNESCO que se situera l'affrontement entre les États-Unis (revenus en 2003 dans cette institution qu'ils avaient quittée vingt ans auparavant) et les partisans de la diversité culturelle, puisqu'un projet de convention la concernant doit y être discuté . Cette problématique semble d'ailleurs être tout-à-fait à l'ordre du jour, puisque le Rapport 2004 du Programme des Nations Unies pour le Développement est entièrement centré sur "La liberté culturelle dans un monde diversifié."
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S'unir pour être plus forts tout en restant divers...
De tous les ciments de l'unité nationale, la langue est le plus fort, disait-on en Italie à l'époque de son unification. C'est toujours vrai aujourd'hui, mais pour la création ou le maintien de liens entre des groupes de nations, et pour la constitution de grands pôles culturels, linguistiques, voire politiques si des valeurs communes constituent un fondement accepté par tous. Même si l'on ne peut sous-estimer les appétits commerciaux, ignorer l'odeur du pétrole, minimiser l'attrait de nouveaux marchés, oublier la recherche de délocalisations avantageuses, voire négliger la survivance de quelques arrière-pensées néo ou post-coloniales, la prise de conscience de vastes ensembles ayant en commun une culture ou un ensemble de valeurs éthiques, morales, politiques, etc..., est l'une des clés de la multipolarité, dans un monde où seuls les plus forts - ou les plus fermement regroupés - peuvent espérer jouer un rôle et exercer une influence, sans suivisme, sans alignement.Déjà les Chinois, forts de leur cinquième de la population mondiale, ont décidé qu'ils ne feraient plus de conférences de presse en anglais. L'Inde, dont seulement 10% de la population totale (un milliard deux cents millions !) parle l'anglais et qui compte plus de 1.500 langues - parmi lesquelles 15 langues officielles -, ambitionne également de constituer l'un de ces nouveaux pôles . Sans représenter de telles masses humaines ou de telles étendues territoriales, des regroupements se sont créés au fil des dernières décennies, parmi lesquels la Francophonie, qui ne fut pourtant pas le premier du genre : le Commonwealth, né en 1931 et regroupant les anciennes possessions britanniques, bien entendu toutes anglophones; la Ligue des États Arabes, créée au lendemain de la dernière guerre et fondée sur la notion (la fiction ? en tous cas l'espoir) d'une nation arabe, et assise sur une langue, une civilisation, une culture, beaucoup aussi sur une religion, largement communes. Des institutions propres (comme l'organisation arabe pour l'éducation, la science et la culture ALECSO, créée en 1970) vinrent ultérieurement compléter ce dispositif. L'Organisation de la conférence islamique (OCI) fondée en 1969 a élargi l'assise culturelle arabe (que conserve la Ligue arabe) pour prendre comme fondement la religion islamique, qui est pratiquée par tout ou partie de la population dans ses 56 pays membres.La Francophonie vint ensuite, dans les années 80. Nous y reviendrons.C'est l'Hispanité qui est en passe de se structurer davantage, avec depuis 1991 des Sommets ibéro-américains, des conférences et des projets qui rassemblent l'Espagne, une bonne partie des pays du continent américain, les Philippines en Asie, la Guinée équatoriale en Afrique...C'est la Turcophonie, qui réunit depuis 1992 avec la Turquie six pays d'Asie centrale qui ont vécu l'emprise de l'empire ottoman, avec des Sommets réguliers, des organismes et des projets réalisés en commun.
Puis ce fut en 1996 la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP), reposant sur la lusophonie de pays aussi divers que l'Angola, le Mozambique, le Timor oriental, Sao Tomé e Principe, la Guinée-Bissau, le Cap-Vert, et aussi bien entendu le Brésil et le Portugal, là encore avec des Sommets réguliers, des projets culturels et économiques, mais également une réelle volonté de présence dans les domaines de la politique, de l'économie, du développement, de la culture et du maintien de la paix.
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Les premières initiatives...
