Non sans difficultés ni efforts, la maîtrise de dépenses de santé s'est imposée dans les pays industrialisés. Ils y sont parvenus,... sauf la France. Comment s'y prennent-ils ?
L'exemple anglais : la maîtrise administrée Dans le systeme britannique, il y a fusion entre l'organisation sanitaire et l'assurance maladie.La Grande Bretagne garantit, à ses citoyens, les soins délivrés par une administration, financée par l'impôt, dans le cadre d'un budget (12% du budget national) attribué à des autorités régionales, en tenant compte de la population de la région. Ces autorités fixent des budgets globaux aux établissements hospitaliers. La médecine de ville repose sur des médecins généralistes dits "de famille". Chaque médecin est libre de passer un contrat avec le Service National de Santé, contrat qui fixe le type des soins dispensés par ce médecin, le temps qu'il y consacrera par jour et les trois éléments de la rémunération, à savoir : une allocation de base fixe, des primes variables selon la technicité, le lieu d'exercice (si le médecin exerce dans une banlieue défavorisée), ou si cabinet de groupe il y a ; enfin une capitation forfaitaire, proportionnelle au nombre de malades qui se sont inscrits (1500 à 1800 personnes au maximum) sur la liste du praticien, capitation variant selon l'âge des patients. Les prescriptions du médecin sont contrôlées par référence à des moyennes. Les spécialistes, salariés des autorités régionales du Service de Santé, travaillent à l'hôpital. Ils décident de l'hospitalisation en lien avec le généraliste. Ils peuvent avoir une activité privée soit dans l'hôpital, soit dans une clinique privée, les patients ont une gratuité d'acces à ce dispositif public (avec, depuis peu, un ticket modérateur sur les médicaments). Ils peuvent aussi, en payant, faire appel à une médecine non fonctionnarisée.
Ce systeme est fortement décrié en France. Mais les Anglais y sont pourtant tres attachés. Ils peuvent changer de médecin chaque année. Les médecins généralistes sont de qualité. Le coût du systeme est peu élevé (6,6% du PIB, en 1995 ; en France, 10%). La politique de santé publique est beaucoup plus affirmée, la prévention plus active car les acteurs sont "dans la main" des autorités (exemple : 2,8 malades atteints du sida pour 100.000 habitants, 10 en France). Les Anglais sont aussi bien soignés que les Français, avec une industrie pharmaceutique plus dynamique. Aspects négatifs : une certaine bureaucratisation, un temps d'attente en cas d'hospitalisation, mais les urgences y sont bien organisées.
Madame Thatcher, libérale bien connue, n'a pas réformé le dispositif : elle en a corrigé certains défauts apres avoir beaucoup hésité (Livre blanc). Le National Health Service Act a été voté en 1990, apres son départ. Cette réforme a introduit des marges de manoeuvre dans les relations entre autorités régionales, cabinets de médecins de famille et hôpitaux (introduction de la notion d'achat de services au lieu du financement de moyens). Cette réforme a eu des suites positives.
L'exemple allemand : la maîtrise organisée
L'assurance maladie, créée outre Rhin par Bismark, en 1883, sur un modele d'assurance obligatoire, confiée aux partenaires sociaux sans intervention de l'Etat, repose sur :
- un principe de solidarité : tous les salariés sont obligés de s'assurer dans des organismes divers avec un partage 50/50 de la cotisation avec l'employeur. Le retraité paie une cotisation personnelle, la caisse de retraite, la cotisation "employeur".
- l'autonomie des caisses : huit familles de caisses servent les mêmes prestations, mais disposent d'un financement
autonome, avec, de fait, des écarts assez grands de cotisations, écarts mal ressentis aujourd'hui
- des relations fortement encadrées avec les professions de santé : l'assuré a droit aux soins des seuls médecins agréés par sa caisse : celle-ci verse à l'Union Professionnelle des Médecins de sa circonscription, une enveloppe globale qu'elle répartit en fonction des actes pratiqués par chaque médecin : pas de ticket modérateur, sauf pour les médicaments, mais valeur des actes dépendant du nombre d'actes. Les hôpitaux reçoivent un budget global couvrant les seuls frais de fonctionnement.
Appréciation positive de la population allemande. Mais le systeme n'était pas assez maîtrisé (pas de numerus clausus pour les médecins et suréquipement hospitalier) avec des dépenses de santé de 8% du PIB en 1985. D'où les réformes : à partir de 1988, réforme Blum (ticket modérateur étendu, forfait hospitalier) puis en 1992, réforme Seehofer, apres vaste concertation politico-sociale, à l'allemande (accord sur la stabilisation du taux des cotisations pendant 10 ans) : un verrouillage de l'augmentation du nombre des actes médicaux par l'indexation des masses d'honoraires sur la masse salariale , un freinage des remboursements des médicaments et du coût des hôpitaux (responsables pour 33% des dépenses remboursés, en France : 50%), avec abandon programmé du budget global remplacé par le paiement à la pathologie (systeme "envisagé", en France, depuis 10 ans). Résultat : un certaine stabilisation des dépenses, jugée encore insuffisante.
L'exemple américain : la maîtrise par le marché
L'idée d'une assurance maladie obligatoire a toujours été repoussée par les autorités politiques dans le pays de la libre entreprise. La couverture des dépenses de santé repose sur l'assurance par :
- des compagnies privées, qui proposent des polices individuelles ou de groupe, toutes différentes quant aux cotisations et aux prestations. Systeme hétéroclite.
- des assurances, à but non lucratif (Blue Cross pour les frais hospitaliers et Blue Child pour la médecine de ville), proposant, également, des contrats différents.
Les salariés ont obtenu, de leurs employeurs, le paiement d'une partie des primes d'assurances, parfois juqu'à 80%. Mais les retraités, les pauvres et/ou les chômeurs restaient en marge des plans d'assurance des firmes. En outre, les petites entreprises ne pouvaient assurer leurs salariés. Dans les années 60, ont été créés, deux programmes publics, gérés par les assurances : Medicare pour les retraités (fondé sur la solidarité : cotisation des actifs), Médicaid pour les pauvres.
Bilan : des lacunes de moins en moins acceptables du fait du chômage, de l'emploi précaire : un américain sur sept n'a aucune assurance. Un coût faramineux (14% du PIB), un progres médical encouragé ; mais les erreurs de soins insupportées (multiplication des proces en responsabilités) donc les médecins s'assurent ; une paperasserie croissante. Les Clinton (Hillary et Bill) ont sorti leur plan d'assurance généralisée : Echec.Cependant dans ces dernieres années, des instruments de freinage de dépenses se sont développés : essor des HMO (Health Maintenance Organisations) créées par des professionnels de la santé se faisant assureurs, intéressés aux résultats, ect... Un "managed-care" un temps délaissé dans l'attente du Plan Clinton aujourd'hui mort-né se développe à nouveau furieusement.
Notes de Michel Cuperly revues par le Conférencier
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SIDA ET TIERS-MONDE Les brevets doivent-ils primer sur la santé publique ? Quelque 30 millions de personnes infectées par le VIH dans les pays pauvres attendent une réponse. A l'heure où, du côté des pays riches, de grands groupes pharmaceutiques attaquent plusieurs Etats du tiers-monde, coupables, selon eux, de fabriquer illégalement des médicaments génériques contre le sida. Alors une autre question surgit : faut-il changer le droit international des brevets ? (août 2001)