D'abord un constat: le chômage ne se manifeste pas également dans tous les pays. La première poussée, c'était à la suite du premier choc pétrolier. Le chômage est alors deux fois plus élevé aux Usa (6%) qu'en Europe (3%); dix ans aprés, c'est l'égalité, à 10% . Depuis lors la situation est radicalement différente : le chômage a pratiquemment disparu aux Usa(4,3%), au Japon (4%,ce qui inquiète,car c'était 3% il y a peu de temps); il est trés faible dans nombre de petits pays européens (Autriche: 4%,Pays-Bas et Suisse : 5,5%) ou extra-européen: Norvège, Nouvelle- Zélande. Mais il reste trés élevé dans les grands pays européens (France, Allemagne, Espagne..). Mais ce "taux de chômage" est-il la bonne mesure de la situation ? Non! estime l'oratrice, économiste, membre du Conseil d'analyse économique. Le taux de chômage mesure, en effet, le rapport entre le nombre de chômeurs et la population dite "active", c'est-à-dire potentiellement en âge de travailler, celle qui a entre 15 et 65 ans, qu'elle ait ou non du travail. Plus significatif, est le "taux d'activité" qui mesure, lui, le rapport entre les personnes qui travaillent effectivement et cette population en âge de travailler. Ce taux d'activité n'a cesé de grimper aux Usa passant de 66% à plus de 78% aujourd'hui, alors qu'il stagne en Europe autour de 66%. Ce qui veut dire que les actifs américains ont moins de 25% d'inactifs à leur charge et les européens près de 40%, ce qui est énorme! Cette distinction entre taux d'activité et taux de chômage est essentielle pour éclairer la bonne sortie du chômage.
Les trois sorties.
Pour "sortir" du chomage, trois procédés existent :
Premier procédé: on agit sur le taux de chômage. Premier procédé: on agit sur le taux de chômage. Pour celà, on renvoie les femmes à la maison; on met les travailleurs agés en préretraite; on ralentit l'entrée des jeunes dans la vie active. C'est ce qu'a fait la France depuis des années. Résultat: le taux de chômage peut baisser mais le taux d'activité n'est pas modifié. La situation est plus présentable à l'opinion mais sans amélioration économique. La France continue à utiliser ce procédé: les gens se retirent du travail de plus en plus tôt et les jeunes y entrent de plus en plus tard. L'Insee prévoit que le taux d'activité va continuer à baisser aux deux extrémités de la vie active.
Deuxième procédé: on partage le travail. On considère que le volume d'emploi est constant, qu'il n'est pas extensible, les personnes en activité travaillant un peu moins laissent une part à une partie des chômeurs: c'est ce qui se passe avec les 35 heures et les emplois-jeunes. Cette solution est inquiétante, car elle n'augmente pas a priori la production mais elle alourdit la charge des entreprises sans diminuer réellement le nombre des inactifs. Les évaluations les plus favorables des 35 heures chiffrent les créations entre 200.000 et 500.000 emplois, ce qui n'est pas à la hauteur des besoins (cinq millions, soit dix fois plus que l'évaluation la plus favorable). Certes, un certain nombre de personnes vont avoir du travail, des entreprises verront leur situation améliorée mais le taux d'activité sera peu modifié.
Troisième procédé : on augmente le taux d'activité. Troisième procédé : on augmente le taux d'activité. Cest ce qu'ont fait les Etats-Unis, où ce taux est passé de 66% à78%,soit une création nette de quarante millions d'emplois depuis 1975. Avec un taux identique, la France aurait 4,6 millions d'emplois de plus, ce qui résorberait le chomage officiel (3 millions) et le chomage masqué (2 millions). Un taux d'activité accru de 10% signifie des entrées en activité, le retour au travail des chomeurs, mais aussi le non-travail de personnes désireuses de travailler mais dont les compétences ne correspondent pas à l'offre des entreprises. Mais, globalement la situation économique devient plus favorable avec l'augmentation de l'activité et la diminution du nombre des inactifs et du nombre des chomeurs. L'amélioration de l'emploi récemment annoncée (+ 200.000) par l'Insee comprend des emplois des divers procédés; le taux d'activité n'a pas alors été publié.
Une croissance importante ne suffira pas: pour revenir à un taux de chômage de 7,5% en 5 ans, il faudrait une croissance de 4% durant le même temps. C'est un taux improbable. L. Jospin a bien mesuré que la nouvelle étape qu'il faudra franchir sera d'inciter à la création d'entreprises, c'est-à-dire à la création d'emplois nouveaux et non plus de se limiter au partage du travail. Celà suppose de dynamiser les entreprises moyennes et petites (les grandes entreprises détruisent des emplois). D. Strauss-Kahn l'a bien compris en favorisant la collecte de l'épargne au profit du capital-risque, en modifiant la réglementation des stocks-options ...
Attitudes
Face au progrès technique qui entraine la transformation des emplois (le "déversement") , qui augmente la demande de travail qualifié et fait baisser la demande de travail non qualifié, (l'interphone remplace la concierge), deux attitudes sont observables, car si la menace de substitution du travail par du capital existe, cette substitution est possible mais pas obligatoire :
- on peut l'accélérer, celà provoque un chômage temporaire, localisé, mais augmente la productivité, suscite la création d'emplois dans d'autres secteurs et le taux d'activité augmente (cf. la situation américaine).
- on peut ralentir le déversement (cf. la situation française), avec le freinage des suppressions d'emploi dans les grandes entreprises, lesquelles mobilisent les capitaux disponibles (40 à 50 milliards de F. engloutis, pour 5 milliards collectés pour la création des Pme ). Résultat: la France a continué globalement depuis 1990, à détruire l'emploi jusqu'à 1997 inclus. Quid en 1998 ?
L'oratrice renvoie à son livre: "L'usine à chômeurs" (Plon) et à la revue Commentaire (été 1998).
Notes de Michel Cuperly, non revues par la conférencière.
La Lettre d'Alerte aux réalités internationales d'octobre 1998
COMPLEMENTS TABLE DE L'ECONOMIE Economie et modes de vie