Néologisme utilisé en 1880 dans son livre "France, Algérie et colonies" par le géographe français Onésime Reclus (ne pas confondre avec son frère, Élisée Reclus, géographe également, mais plus connu par ses nombreux ouvrages), pour définir les espaces et populations utilisant à un titre ou à un autre la langue française, le terme "francophone" resta négligé pendant un demi-siècle , jusqu'à reparaître dans les dictionnaires pour caractériser ceux dont le français est la langue maternelle. Agrégé de grammaire française, le futur Président Senghor proposa le terme de "Francité" pour recouvrir "l'ensemble des caractères propres à la civilisation française". C'est la conjonction de cette notion linguistique et de celle de valeurs communes qui est devenue le fondement de la francophonie. Diverses initiatives dispersées, où la France ne joua pas toujours d'emblée le rôle moteur que l'on aurait pu attendre , entraînent en 1950 la naissance de l'Union internationale des journalistes et de la presse de langue française (UIJPLF, devenue aujourd'hui Union de la presse francophone UPF ), puis dans les années 60 de la conférence des ministres de l'éducation nationale des pays ayant en commun l'usage du français (CONFEMEN), ultérieurement de la conférence des ministres francophones de la Jeunesse et des Sports (CONFEJES) . L'année 1961 voit la création de l'Association des universités entièrement ou partiellement de langue française (AUPELF), devenue ultérieurement l'Agence universitaire de la Francophonie (AUF) . Une Association des parlementaires de langue française est fondée en 1967.Première mesure officielle prise en France, la création par un Décret du 31 mars 1966 (donc encore sous la présidence du général de Gaulle) du Haut Comité pour la défense et l'expansion de la langue française.En 1979, Jacques Chirac, alors maire de Paris, et Jean Pelletier, maire de Québec, suscitent la création de l'Association internationale des maires des villes francophones (AIMF), dont les successifs maires de Paris assureront la présidence. Les villes fondatrices étaient alors au nombre de 20; actuellement, elles sont 115 dans 46 pays, et de nombreuses municipalités sont candidates à cette institution, devenue en 1995 l'un des opérateurs directs de la Francophonie (en particulier grâce à son Fonds de Coopération, créé à Tunis en 1990, et dont le but est de réaliser des projets d'équipement urbain et de faire jouer pleinement la solidarité entre les municipalités membres et leurs populations).En 2001, le dispositif se complète par la création d'une Association internationale des régions francophones, qui regroupe d'emblée 80 régions dans les cinq continents.
En 1984, la France, la Belgique et la Suisse avaient lancé TV5, qui devient la chaîne multilatérale de la Francophonie , desservant - 24 heures sur 24 - 150 millions de foyers sur les cinq continents grâce à 60 transporteurs satellitaires .
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Les réticences françaises...
Plusieurs chefs d'État militaient activement en faveur de la création d'un mouvement plus structuré : Hamani Diori (Niger), Habib Bourguiba (Tunisie), Léopold Sedar Senghor (Sénégal), Norodom Sihanouk (Cambodge). Ils ne parvinrent pas à entraîner d'emblée l'appui de la France, qui préféra, après l'échec de la Communauté au début des années 60, privilégier la formule des réunions franco-africaines, regroupant à l'origine les pays - essentiellement d'Afrique sub-saharienne - qui avaient relevé de la souveraineté française; ces Sommets là subsistent, étendus progressivement depuis 1975 aux pays africains non francophones, sous le nom de Conférence des chefs d'État d'Afrique et de France, se réunissant tous les deux ans, en alternance avec les Sommets francophones. Le Sommet de l'OCAM - Organisation Commune Africaine et Malgache - réuni en juin 1966 à Madagascar avait officiellement proposé la création d'une véritable institution francophone internationale. Le général de Gaulle (qui avait pourtant créé quelques mois auparavant le Haut Comité pour la défense et l'expansion de la langue française) s'abstint de donner son accord aux suggestions de ces chefs d'État et refusa de répondre à une question à ce propos lors de sa conférence de presse du 28 octobre 1966 . Sans doute ses réticences avaient-elles comme arrière-plan les querelles internes au Canada, car Ottawa refusait à l'époque tout concept qui pouvait donner au Québec un début de personnalité internationale. Mais après la fameuse apostrophe "Vive le Québec libre" que de Gaulle lança du balcon de la mairie de Montréal en juillet 1967, cette objection sembla levée, d'autant que quelques mois plus tard eut lieu la première visite officielle en France de notables acadiens . Les réserves françaises levées, il fallut quand même attendre deux ans pour que se réunisse à Niamey, en février 1969, la première conférence des États francophones; la France y est représentée par André Malraux; 21 délégations sont présentes. L'Agence de coopération culturelle et technique (ACCT) est créée un an plus tard, en mars 1970 ; devenue en 1995, lors du Sommet de Cotonou, l'Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF), elle est l'opérateur principal de la Francophonie, et développe des projets concrets ainsi que des programmes de coopération dans les domaines de l'éducation, de la culture, des médias, de l'économie, de la société civile et de la bonne gouvernance. Elle dispose également de deux organes subsidiaires, l'Institut francophone des nouvelles technologies de l'information et de la formation (INTIF), situé à Bordeaux, et l'Institut de l'énergie et de l'environnement de la Francophonie (IEPF), basé à Québec.
Georges Pompidou avait dit que "C'est à travers sa langue que la France existe dans ce monde autrement que comme un pays parmi d'autres". Or, curieusement, sa présidence se passe sans nouvelle avancée francophone, alors que le premier Sommet franco-africain se tient en novembre 1973. Le Président Valéry Giscard d'Estaing lui-même, qui participe régulièrement de 1975 à 1980 à six Sommets successifs de ce type - dont trois tenus en France, passe pour avoir exprimé ses réticences quant à un sommet francophone que le Président Senghor voulait réunir à Dakar en 1975; il l'aurait même "torpillé" si l'on en croit ce qu'en a écrit Maurice Druon lors d'une vive polémique contre l'élection en 2003 de l'ancien président de la République à l'Académie française (celui-ci s'en expliquera peut-être lorsqu'il sera reçu officiellement au siège justement de l'ancien chef d'État du Sénégal).
