Pour Karel Van Miert, Commissaire européen à la Concurrence, la politique de la Commission a été présentée de maniere biaisée : il n'existe certes pas de tentation néo-thatchérienne de réduire le service public. Mais partout dans le monde, et aussi en Europe, l'évolution technique et l'intérêt des consommateurs conduisent à remettre en question l'ancienne équation : "Service Public = Entreprise publique + Monopole".
Des Etats européens de tradition social-démocrate ont modifié leur systeme, notamment dans la Poste et le Téléphone. Grâce à la concurrence, les services y fonctionnent désormais plutôt mieux. La France qui dispose de bons services publics éprouve sans doute moins de besoin de changer. Elle est aujourd'hui le plus important pays contestataire, parfois suivie par la Belgique, l'Espagne ou l'Italie. Les Allemands se situent à l'opposé, du moins dans les principes. D'autres pays disposent de services encore peu satisfaisants.
Des obligations communautaires
La Commission s'attache à faciliter les évolutions en faisant la part des choses. On le fait progressivement pour que tous soient servis au titre du "Service Universel" qui est une obligation du droit communautaire.
Les nouveaux fournisseurs devront participer à cette obligation directement (avec compensation publique) ou indirectement (en versant eux-mêmes une contribution). Il ne pourront pas se contenter de servir les clienteles les plus rentables.
Par exemple, dans le transport aérien, la Commission admet, contrairement à ce qui se passe aux Etats-Unis, que les lignes non-rentables puissent être subventionnées pour des raisons d'aménagement du Territoire. Cela posera probleme apres la mise en oeuvre de "la cinquieme liberté " ou " droit de cabotage". Air France pourra proposer un Londres-Edimbourg et Sabena un Bordeaux-Lille : les aides d'Etat devront alors donner leurs chances à tous les concurrents qui se présentent.
Diversité des situations
Les situations nationales concretes sont diverses: les pays nordiques ont longtemps maintenu un monopole pour l'alcool et l'Autriche pour le sel. Les questions de statut et de pensions du personnel sont parfois un obstacle. Pour la Lufthansa, le gouvernement allemand a repris l'arriéré pour permettre de repartir du bon pied. Dans certains cas, il faut conserver des mesures de sauvegarde provisoires. Cependant lorsqu'il y a statut public protégé la contrepartie devrait être la garantie de continuité du service.
La Commission peut aussi reconnaître la nécessité pour une entreprise publique de conserver des activités de marché. Dans la plainte des assureurs français contre la distribution par la Poste de produits d'assurance , la Commission a admis que cela compensait certains surcoûts liés à la distribution du courrier. Même réaction pour le cas des mutuelles dont on peut penser qu'elles rendent service à des personnes qui ne pourraient pas accéder aux tarifs des compagnies du secteur commercial.
Les obligations des Etats
Il faut aussi veiller à la qualité et à l'universalité du service. Les Etats conservent l'obligation de contrôle, notamment en matiere de sécurité. Ils doivent aussi veiller à ce que l'exploitation assure la continuité des investissements nécessaires aux infrastructures. Les monopoles d'entreprises publiques n'étaient d'ailleurs pas à l'abri de pratiques d'investissements décevantes. L'Etat doit donc veiller à ce que les infrastructures existantes soient utilisées par divers opérateurs pour une meilleure rentabilité au service des consommateurs. La garantie de l'investissement procede d'un "policy mix" et non d'une opposition tranchée sur les principes.
Y aura t-il un effort de régulation au niveau de l'Union européenne ? Cela pourrait paraître logique. Mais la. Il serait irréaliste, par exemple en matiere de transports, de ne pas s'appuyer sur les réseaux nationaux, tels que les autoroutes, qui sont encore en monopole. Une politique de concurrence ne se substitue pas à une politique sectorielle. D'autres considérations sont en jeu, par exemple en matiere d'emploi. A l'initiative du président Santer, la Commission prépare une communication sur ces sujets
Les autres interventions :
La journée d'étude d'Alerte aux Réalités Internationales débute au siege de la Représentation française à Bruxelles: Philippe Gros, Ministre Conseiller et ses collaborateurs font un exposé sur les dossiers de l'énergie, des transports et sur les télécommunications. A la Fondation TEPSA : le député néerlandais F. Wysembeek expose avec enthousiasme l'état des services publics apres la réforme libérale. Stéphane Rodrigues, secrétaire général de l'Isupe, traite des Services d'utilité publique en Europe. Les professeurs Vandamme et Van der Mensbrugghe présentent l'étude comparative sur les services publics en Europe (L'ouvrage, 640 p est édité par ASPE, 2, rue d'Ecosse Paris 5eme. Prix : 220 F ) et tentent de clarifier les différences entre service public et service universel. M.D. Mac Laughin, directeur au Comité économique et social de l'Union euopéenne présente les vues des acteurs socio-économiques.
Notes d'André Garcia
Un dossier d'ensemble sur l'avenir des services publics en Europe préparé par Alerte aux réalités internationales est disponible (Prix : 50 F)