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1 I- HISTOIRES DU POLITIQUE:
A- LE POUVOIR SACRE:
A l'origine, le pouvoir ne vient pas des hommes mais des Dieux puis de Dieu. La sacralisation de l'Etat ( Clovis à la bataille de Tolbiac, les rois guérisseurs...) persiste largement aujourd'hui( cérémonial d'Etat, raison d'Etat, noblesse des Corps d'Etat, pouvoir public différent du service public).
* Le pouvoir de tonner( voir note 1): le Dieu terrible, le Dieu des armées, le monopole de la force et de la violence;
* Le pouvoir d'étonner: l'incertitude devant la complexité, la recherche du sens, le message divin, l'interprétation par le roi- mage; l'alliance du trône et de l'autel, le sabre et le goupillon, les fêtes médiatiques de la Cinquieme République;
* Le pouvoir de cantonner: la regle d'interdiction( loi, sanction pénale ou administrative, Inquisition) ou d'obligation ( corvée, impôt, service militaire).
B- LE POUVOIR LIMITE:
Le pouvoir du souverain est au cours des siecles progressivement limité par l'aristocratie et la bourgeoisie:
- dans le recouvrement de l'impôt: Etats généraux, révolutions américaine( Boston Tea Party), française etc...Le régime et le contrôle des finances publiques constituent la grande affaire de la démocratie parlementaire...La limitation de l'impôt est une simplification abusive de la vraie question: que devons-nous faire des ressources de la collectivité?
- dans la défense des libertés individuelles ( Magna Carta, déclaration des droits de l'homme, statuts personnels et des minorités, liberté de conscience, droit de propriété...)
- la défense des droits de l'individu: au travail, à la santé, au revenu minimum...
- dans la défense des libertés publiques: droit de pensée, d'expression, d'association, de vote, tous préalables à la prise en main progressive du pouvoir par la société civile.
C- LE POUVOIR GERE:
La révolution démocratique, étalée sur des siecles, finit par placer dans l'homme l'origine et la finalité du pouvoir politique. La démocratie, en ses diverses formes, reste encore à généraliser en cette fin de siecle. Mais aussi et surtout elle n'a pas réalisé la totalité de ses implications ni de ses contradictions ( ex: conflit majorité/minorité).
- le gouvernement pour le peuple:
Renversement de la perspective, le gouvernement ne vaut que pour services rendus au peuple ( à tout le peuple ou à telle fraction?)
- le gouvernement par le peuple:
Manifestation de la volonté, de la volonté majoritaire s'imposant à tous, ou limitée comme tout pouvoir par les libertés individuelles ou collectives;
- le gouvernement du peuple: il s'agit donc bien des gens eux-mêmes. Cela signifie-t-il que la gestion des biens, des espaces, de la nature, des animaux soit soumise à des principes autres que ceux de la démocratie et des droits de l'homme? Et si oui, ces principes sont-ils compatibles avec la vie démocratique: la question se pose notamment pour les"lois" de l'économie, pour les progres de la science médicale etc...
Suffit-il alors de gouverner par le peuple et pour le peuple ( Raison d'Etat?). Cette question est posée au nom de l'éthique par diverses associations non-gouvernementales ( écologie, défense des animaux...) et peut s'adresser aussi aux "lois" du marché.
- le gouvernement pour l'individu et par l'individu: La logique finale de la démocratie pluraliste est sans doute celle de l'anarchisme centré sur le principe de plaisir. L'économie de libre marché, la société de consommation, le morcelement du temps, le foisonnement des informations et des incitations font de l'individu le seul objet et le seul centre régulateur possible de toute activité ( Il est interdit d'interdire, mai 68).
Les relations individu- société constituent le moteur de fonds de toute interrogation sur l'avenir de la politique. |
2 II- ENJEUX DU POLITIQUE:
( Les themes du dialogue et du conflit)
Faut-il s'intéresser au politique? pourquoi, à quelle politique? Où sont les enjeux ? dans les relations entre l'Etat, l'économie et la société, dans la politique elle-même considérée comme un des beaux-arts, tout comme le crime gratuit.
L'Etat est toujours remis en question pour l'argent, pour le pouvoir, pour la conception du monde.
A- ECONOMIE ET POLITIQUE:
Le vieux theme de la nécessaire limitation du pouvoir fiscal a été repris récemment par la révolution néo-libérale du reaganisme( qui a par compensation largement utilisé l'emprunt extérieur et la création de dollars soutenus par les étrangers). Où en est-on aujourd'hui? Qui doit payer quoi et pour quoi?
