La crise de la dette a fait des années 80 " une décennie perdue pour le développement"; l'échec est d'autant plus frappant qu'il contraste avec le bilan relativement satisfaisant de la période antérieure et qu'il s'est produit malgré une aide financière considérable.
Questions:
- pourquoi des gouvernements laissent-ils se développer des processus critiques comme l'inflation et l'endettement?
- dans quels cas un gouvernement se résout-il à surmonter les coûts politiques d'un programme d'ajustement?
- comment s'explique le comportement des organisations internationales face à des pays qui ont épuisé leurs autres possibilités d'emprunt?
-comment peut-on aboutir à des programmes d'ajustement politiquement faisables?
- comment s'enclenchent les processus de violence sociale et d'instabilité politique et quels sont leurs effets sur les programmes?
I- LOGIQUE DE L'ENDETTEMENT ET ACCEPTATION DE L'AJUSTEMENT:
Du point de vue politique, le déficit budgétaire permet, contrairement à l'impôt, de créer des gagnants immédiats sans désigner les perdants futurs. En outre, dans les PVD, la difficile collecte de l'impôt entrave la résorption des déficits publics.
Enfin, la faiblesse de l'épargne et des marchés financiers internes oblige à privilégier la création monétaire ou à recourir à des ressources extérieures donc à l'inflation.
- B- ACCEPTATION DE L'AJUSTEMENT:
A un certain point, le volume de la dette pénalise l'accroissement de capital productif, réduit la croissance et diminue la capacité de remboursement. La demande d'ajustement présente alors plusieurs avantages politiques:
- elle rend l'ajustement de la demande plus progressif et socialement moins explosif;
- le temps gagné permet d'accroître l'offre par des investissements et des réformes structurelles;
- l'aide internationale permet d'obtenir un financement qui aliène moins la souveraineté nationale qu'un emprunt bilatéral.
II-LES ORGANISATIONS INTERNATIONALES ET LES PROGRAMMES:
- A- LES OBJECTIFS DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES:
1°) Les objectifs d'efficacité:
Devant certains échecs, les organisations internationales ont infléchi leurs choix stratégiques au cours des années:
- dans un premier temps en recherchant une meilleure compatibilité entre remise en ordre et croissance;
- puis en prenant en compte la dimension sociale de l'ajustement par des mesures en faveur des plus pauvres.
Mais les experts internationaux se limitent au seul domaine de l'économie et de l'équité mesurées en termes techniques et refusent d'interpréter leurs échecs comme la résultante d'une vision trop idéalisée de l'action politique.
En sus de la myopie des spécialistes économiques, il y a deux séries de raisons: la neutralité et la "bureaucratie".
2°) Les objectifs de neutralité:
Les experts répugnent à s'aventurer sur le plan politique hors de leur compétence; les gouvernements emprunteurs refusent de débattre de ces questions qu'ils estiment de leur seule souveraineté.
Les organismes internationaux sont très attachés à la neutralité de leur intervention qui garantit leur capacité d'opérer dans des contextes variés.
Ceci conduit à des erreurs d'analyse par refus de reconnaître que les programmes d'ajustement sont décidés dans un environnement politique, par des responsables politiques et ont d'importantes conséquences politiques.
3°) Les objectifs "bureaucratiques":
Une interprétation moins indulgente se fonde sur l'idée que les organisations internationales ont des objectifs propres de dimension, de pouvoir et de prestige. Ceci peut les amener:
- à préserver une activité suffisante en maintenant une forte demande de prêts tout en accroissant l'offre des ressources obtenues des gouvernements actionnaires ou par recours aux marchés financiers privés;
- à privilégier la conditionnalité ex-post par rapport à des contraintes limitatives a priori. Les contraintes a priori limitent le volume des prêts; la contrainte a posteriori permettent de poursuivre discrètement les discussions.
Sur cette base, il est possible de réfuter deux visions extrêmes des organisations financières internationales:
- celle qui estime que les programmes d'ajustement et de prêt répondent à une pure logique technique;
- celle qui affirme la volonté hégémonique des Organisations Intergouvernementales, éventuellement par relais des grands pays industriels.
Dans la réalité, il s'opère un équilibre entre diverses parties prenantes: administration et techniciens de l'organisme international, gouvernements des pays actionnaires, gouvernements des pays receveurs: chaque participant à la négociation a intérêt à définir une conditionnalité économiquement efficace et politiquement réalisable.
B- PREPARATION ET NEGOCIATION DES PROGRAMMES:
La double préoccupation de l'efficacité économique et de l'équité sociale a précisé les fondements techniques du "modèle d'ajustement" du "consensus de Washington": discipline budgétaire, ouverture de l'économie, mécanismes de marché.