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De la francophonie à la Francophonie...
Quoiqu'il en soit, c'est seulement sous la présidence de François Mitterrand que s'institutionnalisent ces Sommets, cependant que s'apaise la longue querelle canado-québécoise. C'est finalement à Versailles que se tient, en février 1986, la première Conférence des chefs d'État et de gouvernement ayant en commun l'usage du français; elle réunit 42 pays ou territoires, représentés notamment par 16 chefs d'État et 10 chefs de gouvernement. Le second Sommet se tient l'année suivante, en septembre 1987, à Québec, en présence de 41 délégations, la Louisiane n'y étant cette fois-ci pas présente. Désormais, les Sommets seront biennaux. Le 3ème Sommet tenu à Dakar en mai 1989 réunit 41 délégations, avec 17 chefs d'État et 9 chefs de gouvernement. Le 4ème se tient en novembre 1991 au Palais de Chaillot à Paris (il devait se tenir au Zaïre, mais le Président Mobutu a du y renoncer à la suite du discours "Bonne gouvernance" de François Mitterrand à La Baule l'année précédente), en présence de 45 délégations, 21 chefs d'État et 13 chefs de gouvernement. Puis ce sont le Sommet de l'Île Maurice en 1993 (47 délégations, 19 chefs d'État et 13 chefs de gouvernement; c'est à partir de là que sera adoptée la formule de "pays ayant le français en partage"), celui de Cotonou en 1995 (49 délégations, 19 chefs d'État, dont pour la première fois Jacques Chirac pour la France; la charte de l'ACCT, transformée en AIF, devient - après révision - la Charte de la Francophonie, adoptée formellement par la conférence ministérielle de Marrakech en 1996), celui de Hanoi en 1997 (52 pays, 18 chefs d'État et 16 chefs de gouvernement, avec la création officielle de l'Organisation internationale de la Francophonie et l'élection de son premier Secrétaire général), puis celui de Moncton (capitale de la province canadienne du Nouveau Brunswick) en 1999 (57 délégations, 23 chefs d'État, 1 prince héritier, 3 vice-présidents, 13 chefs de gouvernement). Le neuvième Sommet a été celui de Beyrouth, tenu en 2002 seulement, car la réunion a été repoussée d'une année à la suite des événements du 11 septembre 2001; 56 délégations y assistent; pour la première fois, le Président algérien Abdelaziz Bouteflika, invité spécial du Président libanais, est présent, alors que son pays n'est pas membre; de nombreux problèmes politiques sont abordés lors de ce premier Sommet tenu dans un pays arabe, dont celui de la lutte contre le terrorisme. Le 10ème Sommet doit se tenir à Ouagadougou (Burkina Faso) en novembre 2004. On peut noter que, pour la première fois, le Saint-Siège y aura été invité.La République démocratique du Congo, la Roumanie, le Québec, sont, entre autres, candidats pour accueillir de prochains sommets.
Chacun de ces sommets a désormais un thème central de réflexion : à Moncton, c'était la jeunesse; à Beyrouth, le dialogue des cultures; à Ouagadougou, un espace solidaire pour un développement durable.
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D'un rôle culturel à une volonté politique...
Au cours de ces années, la Francophonie s'est davantage institutionnalisée et structurée, devenant, à la suite d'une décision prise au Sommet de Hanoi, l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), dotée d'un Secrétaire général, le plus haut représentant de la Francophonie sur le plan international, et à qui les pays-membres ont clairement voulu donner un rôle politique et une visibilité internationale. Son mandat est en principe de quatre ans; la fonction a été confiée de 1997 à 2002 à l'ancien Secrétaire général des Nations Unies, Boutros Boutros-Ghali, de nationalité égyptienne, puis depuis 2002 à Abdou Diouf, l'ancien Président du Sénégal. Depuis 1998, l'OIF a un statut d'observateur auprès de l'Assemblée générale des Nations Unies . Le Secrétaire général est donc amené de plus en plus à s'impliquer - et à l'impliquer l'OIF - dans des dossiers de nature politique, dans des situations de crise, dans l'observation de processus électoraux : ainsi a-t-il par exemple désigné des représentants spéciaux pour suivre les développements de situations politiques troublées aux Comores (opération maintenant achevée), en Côte-d'Ivoire et en Haïti, et contribuer à leur solution.Le Sommet de Beyrouth a également pris un engagement sans équivoque en faveur de la mise en application de la déclaration de Bamako sur la démocratie, la bonne gouvernance et les droits de la personne, adoptée par la Francophonie en novembre 2000 dans la capitale malienne . Il en sera également beaucoup question lors du prochain Sommet à Ouagadougou.
Par ailleurs se tiennent régulièrement (à l'occasion des Sommets ou entre ceux-ci) des sessions de la Conférence ministérielle de la Francophonie, où se retrouvent les ministres des affaires et/ou ceux chargés de la Francophonie dans les gouvernements des pays-membres.
