En temps de crise, il s’agit de montrer patte blanche chez les banquiers. Non au blanchiment des grands truands ! Ou aux terroristes genre Ben Laden. En revanche pour les dictateurs, on fait un geste…
Alors qu’on mobilise, ces derniers jours, tous les experts reconnus en méthode Coué pour nous prédire, entre deux prévisions de déficit budgétaire, les prémisses des débuts de bruissement de sortie de crise, les grandes institutions internationales s’échinent à nous saper le moral et à nous convaincre que nous avons eu tort de venir en aide à un secteur bancaire décidément indigne de notre confiance.
C’est d’abord Antonio Maria Costa, le « Monsieur Drogue et Criminalité » de l’ONU, qui a ouvert le bal il y a quelques semaines : « les banquiers ont fait quelque chose qui s’avère à la fois stupide et diabolique » , a-t-il affirmé. « Ils ont permis à l’économie souterraine mondiale de pénétrer l’économie globale. Les banques d’investissements, les gestionnaires de fonds, les courtiers en matières premières et les promoteurs immobiliers ont permis aux syndicats du crime de blanchir leurs revenus criminels et de devenir des partenaires financiers fréquentables ». Forçant son penchant naturel pour un langage diplomatique onusien, il en a même rajouté une petite couche pour le fun : « en développant des instruments financiers complexes, les banques ont délibérément rendu les marchés financiers plus opaques et plus vulnérables. Grâce à elles, et au blanchiment, le crime organisé s’est transformé en multinationales ; une sorte de mafia borghese ou de criminalité en col blanc… ». Diantre…
Comme pour lui faire écho sur le thème de la vulnérabilité, c’est le Gafi (Groupe d’action financière) qui a apporté sa petite contribution défaitiste à l’édifice. Sans doute impressionnés par le montant des transferts de Ronaldo et de Kaka qui ont alimenté les fantasmes du début du mercato estival, les membres de l’organisation internationale de lutte contre le blanchiment ont ajouté une petite dose de sinistrose. Le football est devenu très vulnérable aux opérations de blanchiment ont-ils décrété dans leur livraison de juillet 2009 (Money Laundering through the Football Sector – Juillet 2009). Des propos pseudo-alarmistes et certes peu étayés, si ce n’est par quelques citations de l’excellent roman de plage de D. Robert (Le Milieu du terrain) que la « terreur de Clearstream » avait commis il y a peu pour se changer les idées.
Le rapport du Gafi aurait plutôt tendance à faire sourire les bons connaisseurs des dessous du Beau Jeu. D’un autre côté, si la bluette servie par le Gafi en guise de cahiers de vacances constitue l’état exact des connaissances de ses enquêteurs, il y a toutes les raisons d’avoir les chocottes sur la situation réelle.
D’autant que le Gafi est vaguement sous pression. En février 2009, sur proposition des Néerlandais, son président Antonio Gustavo Rodrigues a accepté de bonne grâce que l’organisation se penche plus spécifiquement sur la manière dont la crise financière a affecté la lutte contre le blanchiment. Sous entendus, les paradis fiscaux ont peut être bon dos et les prêts usuraires octroyés par les organisations criminelles aux petits commerçants d’Italie et d’ailleurs abandonnés par leurs banquiers ne seraient-ils pas la forme la plus récente d’un blanchiment à l’échelle mondiale ?
Le président du Gafi s’est montré très réceptif à la proposition batave. Dès décembre 2008, il avait d’ailleurs déclaré devant le Conseil de l’Europe « l’absolue et constante nécessité de protéger nos systèmes financiers contre les criminels et les terroristes », pointant, là encore, un doigt vengeur en direction des paradis fiscaux, ces trous noirs du capitalisme…
Criminalité et terrorisme d’accord ont répondu à l’unisson des banquiers dans leurs petits souliers… Mais quid des dictateurs exotiques corrompus jusqu’à la moelle et qui pillent allègrement les richesses des Etats qu’ils « gouvernent » ? Là on sent de la part des banquiers un brin penauds, que la belle unanimité de façade pour lutter contre criminalité et terrorisme se lézarde méchamment lorsqu’il s’agit de combattre les ripoux de tous calibres et la bonne vieille corruption ordinaire.
On les comprend ; le manque à gagner pourrait être considérable. Un seul exemple suffit à s’en convaincre : le 19 mai 2009, dans une déposition écrite devant le Comité des services financiers de la Chambre des représentants US, qui consacrait ses travaux au délicat sujet intitulé « pertes en capital, corruption et le rôle des institutions financières occidentales », Anthea Lawson, un chercheur de l’ONG Global Witness, a mis les pieds dans le plat sans ménagement. Il était fortement question de Téodore Obiang, président de Guinée-Equatoriale, 3ème producteur africain de pétrole, et de son fiston, Téodore Nguema Obiang, ministre de son père au salaire mensuel officiel de 4000 dollars, dans un pays où l’espérance de vie de la population n’excédait pas 50 ans en 2005…
On apprend en effet qu’Obiang Junior avait la chance d’être titulaire d’un compte bancaire ouvert dans les livres de la Barclays Bank ; mais attention, pas à Gibraltar ou à Nassau s’il vous plait ! Non, plus modestement, à l’agence Ternes Saint Honoré, sise 217 rue du Faubourg Saint Honoré ! Un compte alimenté par son salaire de laborieux ministre guinéen. Qui lui a tout de même permis de faire l’acquisition d’une modeste propriété de 35 millions de dollars à Malibu en Californie et d’une flotte de voitures de fonction comprenant entre autres une Ferrari, partiellement payée à partir du compte Barclays parisien, et de 3 Bugatti Veyron payées 1,2 millions de dollars chacune…
Les parlementaires ricains ont fait mine d’être surpris en apprenant que le solde du prix de la 1ère Ferrari avait été réglé à partir d’un autre compte parisien ouvert à la BNP Paribas. Et qu’une seconde Ferrari avait été intégralement payée par un chèque tiré sur un compte ouvert au CCF devenu HSBC en 2000. Interrogées par Global Witness sur la nature des vérifications effectuées quant à l’origine des fonds alimentant les comptes bancaires d’Obiang Junior, les banques parisiennes concernées se sont abstenues de répondre. C’est leur droit le plus strict. Tout comme celui de ne s’en remettre qu’à elles-mêmes quand il s’agit de faire face aux conséquences de leurs actes et de refuser l’aide de la puissance publique…
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Réponse à Alberto :
4 000,00 dollars par mois c’est en tout cas le chiffre avancé par Global Witness devant le congrès américain. Compte tenu de la qualité du travail de recherche, on peut supposer que c’est le chiffre qui figure sur la feuille de paye de Junior ; en plus c’est une paye à triple effet KissKool : Elle permet précisemment de laisser penser que ce n’est pas excessif tout en autorisant par d’autres canaux, toutes les extravagances telles Malibu,Ferrari et Bugati…après la multiplication des pains, celle des fifrelins ?