Mais la conditionnalité donne lieu à un marchandage où le pays demandeur n'est pas sans pouvoir( en faveur des gros débiteurs, de la position géostratégique, coalition de groupes sociaux d'idéologies populiste et nationaliste dans les PVD...).
III-LA FAISABILITE DES PROGRAMMES ET LES ECHECS:
- A- LA FAISABILITE DES PROGRAMMES:
1°) L'aide internationale doit proposer au gouvernement un programme politiquement plus intéressant qu'une suspension unilatérale du service de la dette ou qu'une politique autonome.
2°) Les programmes diminuent toujours les compétences étatiques( discipline budgétaire, mesures de libéralisation). Ceci peut être incompatible avec les intérêts de certains groupes sociaux et avec le mode de fonctionnement du pouvoir. Des risques sérieux pèsent sur les régimes qui combinent la personnalisation du pouvoir, l'autorité discrétionnaire des chefs, la redistribution clientéliste.
3°) Dans tous les cas sont imposés des sacrifices à court terme à une population qui souffre déjà d'une situation dégradée. Cette population sous-estime les bénéfices anticipés pour ne voir que la situation immédiate et peut même considérer le remède comme la cause du mal.
En général, les compensations prévues ou rajoutées, les expériences de pays voisins, la contrainte publique suffisent à faire accepter les inconvénients. Pourtant les programmes d'ajustement ont parfois provoqué la violence sociale.
- B- LES CAUSES D'ECHEC, LA VIOLENCE SOCIALE:
- 1°) Le comportement de la "société civile":
Plus encore que la capacité de l'administration d'Etat,il détermine le degré final d'acceptation des programmes.
a) l'impact des mesures sur les diverses catégories sociales dépend des rapports de forces entre les groupes et de leur propension à la violence collective.
b) les media assurent un effet d'interprétation et de contagion.
- 2°) Les liens entre ajustement économique et instabilité politique:
Il faut sans doute distinguer les manifestations qui cherchent à infléchir la politique gouvernementale et celles qui veulent renverser le régime en place: toutes sont créatrices de désordre et incertitude et perturbent le programme d'ajustement.
Plus significative, la distinction des sources de la violence: révolution de masse ou coup d'état? Dans les PVD, les véritables révolutions sont exceptionnelles, les coups d'état sont fréquents.
a) la révolution: surprend toujours les contemporains. Lorsque l'écart entre les " préférences privées" - mal connues- et les " préférences publiques" - affichées par conformisme- dépasse un certain seuil, un processus de mise en conformité s'enclenche brutalement sous l'effet d'une cause minime, au détriment du régime en place.
Il existe plusieurs explications de la violence socio-politique: la "privation relative", les conditions objectives de "mobilisation de ressources" par les groupes sociaux, les "sous-cultures de violence", la croissance, l'inégalité des revenus, la dépendance internationale...
b) les coups d'état:
La probabilité des coups d'état dépend plus largement de facteurs politiques, notamment les rivalités ethniques, la concentration de certains groupes dans les villes, le comportement des professionnels de la violence( police et armée).
Les coups d'état sont moins fréquents quand la performance économique extérieure s'améliore et se diversifie.
En sens inverse, l'instabilité politique dissuade les investiseurs étrangers et nationaux:: les résultats économiques de tout programme d'ajustement dépendent de la qualité des anticipations concernant son impact politique.
Comment améliorer la faisabilité politique des programmes?
- Eviter que la population ne confonde les effets de la crise et ceux des remèdes en retardant les mesures d'ajustement;
- Pratiquer des compensations, notamment grâce à l' aide extérieure( risque de demande sans fin...).
Joseph Stiglitz, ancien Vice-Président de la Banque Mondiale, Prix Nobel d'économie
"La grande désillusion: aujourd'hui la mondialisation , ça ne marche pas" http://www.editions-fayard.fr 2002
Cet ouvrage d'un grand acteur de la mondialisation est assez critique
- surtout envers les fonctionnaires (non élus)du FMI et de la Banque Mondiale qui appliquent des formules toutes faites (ajustement structurel, réduction des dépenses publiques, hausse des taux, dévaluation)en ignorant le contexte politique et social du pays
- envers les idéologues du commerce international: le véritable obstacle au développement des pays pauvres n'est pas le libre-échange mais le protectionnisme des pays riches
-envers le "réalisme " politique qui a fait accepter les énormes détournements de fonds des pays aidés (notamment la Russie)
-envers le poids de la dette qui rend illusoire l'indépendance des débiteurs
- envers le marché qui doit être construit sur le respect du droit et pas forcément sur la disparition des états
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