Le Secrétaire général est assisté d'un Conseil permanent de la Francophonie (CPF), instance notamment chargée de la préparation et du suivi des Sommets. Présidé par le Secrétaire général, il est composé des représentants personnels des chefs d'État, et dispose de trois commissions (politique, économique et de coopération). La préoccupation économique ne peut évidemment être absente des ambitions de la Francophonie, non plus que celle du développement, une majorité de ses pays membres étant des États du Sud. C'est au Conseil que les membres associés font annuellement un rapport sur l'état du français dans leur pays.Le Forum francophone des affaires (FFA, institution créée en 1987 à Québec et dont le siège est à Bruxelles) montre d'ailleurs que le monde industriel, économique, commercial et financier s'intéresse de son côté à la Francophonie comme à une zone de stabilité, de progrès et de développement. Fort de 52 comités nationaux, le FFA organise de nombreuses missions, voyages d'affaires ou séminaires, et siège en plénière en marge et dans le pays où se tiennent les Sommets. Elle s'est également dotée, en tant qu'organisme consultatif, d'une Assemblée parlementaire de la Francophonie, dont la base géographique (des parlementaires ou élus de 74 pays ou institutions) dépasse largement celle de l'OIF elle-même; elle a pris en 1989 la place de l'ancienne association des parlementaires de langue française. Son action vise essentiellement à promouvoir des valeurs et à défendre des principes de caractère universel, mais qui recoupent largement ceux de la francophonie : démocratie, État de droit, respect des droits de l'homme, diversité culturelle, dialogue des cultures...
Le Secrétaire général est assisté par ailleurs du Conseil consultatif de la Francophonie, qui fait désormais partie des structures de l'OIF, alors que le Haut Conseil de la Francophonie auquel il succède depuis 2003 (mais dont le nom continue parfois à être utilisé) relevait du Président de la République française. Le Conseil consultatif, comme naguère le Haut Conseil, a toujours été composé d'éminentes personnalités d'origine et de nationalité diverses. Actuellement, il est formé de 37 membres originaires de pays francophones, mais également du Brésil, d'Italie, du Japon, de Russie, etc. Ils viennent de milieux aussi différents que ceux de la politique, de la culture, de l'éducation, des médias, de l'entreprise, de l'économie.
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Le champ géographique de la Francophonie
La toute première conférence tenue à Niamey en 1969 comptait 21 participants. Après le Sommet de Versailles qui en 1986 réunissait d'emblée 42 délégations, la participation a régulièrement augmenté, dépassant nettement la cinquantaine lors de la conférence d'Hanoi en 1997 (52) et atteignant 57 délégations à Moncton en 1999 . Actuellement, l'OIF compte 51 États ou gouvernements membres et 5 États observateurs, soit 56 membres . Son budget annuel (englobant le fonctionnement de toutes les institutions de la Francophonire, y compris TV5) se monte à 250 millions d'euros; près de 1.100 personnes travaillent dans ces diverses instances. Un certain nombre de pays ou de communautés ont exploré la possibilité de devenir à leur tour membres de la Francophonie (États ou gouvernements membres, associés, ou observateurs), soit parce qu'une partie plus ou moins importante de leur population parle effectivement le français ou l'apprend, soit parce que, même si leur francophonie réelle est réduite, ils estiment que leur participation à cette communauté marque une volonté de partager certaines valeurs et de refuser certaines hégémonies. La Grèce et la principauté d'Andorre ont déjà franchi les procédures préliminaires d'adhésion et deviendront dans un premier temps membres associés de l'OIF lors du Sommet de Ouagadougou.Parmi les francophones potentiels ou virtuels, il y a le cas d'Israël, dont une fraction notable de la population, celle originaire notamment du Maghreb ou du Proche-Orient, s'exprime en français. Mais l'admission comme membre de la Francophonie étant soumise, selon la Charte de l'organisation, à la règle de l'unanimité, il est évident, dans la conjoncture internationale actuelle, que l'entrée d'Israël n'obtiendrait pas un consensus, en particulier de la part de plusieurs des membres arabes. Soucieux de ne pas se heurter à un refus, le gouvernement israélien n'a donc pas formellement présenté sa candidature, mais procède régulièrement à de discrets sondages à ce propos.Certains pays pouvant se considérer comme marginalisés ou ostracisés aujourd'hui par une partie de la communauté internationale, peuvent également estimer qu'une adhésion à la Francophonie constituerait un soutien notable dans leur position et leur ouvrirait des portes nouvelles, surtout si une part de leur population - ou de leurs élites - a une réelle pratique du français. Il est en ainsi de l'Iran d'aujourd'hui, peut-être demain de l'Afghanistan, qui fut naguère un pays où la langue française avait une place notable (les timbres-poste y portèrent comme seule mention : "Postes afghanes" jusqu'en 1989.)Plusieurs pays d'Europe