1°) La charge de l'Etat:
Le theme:l'Etat nous prend nos sous;
Le dossier des dépenses somptuaires de l'Etat( lire par exemple François de Closets);
Le dossier de la pression fiscale;
Le dossier des monopoles publics et des privatisations d'entreprises publiques.
2°) Le rôle de l'Etat:
Apres une décennie de néo-libéralisme, l'Etat ou du moins l'intérêt général semble revenir à la mode sous diverses formes: la croissance endogene dans le Cabinet Clinton, l'investissement humain et la lutte contre la pauvreté à la Banque Mondiale, la nostalgie du protectionnisme en Europe...
Il faut s'entendre sur ce qu'on souhaite de l'Etat et qu'on ne peut espérer ni des "lois naturelles" de l'économie, ni de la sagesse statistique des multitudes.
a- l'Etat régalien
*l'ordre et la sécurité interne et externe de la société;
*l'identité collective: l'Etat crée la Nation ( par la loi, la langue, la culture, les "lieux de mémoire", l'armée, la solidarité) et fabrique du "sens" voire du rêve( populismes, nationalismes);
b- l'Etat Providence:
L'Etat protege les faibles et les minorités assure la prévention et la couverture des risques de toutes natures;
c- l'Etat régulateur:
de l'économie ( budget, monnaie, droit économique), de la société ( droit public et pénal, normes de comportement acceptables); l'Etat source et garantie de la loi.
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3 B- SOCIETE ET POLITIQUE:
Les populations s'organisent pour satisfaire leurs besoins matériels et leurs aspirations spirituelles. Ceci suppose une regle du jeu et une capacité de contrainte, donc des institutions politiques.
Chacun des domaines de la vie sociale implique des choix sur les finalités et objectifs de l'action, sur l'identité des acteurs bénéficiaires ou responsables, sur le degré de contrainte et de liberté acceptables.
Les grandes questions sont aujourd'hui posées:
- Etat providence( social-démocratie, sozial marktwirtschaft) ou état libéral;
- mode d'intégration des sociétés divisées par les choix individuels: rôle des mécanismes de socialisation, d'adaptation;
- protection des sociétés menacées par des comportements individuels ou collectifs dangereux( drogue, criminalité, prévention sanitaire, pollution);
- L'Etat, l'éthique et les diverses activités collectives( par exemple Islam et démocratie)
Ces questions difficiles ne peuvent pas nécessairement se régler par le vote ni par les ( libres?) choix de consommation. |
4 C- POLITIQUE ET POLITIQUE:
1°) Les conceptions du pouvoir:
Trois grandes familles de philosophies politiques:
* celles qui soumettent la politique et la société aux lois de l'économie: libéralisme classique (Adam Smith) et marxisme;
* celles qui soumettent l'économie et la société aux réalités de la lutte pour le pouvoir( Machiavel, raison d'Etat, réalisme de Morgenthau)
* celles qui soumettent l'organisation politique et le fonctionnement de l'économie à une vision idéologique ou religieuse de la société: Islam intégriste, individualisme anarchiste, conservateurs, utopistes...
Les conceptions pures du pouvoir pour le pouvoir et les rivalités personnelles sont rarement affichées en démocratie et s'habillent- de maniere pas toujours convaincante- de conceptions économiques ou socioculturelles.
2°) Conquête et conservation du pouvoir:
* le coût financier et politique de la conquête et conservation du pouvoir: le financement des campagnes électorales; les promesses aux lobbies contre l'intérêt général; remboursement par l'impôt et plus souvent par l'emprunt et l'inflation imputés sur les générations futures. Divers exemples récents: les promesses de l'ere Reagan, les promesses du chancelier Kohl pour accélérer sans douleur l'unification allemande, la promesse socialiste en 1981, la promesse libérale en 1993.
3°) Contrôle et limitation du pouvoir:
par les opposants et par les "sujets" du pouvoir en place:
* le coût financier et social du nécessaire contrôle de l'Etat. Une moitié de l'administration, plus d'innombrables élus et auto-désignés( associations de défense) consacrent des moyens importants à surveiller les organismes publics, ce qui aboutit parfois à les empêcher de fonctionner. Les exces de bureaucratie proviennent souvent d'un souci de contrôle.
