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Extrême-droite ou dégénérescence de la démocratie ? La réflexion et l'analyse de Heinz Steinert, professeur de sociologie à Francfort. Dans le vocabulaire médiatique, le parti libéral autrichien de Jörg Haider et l'UDC de Christoph Blocher ont définitivement pris place à l'extrême-droite de l'échiquier politique. L'épithète renvoie bien sûr à la période la plus sombre du 20e siècle, celle du nazisme et du fascisme. Mais en diabolisant ces formations politiques, on court le risque de banaliser des idéologies meurtrières tout en se privant des moyens d'analyser correctement un courant politique contemporain qui gagne en importance. C'est plutôt de populisme dont il faut parler, une manière de concevoir la politique qui d'ailleurs peut tenter aussi bien la gauche que la droite. Parcours au sein d'une dégénérescence de la démocratie en compagnie de Heinz Steinert, professeur de sociologie à l'Université Goethe de Francfort, auteur d'un article fouillé sur le sujet (NZZ, 6 novembre 1999) dont nous nous sommes largement inspirés. Le registre des émotions Historiquement, le concept de populisme fait référence à des expériences précises et limitées : à la fin du siècle passé aux Etats-Unis, le mouvement des paysans opposés aux banques, aux compagnies de chemin de fer et aux monopoles ; et à la même époque les Narodniki en Russie. Aujourd'hui le terme n'est plus descriptif mais relève du vocabulaire de combat politique. Pour ses adeptes de gauche, c'est la prétention affirmée de connaître et de prendre en compte la vie quotidienne des petites gens, du plus grand nombre. Le populisme de droite, lui, valorise la capacité du peuple à définir ce qu'il se veut, une volonté que ne fait que traduire le leader populiste. Les deux tendances partagent la plus grande méfiance à l'égard des élites, représentants et politiciens, prêts à trahir les intérêts du peuple. Enfin, pour ses adversaires, le populisme ne véhicule qu'un discours démagogique au service de la quête du pouvoir. Fondamentalement le populisme rejette la politique comme lieu de la confrontation et de la négociation entre des intérêts divergents. Le politicien populiste revendique un lien privilégié avec le peuple ; lui seul est vraiment à son écoute. En fait d'écoute, le populiste est avant tout intéressé au taux d'écoute qu'il peut susciter. Attirer l'attention, le plus grand nombre de partisans et d'électeurs, tels sont ses objectifs. Pour ce faire, il ne flatte pas les intérêts de son auditoire - ils sont obligatoirement contradictoires mais joue tout le répertoire des émotions. Dans cette perspective, la politique est représentation au sens théâtral du terme plutôt qu'action. En réalité, le populiste ne propose pas à son public une défense d'intérêts mais une identification. C'est ce qui explique que des millionnaires Ross Perot aux Etats-Unis, Blocher, Haider puissent se faire passer pour des représentants du peuple : leur richesse est la preuve de leur indépendance, de leur désintéressement. Pour créer un sentiment de communauté de destin, pour réunir des intérêts objectivement divergents, rien de tel que de désigner un ennemi commun : toutes celles qui n'appartiennent pas à la race, à la nation, à la couleur, au sexe. Le produit médiatique Le populisme constitue un retour à une conception pré-démocratique de la politique. Le chef, comme le monarque et le dictateur, représente le groupe tout entier et règne sur des individus passifs. Les médias, et la télévision en particulier, entretiennent un rapport pervers avec le populiste. Provocateur, insolent, vif dans la répartie, le leader populiste est un produit médiatique attractif. Face à lui, le politicien classique, représentant d'intérêts, fait piètre figure puisqu'il se distingue par sa connaissance des dossiers, son opiniâtreté à défendre un projet dans la durée. Ce portrait ne vaut-il que pour des mouvements aujourd'hui relativement marginaux ou ne décrit-il pas de manière un peu forcée ce que sont devenus les grands partis des démocraties contemporaines ? Heinz Steinert n'hésite pas à déceler une évolution populiste au sein des mouvements politiques dominants en Europe, les socialistes et les démocrates-chrétiens notamment. Ces partis, autrefois porteurs des intérêts de groupes sociaux bien définis et intégrant ces intérêts dans une conception du monde, se ruent aujourd'hui vers le centre et cherchent à rassembler des intérêts incompatibles. Il n'est plus question de formation des militants et de débats internes ; la presse partisane a disparu. Les programmes ne sont plus guère distincts les uns des autres et se résument à la promesse de répondre aux besoins du plus grand nombre. Seule compte la présence dans les médias, ce qui implique des politiciens professionnels rompus à l'art de la rhétorique. A cet égard, on ne peut s'empêcher d'évoquer Tony Blair, Gerhard Schröder et Helmut Kohl ainsi que leurs formations politiques attrape-tout. Plutôt que de voir dans les Haider et autres Blocher la résurgence fantasmatique de la peste brune, ne serait-il pas plus fructueux de considérer les mouvements populistes comme les précurseurs d'une évolution plus générale où le citoyen n'est plus qu'un sujet passif à qui l'on promet de résoudre tous ses problèmes c'est la version douce du populisme ou, pour la version dure, que l'on encourage à manifester sa haine des élites et de l'autre ?
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