centrale et orientale ont ainsi posé leur candidature à la Francophonie : parmi ceux dont la candidature a déjà été acceptée se trouvent l'Albanie, la Bulgarie, la Macédoine, la Moldavie et la Roumanie, cependant que la Lituanie, la Pologne, la Slovaquie, la Slovénie et la République tchèque sont États observateurs; la Hongrie et la Croatie devraient le devenir lors du Sommet de Ouagadougou. Reste le cas des deux autres républiques baltes, ainsi que celui des autres États nés de l'implosion de l'ex-Yougoslavie.Résultant de l'éclatement de l'ancienne Union soviétique, certaines républiques du Caucase et certains États d'Asie centrale pourraient se manifester. L'Arménie et la Géorgie devraient obtenir le statut d'observateur lors du Sommet de Ouagadougou. L'Ouzbékistan, par exemple, où par la volonté de Staline, ont été formés naguère des milliers de professeurs de français et où existent donc des dizaines de milliers de locuteurs francophones. L'Algérie constitue également un cas spécifique. Alors que le Maroc, la Tunisie, l'Égypte et la Mauritanie sont membres de la Francophonie, l'Algérie est - avec la Libye - un pays du Nord du continent africain qui pour des raisons politiques, culturelles et linguistiques - volonté de privilégier la langue arabe - s'est longtemps montré réservé vis à vis de la Francophonie, considérée comme un instrument de néocolonialisme - l'écrivain algérien Kateb Yacine qualifie la langue française de "butin de guerre" ! Le Président Bouteflika, qui pratique lui-même un français remarquable, a modifié la donne en participant au Sommet de Beyrouth comme invité personnel du Président libanais. Au sein de l'Union européenne, l'Autriche a approché l'OIF à plusieurs reprises, sans pourtant poser officiellement de candidature pour devenir État membre de plein exercice : les élites politiques, administratives, culturelles de ce pays sont toujours assez largement francophones, ce qui en revanche est moins souvent le cas des dirigeants économiques. Et ce pays, à l'instar de la France, a toujours accordé une place majeure à la diffusion culturelle dans son dispositif diplomatique. Il devrait accéder au statut d'observateur lors du Sommet de Ouagadougou. De son côté, le Saint-Siège a été invité à Ouagadougou.Dans d'autres régions du monde peuvent être évoqués la Louisiane (État américain qui a parfois été invité spécial lors de Sommets francophones, et dont la récente célébration du bicentenaire de la vente par Napoléon aux États-Unis a donné lieu à d'utiles rappels historiques), ou encore le Val d'Aoste (invité spécial à Hanoi). Il y a le cas des anciens comptoirs français des Indes (Chandernagor, Pondichéry, Karikal, Mahé, Yanaon), dont les quatre derniers constituent en Inde un Territoire de l'Union spécifique . Mais pour obtenir un statut dans la Francophonie, encore faudrait-il que les autorités locales se manifestent formellement, avec l'accord des autorités fédérales indiennes, ce qui n'a pas été le cas jusqu'ici . Vivent et travaillent pourtant dans ces territoires des dizaines de milliers de personnes éduquées dans des établissements scolaires français, qui parlent donc le français, et dont une partie au moins a la nationalité française ou la double nationalité française et indienne; y existent également de nombreuses institutions pédagogiques, culturelles, scientifiques, ou autres, qui confirment ce que Nehru avait dit au moment de la cession des territoires, qu'ils seraient "une fenêtre de l'Inde ouverte sur la France".En tout état de cause, un délicat problème d'équilibre se pose désormais au sein de la Francophonie. L'initiative est partie pour l'essentiel de pays africains, relayés notamment par le Canada (et le Québec, qui a vu un moyen de s'affirmer), la Belgique, la Suisse, le Liban et la France. Mais les adhésions suivantes ont progressivement transformé l'équilibre géographique au sein de la Francophonie officielle et quelque peu érodé la place prééminente de l'Afrique, comme de ses préoccupations essentielles. Les problèmes de "bonne gouvernance" et de respect des droits de l'homme risquent d'être également évoqués avec plus de force, comme le souhaitent certains pays, en particulier le Canada .A l'heure actuelle (c'est-à-dire avant que ne tienne le Sommet de Ouagadougou), sur les 56 États ou gouvernements membres, associés ou observateurs de l'OIF, 27 ne sont pas africains et 29 africains, alors que ces derniers constituaient une nette majorité il y a encore une décennie . Les sept membres qui rejoindront la famille à Ouagadougou sont tous européens ou caucasiens, ce qui accroîtra encore la disparité.Parmi les membres non africains, neuf sont d'Europe occidentale ou d'Amérique du Nord (Belgique, Canada, France, Luxembourg, Monaco, Suisse, communauté wallonne, Nouveau Brunswick, Québec), trois appartiennent à la région des Caraïbes (Dominique, Haïti, Sainte Lucie), un au Proche-Orient (Liban), quatre à la zone Asie-Pacifique (Cambodge, Laos, Vietnam, Vanuatu), et dix à l'Europe centrale ou orientale (cinq comme membres : Albanie, Bulgarie, Macédoine, Moldavie, Roumanie; cinq comme observateurs : Lituanie, Pologne, Slovénie, Slovaquie, République