Il y a quelque 30 à 35 millions d'utilisateurs d'Internet, ce sont les personnes qui circulent actuellement sur Internet, qui se connectent plus qu' occasionnellement.
Le profil des utilisateurs
Le profil des personnes qui se connectent est tres intéressant : les universitaires européens sont beaucoup plus présents que les universitaires américains. Les informaticiens sont tres utilisateurs pour des raisons évidentes. Les autres populations, c'est-à-dire le grand public, sont encore peu présentes sur le Web. On note un retard de l'Europe sur les Etats-Unis.
Les motivations des utilisateurs ? le commerce, le shopping, les finances, la météo, le gouvernement, les résultats des recherches classés par ordre croissant, les fonctions commerciales, l'actualité et enfin, le dictionnaire de références. Les schémas montrent la tendance, l'évolution d'une année sur l'autre. On note une diminution de la recherche académique, par exemple, et une forte augmentation -en Europe- de la recherche industrielle. Nous ne parlerons pas de l'éducation. On note une légere diminution concernant les domaines du travail et des distractions.
Les entreprises sur le Web
Les Champs Elysées électroniques sont la vitrine. Je citerai quelques exemples qui montrent l'étendue du probleme. Quand vous êtes une PME de vins de Bordeaux ou de champagne, vous êtes habitués à vendre votre bordeaux ou votre champagne dans le monde entier, mais vous ne connaissez pas Internet. Les PME de l'agriculture sont beaucoup moins en retard qu'on ne le croit parfois quand on est parisien. En réalité, ils connaissent tres bien les moyens et technologies modernes. Le retard de la France dans sa présence sur Internet se traduisait par un handicap de présence commerciale, de vitrine industrielle sur le Web. Ce retard est en voie de correction. Actuellement, quand vous cherchez du vin de Bordeaux, vous en trouvez sur le Web. Aujourd'hui, Renault est sur le Web parce que Peugeot y était allé un peu avant et parce qu'en l'absence de Renault sur le Web, tout le monde y parlait de Renault, mais pas forcément des gens que Renault souhaitait.
Acheter sur le Web
D'ici la fin de l'année, il sera possible de commander des objets, bon marché ou plus chers, sur le Web. La technologie existe. Elle suppose le cryptage, l'identification sûre des clients, de la même maniere que certains Minitels sont aujourd'hui vendus équipés d'un lecteur de carte à mémoire. Le paiement de la commande sur le Web pose le probleme de l'identification certaine de la personne qui commande avec un code d'acces et la possibilité de crypter le code pour qu'un tiers ne puisse pas l'utiliser.
Impact du Web sur les entreprises
Autre enjeu économique : les entreprises. Les entreprises rencontrent par rapport au WEB le probleme de la peau qui entoure un être vivant. Du simple fait qu'il existe, un être vivant doit avoir une peau. Même dans un protozoaire, il y a l'intérieur et l'extérieur et il y a une peau. Cette peau définit l'intégrité de cet individu. Le probleme d'Internet est qu'il n'y a pas de peau. C'est un immense océan dans lequel toute l'information circule. Une entreprise hésite à aller sur Internet. Elle y mettra son catalogue, mais elle ne peut pas mettre sa substance, son fichier clients par exemple. Aucune entreprise ne peut se permettre de prendre le risque de mettre son fichier clients sur le réseau. L'intérêt des concurrents est tellement important de percer ce fichier clients qu'elle ne veut pas l'y mettre, même en mettant une protection autour.
L'intranet
L'une des plus grosses difficultés pour les entreprises, même modernes, et qui explique leur relative prudence à aller sur Internet, c'est la peur de perdre leur identité, la peur que des informations vitales pour l'entreprise soient parasitées, piratées ou profitent à la concurrence. En réponse à cela, une solution, que l'on a appelé l'Intranet, devrait se généraliser d'ici un an. Il s'agit de la reconstruction, à l'intérieur d'une barriere supposée solide, d'un univers à l'image du Web.
Si une entreprise a quinze salariés qui ne sont pas tous sur le même site et un bureau à l'étranger, on fait en sorte que tous puissent accéder à un ensemble d'informations qui reconstitue les fonctions merveilleuses dont je parlais tout à l'heure, mais à l'intérieur d'une enceinte qui est, d'une certaine maniere, la peau de la cellule.
L'Intranet est en voie de développement rapide. Cette technologie permet aussi à un certain nombre d'entreprises qui ont diffusé gratuitement leur savoir-faire sur Internet -où tout est gratuit et où rien ne peut se vendre- d'espérer vendre leur savoir-faire. Je ne développerai pas ce concept plus avant.
Echanges de données
Maintenant, quelques mots sur l'EDI. Si vous entrez maintenant dans le monde de l'entreprise, vous n'échapperez pas à ce concept qui n'existait pratiquement pas il y a dix ans. L'EDI (Echange de Données Informatisées) est la dématérialisation d'un certain nombre de documents qui circulaient traditionnellement sous forme de papiers. Lorsqu'une entreprise passait commande à un sous-traitant, il y avait un bon de commande, un bon de livraison et une facture. Ces trois documents papier étaient créés et manipulés selon des regles bien précises. Ces documents alimentaient ensuite les documents comptables, les comptes de l'entreprise de flux, les comptes de stock.
L'EDI est une convention de langage qui permet de remplacer la circulation physique d'un papier par une circulation électronique organisée. L'EDI est à la fois d'être tres compliqué dans son fonctionnement et tres simple pour l'utilisateur. Lorsqu'un supermarché commande des poulets à un éleveur, on a une boîte noire dans le supermarché et une chez l'éleveur de poulets. Seul le poulet circule ensuite. Les commandes, les livraisons et les factures sont de l'échange électronique qui circule à travers un réseau.
