Le niveau de la dépense publique et des prélèvements obligatoires par rapport au PIB est-il excessif ?
Colloque organisé le 16 juillet par Echanges et Projets.(4, place de Valois Paris 1er)
Le niveau des prélèvements obligatoires par rapport au produit intérieur brut est plus élevé en France que dans la moyenne des pays de l'OCDE et de la CEE, d'après les statistiques de l'OCDE. Mais cet écart s'est réduit au cours du temps avec la moyenne de ces pays.Le niveau des prélèvements obligatoires est resté relativement stable en France entre 1985 (44,5) et 1995 (44,1) alors qu'il augmentait de trois points dans les pays de la CEE, passant de 39,6 à 42,5.Un certain nombre de pays de la Communauté Européenne ont un niveau de prélèvements très comparable ou supérieur à celui de la France (Belgique : 46,6% ; Pays-Bas : 45,9% ; Danemark :51,6%). En 1995, le niveau des dépenses publiques par rapport au PIB en France (54,6) est l'un des plus élevés des pays de l'OCDE : Italie (53,1) ; Allemagne (49,8), Espagne (46,5), RU (42,8).
La notion de prélèvements obligatoires utilisée dans ces statistiques doit être maniée avec précaution. Elle apparaît en effet sujette à des a priori méthodologiques, qui faussent quelque peu les comparaisons.
On en prendra deux exemples : Les statistiques relatives aux Etats-Unis et au Canada font apparaître un niveau extrêmement faible de transferts sociaux et de cotisations sociales, car elles ne retiennent pas au titre des prélèvements obligatoires, mais au titre des charges directes des entreprises, les primes d'assurance qu'elles supportent pour faire face à l'assurance-maladie ou à l'assurance-santé de leurs salariés... Elles n'en ont pas un caractère moins contraignant pour autant et la protection sociale des salariés n'en est pas moins assurée (dans des conditions d'égalité assez différentes il est vrai).
Il convient de noter par ailleurs la place très importante des organisations non lucratives dans le système de protection sociale américain et d'observer que les contributions à leur fonctionnement ne sont pas comptabilisées comme prélèvements obligatoires, mais sont déductibles fiscalement.Ces raisons méthodologiques expliquent que l'OCDE s'attache à retenir davantage les évolutions que les valeurs absolues.
Or, du point de vue des évolutions, la situation de la France n'apparaît pas aussi négative qu'on le dit souvent, même si elle s'est détériorée récemment. Une étude du Conseil Economique et Social comparant l'évolution des dépenses publiques par rapport au PIB dans dix-huit pays de l'OCDE sur la période 1960-1990 fait en effet apparaître des éléments tout à fait intéressants. A partir d'une situation initiale, héritée de l'Histoire, caractérisée par un niveau particulièrement élevé de ses dépenses publiques et reflétant un certain niveau de consensus social au début des années soixante, la France a plutôt mieux maîtrisé la croissance de ses dépenses publiques que d'autres pays jusqu'en 1990 et amélioré sa compétitivité de ce point de vue. La France, qui occupait en 1960 le second rang du classement (derrière l'Autriche) pour la part de ses dépenses publiques dans le PIB, n'est plus en 1990 qu'au huitième rang, devancée par les pays scandinaves, les Pays-Bas, la Belgique, l'Italie et la Grèce. Si la part des dépenses publiques dans le PIB a effectivement augmenté en France de 15 points entre 1960 et 1990, la médiane des variations des pays de l'OCDE a été au cours de cette même période de 20 points, et la progression connue par un pays comme le Japon (qui partait, certes, de beaucoup plus bas) a été du même ordre de grandeur que celle de la France.
Enfin, si l'on tient compte non pas du pourcentage des dépenses par rapport au PIB mais de l'évolution en volume des dépenses publiques, on note que le volume des dépenses publiques a été en moyenne multiplié par cinq dans les pays de l'OCDE, par plus de dix au Japon (au 1er rang des pays de l'OCDE) et par 4,4 seulement en France. En particulier, l'évolution en volume des transferts sociaux en France s'est situé à 4,9 (pour une médiane de 5,7)/ Seuls trois pays ont connu une évolution plus faible que la France dans ce domaine particulier (l'Autriche à 4,4 ; le Royaume-Uni à 3,8 ; l'Allemagne à 3,2). La dérive des dépenses publiques en France sur longue période n'a pas été supérieure à celle des autres pays, bien au contraire...
On constate cependant que depuis cinq ans la dérive de la dépense publique en France (+4,4%) a été plus élevée que dans la moyenne des pays de l'OCDE (+2%) et de la CEE (+2,4%). Sur la période plus récente en effet, on observe que certains pays, comme le Canada ou les Pays-Bas, dont le niveau relatif de prélèvements obligatoires et d'endettement public était très comparable, voire supérieur à celui de la France, se sont engagés avec succès dans une politique de réduction de ce taux de prélèvement. Les effets de cette politique sur la croissance et l'emploi restent à analyser plus finement, les succès enregistrés dans ces domaines paraissent liés à d'autres facteurs que la politique budgétaire et associés, dans le cas des Pays-Bas, à la mise en oeuvre d'une politique concertée de flexibilité de l'emploi. Il apparaît donc a priori souhaitable de réduire le niveau de la dépense publique pour retrouver au minimum le niveau de compétitivité atteint en 1990. Il reste toutefois à démontrer que le niveau atteint par la dépense publique est en lui-même un facteur négatif pour la compétitivité, l'emploi et la croissance
La consommation des administrations régaliennes proprement dites, telle qu'elle est définie par l'OCDE ne représente pas un pourcentage plus élevé du PIB en France que dans des pays d'inspiration libérale comme la Grande-Bretagne, le Canada ou les Etats-Unis.La spécificité française paraît résider dans la part du PIB consacrée aux transferts sociaux ( France : 21,4 ; Italie : 18 ; RFA :15,3 ; RU : 12,2 ;USA : 10,8.). Mais sa situation apparaît assez comparable à celle d'autres pays européens Il serait au demeurant impropre de qualifier ces dépenses d'improductives.
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