tchèque). Pour éviter, sans doute, d'amplifier une telle évolution, qui risquerait de nuire à la place jusqu'ici éminente de l'Afrique, mais aussi d'affaiblir la cohésion des valeurs fondamentales de la francophonie, il a été décidé lors du dernier Sommet de renforcer les critères d'admission et de privilégier désormais l'approfondissement du contenu de la francophonie, plutôt que son élargissement. Celui-ci n'en continue pas moins, et l'on peut estimer que l'institution atteindra un jour - et peut-être même dépassera - le chiffre de 70 membres, soit nettement plus du tiers de la communauté internationale (plus qu'il n'en faudrait pour empêcher l'adoption, à l'Assemblée générale de l'ONU, d'une résolution sur une question importante .C'est ici qu'il faut - avec toutes les nuances et précautions nécessaires - poser la question des motivations des pays, anciens et nouveaux, pour s'intéresser à la Francophonie, au-delà de la pratique plus ou moins répandue de la langue elle-même .Nul doute qu'au début, il y avait le souhait de garder des liens avec la France, via sa langue et sa culture, de la part des anciennes colonies, en particulier les plus "fidèles". Et puis le désir de ne pas se sentir seuls dans un monde où la langue française constituait un outil de ralliement (souvent le seul) entre des pays aux orientations très diversesDe même, certains pays pouvaient y voir le moyen d'échapper par une tierce solution à la division du monde en deux camps, une sorte de non alignement, dans la ligne de la position gaullienne de refus des blocs et de "détente-entente-coopération" (Boutros Boutros-Ghali ne définissait-il pas le français comme une "langue non alignée" ?). La francophonie pouvait également s'infléchir vers une dérive, sinon anti-américaine, du moins a-américaine (dans la ligne du discours de Pnom Penh, de "Vive le Québec Libre", de la sortie de la France des structures militaires de l'OTAN, etc).Si le Président Giscard d'Estaing ne semble pas y avoir pris grand intérêt, le Président François Mitterrand a vu le parti qu'il pourrait en tirer, et à partir de la fin des années 80, peut-être pour éviter aussi le reproche de néo-colonialisme, on a invité de plus en plus largement des pays qui n'avaient jamais eu avec la France de relations de type colonial. Après l'effondrement de l'URSS, les pays de l'Est qui ont cherché à adhérer à la Francophonie l'ont peut-être fait pour équilibrer leur farouche volonté de devenir membres de l'OTAN et leur crainte d'ostraciser la Russie, en entrant dans un "club" de bonne qualité, délivrant une sorte de "label" de qualité (tolérance, ouverture sur le monde, solidarité, bonne gouvernance, etc...) sans trop de risque de condamnations ou de sanctions, mais aussi sans grands avantages économiques ou financiers.Sans doute, depuis les opérations militaires de la coalition en Irak, la réserve vis-à-vis de la politique des États-Unis a-t-elle progressé. Dans le monde, les regroupements "culturels" sont à la mode depuis quelques décennies, et la Francophonie peut aider à éviter une américanisation trop rapide ou trop visible. Certains pays peuvent également estimer que la Francophonie est l'un des pôles potentiellement les plus solides d'un monde multipolaire, peut-être même davantage que l'Union européenne elle-même, qui se cherche encore une véritable dimension en termes de politique extérieure et de défense, et qui a depuis l'adhésion du Royaume-Uni - et de quelques autres pays - moins la volonté de constituer un amical mais solide contrepoids aux États-Unis .Les admissions de ces dernières années ont d'ailleurs commencé à infléchir le mouvement du point de vue de ses allégeances politiques ou de ses traditions historiques. Les anciennes possessions françaises y sont désormais en minorité, contrairement au Commonwealth qui ne compte que des membres ayant eu (ou ayant encore) des liens avec la Couronne britannique. La France n'est pas, pour ces nouveaux membres, l'ancienne puissance coloniale, avec tout ce que cela comporte de non-dits, de connivences, de complicités, mais aussi de compréhension, de soutien et d'amitié . Le rôle de la France, qui reste évidemment majeur - du point de vue des financements comme de celui de l'influence - s'en trouve d'ores et déjà modifié : la Francophonie est devenue une institution où les responsabilités sont mieux réparties et où les valeurs sont ressenties de plus en plus réellement "en partage". Dans les années qui viennent, l'OIF devra s'affirmer davantage encore comme l'un des pôles du monde en devenir. Déjà les concertations entre francophones se multiplient dans nombre d'institutions et d'enceintes de négociations internationales ; mais les paroles, évidemment, ne suffisent pas pour promouvoir à elles seules les valeurs que veut véhiculer la Francophonie; il faut une réflexion systématique sur la signification profonde de la francophonie; il faut aussi que celle-ci démontre une réelle volonté politique (elle est maintenant perceptible), mais aussi fasse preuve d'une meilleure capacité à agir sur le terrain, à lancer des programmes plus ambitieux, et à générer des financements.