* les conflits politiques sur les agents et modes de contrôle du pouvoir: Parlement, syndicats, magistrats, presse d'investigation, associations d'usagers... |
5 III- SCENARIOS DU POLITIQUE:
On vient de constater l'extrême diversité des champs d'application possibles de la lutte politique. En fonction de ces champs, c'est à dire des problemes réels ou imaginaires à résoudre, les scénarios d'évolution combinent:
- les lieux et espaces d'insertion du politique;
- les acteurs actuels ou futurs;
- les équilibres entre permanences et changements, entre les évolutions réformistes pacifiquement maîtrisées et les crises de violence révolutionnaire.
A- ESPACES ET LIEUX DU POLITIQUE:
Diversité des Etats- Nations et de la capacité d'autonomie: la république de Nauru, indépendante depuis 1968( donc trente deux ans avant l'Allemagne fédérale) compte 9000 habitants sur un territoire de 21000 km².
Par ailleurs l'activité politique ne s'exerce pas seulement, tant s'en faut, dans le seul cadre de l'Etat-Nation. La souveraineté des Etats- Nations est érodée par les forces de mondialisation( technologie, information, finances, drogue, marché des armements, pollution, drogue, culture américanisée). Elle est aussi contestée de l'intérieur par la demande sociale de bien-être et par le refus des minorités d'être absorbées dans le conformisme de la société de production.
Le choix des espaces de solidarité vécue et gérée sera certainement une des questions politiques des années à venir.
Où sera la citoyenneté de demain?
1°) Au delà du territoire national:
-l'économie globale ( Coca-Cola, échanges commerciaux, flux financiers) et la société globale( Coca-Cola, télévision par satellite, écologie mondiale, modele de la démocratie de marché...) sont des lieux d'intérêt politique croissant mais pas encore vraiment de décision politique...
- le gouvernement mondial: pour la paix et la sécurité( Nations- Unies), le développement mondial( FMI, Banque Mondiale), les échanges( GATT, CNUCED), les organisations techniques diverses( Santé, Travail, Transport aérien...);
-les groupements supranationaux d'échelles régionales: organisations politiques ou économiques du type CEE, COMECON, NAFTA, Ligue Arabe...
- les empires et confédérations organisés en territoires d'états comportant plusieurs nations: Etats- Unis, Russie, Yougoslavie, Brésil, Inde, Chine...
2°) En deçà du territoire national:
- les échelons régional et communal, voire le quartier pour certaines activités de proximité telles que la sécurité( aux Etats-Unis) ou l'entraide familiale;
- l'activité associative et les groupes d'intérêt de champ géographique ou fonctionnel plus ou moins large( céréaliers, Médecins sans frontieres, église luthérienne);
-l'individu-roi, fondement et finalité de la politique devient un probleme sérieux quand, selon la boutade, " l'amour exagéré qu'il se porte à lui-même n'est plus réciproque"( comportements suicidaires ou "irresponsables" de toutes natures). |
6 B- ACTEURS ET FORCES POLITIQUES:
Les comportements et la nature même des acteurs et forces politiques changent avec les circonstances et les problemes. La tradition parlementaire occidentale les a catégorisés en mouvements de droite, du centre et de gauche ou encore entre partis conservateurs, réformistes et révolutionnaires.
Cette classification est partiellement valable pour structurer les grosses machines électorales. Elle ne suffit guere à rendre compte des comportements effectifs devant la décision et la mise en oeuvre des regles politiques. Elle ne s'attarde pas sur les persistances de comportements anachroniques( bureaucraties, législations, mythes).
Elle ne rend pas compte non plus de la montée des Organisations non gouvernementales( notamment en action internationale), de la "société civile"( citizens mouvements, burger inititiativen...), des actions corporatives non structurées( coordination des infirmieres, greve des transporteurs), des courants régionalistes... |
7 C- ORDRES ET DESORDRES POLITIQUES:
Comme le montre la relecture de l'ouvrage, par ailleurs remarquable de Jean François Revel "Comment finissent les démocraties", revu en 1983, les changements politiques ne correspondent pas toujours aux évolutions apparentes.
1°) L'ordre:
* par la force exercée par les dominateurs et l'aversion de la violence chez les dominés,
* par la loi et le contrat respectés, par la fraternité et la solidarité, par connivence et consentement, par convergence des intérêts.
*L'ordre par le conformisme moral: "political correctness" aux Etats- Unis; "Angélisme exterminateur" d'Alain-Gérard Slama( ed. Grasset); l'acceptation de valeurs transcendantes( Dieu, la Patrie, le Parti, la Raison...)