On a fait croire aux entreprises assez longtemps qu'il fallait des réseaux spéciaux extrêmement coûteux (Transpac ou autres). On s'aperçoit aujourd'hui qu'Internet peut parfaitement jouer le rôle d'un réseau d'échange de données, à condition de mettre aux deux bouts des interfaces, c'est-à-dire des boîtes noires qui assurent des fonctions de traduction et de sécurisation puisque les données sont cryptées dans ce systeme.
J'insiste sur un point. L'administration française n'est pas si retardataire que cela. Le ministere des Finances commence à accepter la dématérialisation d'un certain nombre de documents qui, jusque-là, étaient exigés sur papier. La France est un pays de droit écrit. Le droit de la preuve s'appuie sur des écrits, mais de plus en plus aujourd'hui, on sait concevoir des systemes qui préservent les possibilités de contrôle auxquelles nous restons normalement attachés avec la possibilité de dématérialiser les documents. L'impact sur les métiers du futur sera considérable.
Les métiers du futur
Un certain nombre de métiers vont être fortement perturbés par l'utilisation de ces nouvelles technologies. De façon générale, toutes les chaînes qui manipulaient du papier sont appelées à être fondamentalement modifiées. Déjà, le travail des secrétariats dans les entreprises s'est fortement modifié, mais le passage du courrier papier au fax n'est rien à côté de ce que signifie, en termes de structure des emplois et des comportements, le passage du papier au transfert électronique.
Les habitudes que nous avions de ranger du papier dans les armoires, par exemple, sont remplacées par des stockages informatiques qui peuvent se faire aussi bien sur place que dans un endroit séparé ou éloigné. Je pense, par exemple, aux collections du Journal officiel qui représentent des kilos de papier en de multiples endroits. Cela peut être remplacé par des supports électroniques ou des CD-rom. Tout le travail des documentalistes est directement concerné. La liste serait longue des modifications qui se préparent. Je voudrais terminer sur un exemple qui me tient à coeur, celui de La Poste.
Nouvel horizon pour la Poste
On parle beaucoup, actuellement, de la déréglementation des télécommunications. C'est un sujet d'actualité ces jours-ci. On parle moins de La Poste, or c'est une entreprise qui risque, si elle n'y prend pas garde, d'aller en quelque sorte "dans le mur". En effet, le courrier privé a presque disparu. Le courrier des entreprises, qui représentait un volume considérable, passe en version électronique, comme on l'a vu. Que va-t-il rester ? Le courrier des entreprises vers les particuliers. Nos boîtes à lettres sont remplies de courrier de nos entreprises, d'un intérêt d'ailleurs variable et qu'on ne lit plus. Les entreprises cherchent de plus en plus à cibler, afin d'éviter les gaspillages. Enfin, la presse est globalement déficitaire, et la Poste est contrainte par l'Etat de supporter une fraction de ce déficit.
Donc La Poste -270 000 personnes actuellement- est en train de voir fondre son fonds de commerce et son activité. On peut prévoir, de façon quasiment certaine, une réduction progressive de la substance qui faisait l'activité de la poste. Je suis allé un peu vite et fort, mais les études le confirment. La Poste pensait pouvoir s'en sortir en développant des produits financiers. Cette voie lui a été interdite par le ministere des Finances qui, lui-même, doit défendre un appareil bancaire qui ne va pas tres bien. Donc, La Poste a devant elle, aujourd'hui, un formidable challenge. Les strateges de La Poste en sont conscients. Elle peut être potentiellement un tres gros utilisateur des technologies Internet parce que l'Internet n'est qu'une infrastructure de transport. Ce qui donne du sens quand on fait du courrier, c'est la manipulation du courrier, la destination et la structure. La Poste est en train de découvrir la possibilité de véhiculer, sur des infrastructures de transport, des systemes à valeur ajoutée et des produits nouveaux qui peuvent redonner un sens à ce métier d'acheminement.
Quelle culture apres le papier ?
Les systemes électroniques permettent aujourd'hui d'espérer une décrue des consommations de papier.
La souris remplace la plume. Un clic de souris permet de naviguer dans une encyclopédie de quelque 10 millions de pages, réparties sur toute la planete, consultables 24 heures sur 24 et mises à jour régulierement, toutes propriétés que n'ont pas les encyclopédies classiques. Le niveau national est en échec. Internet ne connaît pas les frontieres nationales.
Des problemes de droit se posent actuellement et traversent les frontieres . Une nouvelle race de juristes est en train de se préparer : les juristes internationaux. Les plus gros cabinets juridiques, aujourd'hui, même en France, commencent à raisonner droit international. Notre langue est menacée, mais ni plus ni moins qu'elle ne l'a été au fil des siecles dans notre histoire. Il faut se rappeler que l'on parlait français à la cour de Saint-Petersbourg. La langue a un rayonnement propre qu'il faut qu'elle sache assurer. Dans le domaine de la culture, on peut se battre, mais pour les affaires, on ne défendra pas la langue en dressant des murs et en interdisant aux businessmen français de parler anglais. On défendra notre langue en redécouvrant qu'elle est belle, en l'expliquant aux autres et en la parlant un peu plus aussi, sur le réseau. On parlera français pour montrer notre culture et non pour éviter de parler anglais.
Le texte complet de cette conférence est sur Internet. http://www.ensmp.fr/~scherer/literacy/alerte.html
( Lettre d'Alerte aux réalités internationales de décembre 1996)
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