Comme le faisait remarquer le 26 août 2004 Xavier Darcos, ministre français délégué à la coopération, au développement et à la francophonie, lors de la conférence annuelle des ambassadeurs, "la Francophonie ne suscite pas suffisamment d'intérêt en France même, alors qu'ailleurs, elle attire de plus en plus d'États et de peuples soucieux de soutenir une autre mondialisation. C'est d'abord en cultivant cette différence, et non en se plaçant en position défensive, qu'elle continuera d'être attrayante. Nous devons nous efforcer de mettre en lumière la plus-value dont elle est porteuse dans le traitement des grandes questions politiques, économiques et culturelles."
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Encadré : la francophonie dans les organisations internationales
Le 27 mars 1945, à Paris, lors d'un débat à l'Assemblée consultative sur la préparation de la Conférence de San Francisco, le ministre français des affaires étrangères Georges Bidault proteste contre le fait que pour la première fois en 300 ans d'histoire diplomatique, le français n'y soit pas reconnu comme langue officielle. Un mois plus tard, le 26 avril, à la Conférence elle-même, le français est adopté comme langue officielle, grâce notamment à l'appui du canadien Mackenzie King et du soviétique Molotov. Les États-Unis avaient proposé l'anglais comme unique langue de travail, comme étant la langue la plus répandue, également celle des affaires et de l'économie; mais les autres délégations s'inquiétèrent d'une hégémonie anglo-saxonne sous le couvert de la langue, et firent des efforts pour s'y opposer. Elles se rangèrent derrière Georges Bidault, qui souligna qu'exclure le français des langues officielles serait donner à l'Allemagne nazie une injustifiable victoire. Ont voté contre l'anglais les pays d'Amérique latine, du Proche-Orient, l'URSS. Le français fut admis à une voix de majorité. Quatre pays seulement, sur les 51 pays fondateurs des Nations-Unies, sont officiellement francophones : France, Belgique, Luxembourg, Haïti, auxquels se joignent en pratique le Liban et la Syrie.
La "traversée du désert" se termine en 1960, avec l'admission massive des anciennes colonies françaises. En 1962, 35 délégations sur 105 pays-membres de l'époque s'expriment en français et, en 1966, 43 délégations sur 112. Mais un tiers de siècle plus tard, le nombre de délégations s'exprimant en anglais est passé de 74 en 1992 à 98 en 2001, celles s'exprimant en français dans le même temps de 25 à 27; l'espagnol est resté stable à 20, l'arabe est passé de 17 à 18, le russe de 8 à 7 et le chinois est resté stable à 1, cependant que le nombre de pays choisissant de s'exprimer dans une langue non officielle - mais traduite dans les langues officielles par les interprètes à partir d'un texte remis à l'avance dans l'une des langues officielles - a diminué de 18 à 15). Le 20 décembre 1966, l'Assemblée générale adopte une résolution dont la France est coauteur avec 62 autres pays, pour un meilleur équilibre entre les langues de travail (c'est-à-dire l'anglais et le français). Le 21 décembre 1968, l'assemblée générale adopte une résolution proposée par les Francophones et imposant le bilinguisme aux fonctionnaires du Secrétariat de l'ONU. Le 11 décembre 1987 puis le 21 décembre 1988, l'Assemblée générale adopte à l'unanimité des résolutions favorables au multilinguisme, quelles que soient les implications budgétaires souvent invoquées par ses adversaires. Un coordonnateur pour les questions ayant trait au multilinguisme a été désigné en décembre 2000 par le Secrétaire général.
Depuis plusieurs années, il a été demandé par le secrétariat de l'ONU aux pays membres d'indiquer la langue dans laquelle ils préfèrent recevoir leur correspondance. Les pays avaient le choix entre l'anglais, l'espagnol et le français (les trois autres langues officielles - le russe, le chinois et l'arabe - ne peuvent pas être lues par la plupart des logiciels de traitement de texte). Sur les 190 pays qui ont répondu, 126 ont déclaré leur préférence pour l'anglais seul, 40 ont choisi le français seul, 4 l'espagnol et à défaut le français, 4 l'anglais et à défaut le français; 16 ont choisi l'espagnol et à défaut l'anglais, aucun seulement l'espagnol (même l'Espagne à choisi l'espagnol et à défaut l'anglais). Paradoxalement, le Brésil et le Portugal ont choisi l'anglais, mais de même l'île Maurice, la Moldavie et le Vietnam, qui sont pourtant membres de la Francophonie; le Canada a opté pour le bilinguisme français-anglais, comme aussi les Seychelles et le Vanuatu; Andorre pour l'espagnol et à défaut le français, comme aussi l'Argentine, la Guinée équatoriale et le Paraguay).