L'ordre est dangereux quand la part de désordre n'est pas, d'une maniere ou d'une autre, intégrée dans un ordre supérieur; ou quand l'ordre majoritaire perd le sens de la mesure et impose sa conception à l'ensemble de la population et de la personne humaine ( totalitarisme) ou à des voisins plus faibles( impérialisme). Il suscite aloirs la crise, le conflit, le changement violent.
2°) Le changement:
a) les facteurs externes à la sphere politique:
La technologie, la pression démographique, les échecs ou succes de l'économie modifient les champs d'application de la politique ainsi que l'identité et le comportement des acteurs.
b) les facteurs internes à la politique:
- l'évolution des idees
- le comportement des acteurs: dynamique du jeu politique, actions et réactions;
- le fonctionnement des systemes politiques:
notamment de régulation ( arbitrages divers, regles du jeu politique, modes de négociation), mais aussi les mécanismes d'alliances, les stratégies et tactiques de pouvoir.
c) Réforme et révolution :
L' accumulation de facteurs de changement crée un déséquilibre qui peut rester latent pendant des années( Union Soviétique entre Khrouchtchev et Gorbatchov) ou peut déboucher sur une crise avec ou sans conflit ouvert( rôle de l'évenement déclenchant).
Si les potentiels de changement sont assez faciles à repérer et à décrire en scénarios possibles( analyse de risque politique), la prédiction de l'évenement reste utopique.
3°) Le désordre:
L'absence d'ordre ne se traduit pas nécessairement par la révolution: on remarque d'ailleurs que tres souvent les révolutions débouchent sur un ordre plus rigoureux.
Les démocraties occidentales, mais aussi les régimes issus du communisme, semblent plutôt menacés par l'entropie, c'est à dire la dégradation des conditions d'équilibre politique:
a- le pouvoir entravé:
Corporatisme, politiques catégorielles, les effets néfastes du marketing politique par segmentation;
L'absentéisme, la marginalisation( Lumpenproletariat, Underclass).
b- le pouvoir détourné:
Fraude, corruption, ingérence, népotisme, détournement, abus de pouvoir;
Les enquêtes parlementaires et de presse ( Washington Post, Canard Enchaîné); les "petits juges" de France et d'Italie.
Pour acquérir le pouvoir par les media, les hommes politiques ont besoin d'argent, de trop d'argent. Beaucoup ont perdu leur âme en jouant du pipeau ou du violoncelle.
c- le pouvoir combattu:
La critique idéologique, assassinat politique, terrorisme, guerilla, révolution.
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8 CONCLUSION:
La politique débat sur elle-même, sur ses champs d'application, ses objectifs, ses méthodes, ce qui est déjà beaucoup.
Elle s'interroge parfois sur ses fondements: Dieu ou l'individu tel qu'il est à un moment donné; tel est sans doute le fonds de l'opposition entre l'Islam arabe et la modernité occidentale. Cette opposition peut surgir ailleurs, entre Brahma et Coca-Cola, Confucius et le multimédia, la Sainte Russie et la"démocratie libérale" de Boris Eltsine, Jean Paul II et le préservatif...
Qu'il soit mondial, continental, national, régional ou même caché dans l'intérieur individuel, le besoin de permanence appelle la nécessité de la regle.
Qu'ils proviennent de la nature des choses, de l'initiative heureuse ou malheureuse des nations, des groupes ou des individus, le changement et donc l'incertitude sont constants. Ils appellent des réorganisations dans la maniere de gérer les choses et les hommes...
Même si on constate une lassitude( ou un dangereux dégoût) le débat politique n'est donc pas proche de l'épuisement. On peut supposer au contraire qu'il s'apprête à s'élargir dans l'espace géographique et dans la sphere sociale, débordant ainsi le domaine étroit des démocraties parlementaires issues du XIX° siecle.
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9 1 Note: Autres jeux de mots politiciens à décliner sur l'Etat qui tonne: l'Etat barytonne, bastonne, bétonne, boutonne, capitonne, cartonne, chantonne, se déboutonne, dét(c)onne, emmitonne, entonne, étonne et s'étonne, gueuletonne, mitonne, moutonne, se pelotonne, pistonne, tâtonne etc...
La richesse des associations possibles entre l'Etat et "tonne" a de quoi surprendre ,voire...étonner.
(On connaît la précision donnée par le célèbre lexicologue Emile Littré. Mme.Littré rentre un jour à la maison et y trouve son époux couché avec la bonne. "Emile, dit-elle, je suis surprise..." "Mais non, mon amie, vous êtes étonnée, c'est nous qui sommes surpris...) |
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