- Dès les années 1950 le gouvernement soviétique avait souhaité que la frontière entre les deux Allemagne soit entérinée par un accord international. C'était une frontière de fait puisqu'aucun traité de paix n'avait été conclu avec l'Allemagne à la fin de la deuxième guerre mondiale. L'affaire était pour l'URSS d'une importance capitale: il s'agissait de fonder l'existence du camp soviétique sur une légitimité juridique et politique et de faire du "rideau de fer" une réalité légitimement reconnue.
- Saisis de cette proposition, les Occidentaux ne virent d'abord aucun avantage à satisfaire cette demande. l'affaire traîna, l'URSS persévéra avec l'opiniâtreté qui faisait la force de sa diplomatie.
Peu à peu, certains pays occidentaux, et la France au premier chef, s'avisèrent qu'il pouvait être intéressant pour l'Occident de donner à l'URSS la satisfaction qu'elle demandait à condition de tirer un bénéfice de la négociation. Parmi les contreparties, on pouvait penser à la reconnaissance des droits de l'homme dans les pays sous influence soviétique, au développement de relations culturelles et économiques, bref favoriser tout ce qui pouvait jeter des ponts entre le monde occidental et le monde communiste.
Obsédée par son désir de consolider juridiquement son empire en légitimant son autorité jusqu'au coeur de l'Europe, l'URSS accepta que figurent à l'ordre du jour les questions économiques et celles des droits de l'homme. Les Occidentaux n'avaient guère d'illusions sur le bénéfice à tirer de ces fausses fenêtres créées pour la symétrie.
Les Etats-Unis et le Canada, invités à la Conférence en tant qu'alliés des victimes de l'agression hitlérienne, ne devaient jouer qu'un rôle modeste dans un exercie dont ils ne voyaient guère l'utilité.
- Les négociations préliminaires se déroulèrent à Helsinki au printemps 1973. Elles aboutirent à un document préliminaire qui détaillait le programme des travaux , répartis en trois "corbeilles" politique, économique et une troisième qualifiée de "droits humanitaires". Cette dernière expression avait été substituée à "droits de l'homme" sur l'insistance de la délégation soviétique.
- Le point au coeur de la négociation fut celui des frontières, en fait la frontière entre l'Allemagne de l'Est et l'Allemagne de l'Ouest. Le débat principal portait sur le qualificatif à donner : intangibles ou inviolables. Les Soviétiques tenaient pour le premier qui figeait une situation conforme à leur souci de sécurité. Les Occidentaux ne voulaient admettre que le mot "inviolables", ce qui n'exclut pas une modification de ces frontières si elle était décidée d'un commun accord. Les Soviétiques durent se rallier à cette position et accepter le mot "inviolables".
- Pendant cette querelle apparemment sémantique, les deux autres corbeilles tratitèrent des obstacles à la ciruclation des biens et des hommes. Les Occidentaux obtinrent que certaines facilités de circulation et de principes de liberté soient acceptées par les Soviétiques. Pour ces derniers, ce n'était là que des concessions de pure forme sur des libertés formelles que le marxisme a toujours tenues pour bourgeoises.
- La conférence terminée, beaucoup d'observateurs la considèreront comme un exercice de style sans lendemain. Ils oublaient que, même dans les pays communistes les mots peuvent avoir de l'effet et entraîner des conséquences politiques.
La divine surprise fut que certains intellectuels des pays communistes qui résistaient à l'empite totaltaire se fondèrent sur les textes d'Helsinki pour justifier leur combat. Les dissidents purent se référer à l'esprit d'Helsinki. Le texte même des résolutions ouvrait une fenêtre sur l'Occident à ceux qui souffraient du régime et qui avaient constaté depuis la mise en place du rideau de fer que l'Occident ne pouvait pas leur venir en aide.
Désormais, grâce à la Conférence d'Helsinki, les résistants des pays communistes se sentirent moins abandonnés. Et on ne peut sous-estimer le rôle qu'a joué cette conférence dans l'évolution des pays de l'Est. La Conférence d'Helsinki a eu en outre le mérité aux yeux des diplomates de montrer que leurs efforts de négociation pouvaient avoir de l'influence sur le cours des évènements.
Robert RICHARD, ancien Ambassadeur, négociateur à Helsinki. |