La traduction, obligatoire pour les documents officiels, ne suffit pas à assurer une place convenable au français, d'autant que leur publication en français est souvent tardive, voire très tardive : elle assure en effet, au moins indirectement, une influence plus grande à la pensée qui a inspiré le texte original; par exemple, l'empreinte du droit français recule dans le domaine juridique, où il tend à devenir une langue de traduction dans les documents comme dans les discussions, ce qui contribue à renforcer la place du droit d'origine anglo-saxonne. C'est d'ailleurs dans ce domaine qu'une initiative a été prise en octobre 2004 par un groupe de personnalités conduites par Maurice Druon, ancien ministre et membre de l'Académie française (et comprenant notamment Abdou Diouf, Mario Soarès, Federico Mayor, Otto de Habsbourg, Siméon de Saxe-Cobourg, Adrian Nastase, Dora Bakoyianni) demandant au Conseil européen de "convenir que, pour tous les textes ayant valeur juridique ou normative engageant les membres de l'Union, la rédaction déposée en français soit celle qui fait référence". Par ailleurs, la visibilité du français sur les sites de l'internet s'améliore, même si la parité avec l'anglais est loin d'être atteinte.
Le français demeure bien pratiqué dans plusieurs organisations basées en Europe, par exemple l'Organisation internationale du travail à Genève, l'Union postale universelle à Berne (le français y est même en principe la seule langue prévue par les textes), la Cour internationale de justice à La Haye, l'Organisation mondiale de tourisme à Madrid, et bien entendu l'UNESCO à Paris.
Dans les institutions de l'Union européenne, où la place du français était longtemps prédominante, l'adhésion du Royaume-Uni en 1973 a déjà sensiblement modifié les équilibres (et pas seulement linguistiques); les élargissements successifs, combinés avec la règle qui fait que chaque pays membre a le droit d'utiliser sa propre langue, ont encore accentué le glissement vers l'usage de l'anglais comme langue la plus commune.
Après l'adhésion de ces dix nouveaux membres, le nombre de langues pratiquées dans l'UE passe de 11 à 22 et fera exploser le nombre des interprètes et le coût de leurs travaux. La Commission et ses diverses agences devraient embaucher quelque 400 interprètes s'ajoutant aux 3.500 actuels et le budget annuel (95 millions d'euros) affecté à la traduction devrait croître fortement.
Actuellement, l'anglais, le français et l'allemand sont les trois langues dans lesquelles on travaille à Bruxelles. Avec les 22 langues officielles d'une Union élargie à 27, les traducteurs-interprètes se retrouvent face à 462 combinaisons possibles. Le souhait de certains ? Que tous les citoyens de l'Union européenne parlent anglais, La commission présidée par Romano Prodi a dû retirer en juillet 2001 un texte prévoyant, sous couvert de "simplification, de passer du régime des trois langues de travail (anglais, français, allemand) à celui de la langue unique: autrement dit, les documents n'auraient plus eu besoin d'être traduits dans les trois langues, comme c'est le cas actuellement, mais dans une seule au choix. Vu l'utilisation croissante de l'anglais (depuis l'entrée des pays nordiques, notamment), il est évident que celui-ci s'imposera comme la langue prioritaire, sinon la langue unique : déjà, 55 % des documents sont rédigés en anglais (contre 40 % il y a dix ans), 44 % en français et... 1 % seulement en allemand. Si l'anglais était effectivement la seule langue utilisée, 45 % des habitants de l'Union seraient linguistiquement exclus, leur langue étant abandonnée. Cette proportion ne serait que de 20 % en Suède, mais grimperait à 58 % en France et à 65 % au Portugal, même si, partout, on assiste à une forte montée de la connaissance de l'anglais, en particulier parmi les plus jeunes. Dans l'Union actuelle (en excluant le Royaume-Uni), 92% des étudiants choisissent l'anglais comme première langue étrangère (et souvent la seule), 33% le français, 13% l'allemand. Le français pourrait perdre rapidement son second rang, car les dix nouveaux membres sont davantage orientés vers l'allemand, ce qui pourrait en faire très vite la deuxième langue de travail de l'Union.
Sur le plan des langues officielles, l'Union européenne souhaite fonctionner selon le principe du multilinguisme intégral, ce qui implique évidemment une marginalisation relative des grandes langues de communication, et en particulier le français, alors que l'anglais a tendance à s'imposer comme langue de travail prééminente (et que curieusement, le latin fait son apparition dans un certain nombre de sigles, comme Consilium, etc...). Ceci implique également un accroissement important des services de traduction et d'interprétation; ainsi, le Parlement européen à lui seul emploie environ 240 interprètes permanents et compte une réserve d'environ 1000 auxiliaires interprètes de conférence. En 2002, l'activité totale des seuls organes du Parlement s'est chiffrée à 56.000 journées-interprètes, 50% environ ayant été couverts par des interprètes fonctionnaires, et le reste par des auxiliaires interprètes de conférence.
Les récents Jeux d'Athènes ont montré que là encore, l'anglais progresse aux dépens du français, qui était depuis Pierre de Coubertin la langue officielle de l'olympisme.
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