Pour son premier long-métrage, l’humoriste britannique Chris Morris suit quatre terroristes très bas de plafond. Une comédie vraiment explosive.
Bakchich Hebdo : quelle est la genèse de Four Lions ?
Chris Morris : Je lisais un article sur une bande de djihadistes qui voulaient faire exploser un navire de guerre américain à l’aide d’une embarcation remplie de bombes. À 3 heures du matin, leur bateau était tellement chargé d’explosifs qu’il a coulé. Je me suis dit : « C’est marrant… » J’ai continué mes recherches et je n’ai fait que trouver ce genre d’histoire. Des djihadistes canadiens veulent assassiner le Premier ministre mais oublient son nom. Ils mettent au point un détonateur radiocommandé pour se protéger de leurs explosifs, mais il ne fonctionne qu’à une distance de trois mètres ! Certains oublient comment fabriquer une bombe, un autre se fait passer pour un membre du MI5 pour tromper ses parents et partir s’entraîner au Pakistan… Il y avait de plus en plus d’histoires de ce genre et j’ai compris que ce n’était pas l’exception, mais plutôt la règle. Une cellule terroriste ressemble à une bande de crétins. Un petit groupe de gars qui préparent une guerre planétaire depuis leur cuisine. À ce sujet, j’ai découvert que les services secrets britanniques ont une théorie, celle de « la bande de mecs ».
B. H. : Avez-vous mené des recherches sur les terroristes ?
C. M : Pendant trois ans, mais pas seulement sur les terroristes. J’ai étudié l’histoire de l’islam, l’empire islamique, l’islamisme radical, la communauté pakistanaise de Grande-Bretagne… J’ai parlé à des musulmans, à la police, à des agents secrets, à des experts, jusqu’à avoir une image claire avec une multiplicité de points de vue.
B. H. : Certaines scènes du film reproduisent- elles des faits réels ?
C. M : C’était tentant, mais la réalité est presque trop ridicule. J’ai eu accès à des tonnes de bandes de conversations de djihadistes, enregistrées à leur insu dans leurs appartements. Et toutes leurs discussions tournent autour du film de la télé de la veille. Ils s’appellent entre eux « Hobbits » et s’interpellent : « Eh, mon frère Hobbit poilu ! » Ils débattent sans fin pour savoir qui de Johnny Depp ou de Ben Laden est le plus cool. Il y en avait même un qui ne savait pas qui est Ben Laden ! Ces échanges étaient vraiment bizarres et ressemblaient à des discussions d’étudiants défoncés.
B. H. : C’est peut-être le cas, non ?
C. M : Non. J’ai demandé aux flics. Ils ne sont même pas défoncés. Il y en a un qui a fait une crise de foi. L’autre lui dit : « Écoute ton cœur, la vérité est dans ton cœur. » Et le premier de répondre : « Ce qu’il y a dans mon cœur, c’est le Seigneur des anneaux » !
B. H. : Avec Four Lions, n’aviez-vous pas peur d’aller trop loin ?
C. M : J’ai eu peur que le sujet soit trop gros et j’ai alors redoublé de travail. Mais je n’ai jamais eu peur d’aller trop loin. Dans le film, jamais on ne se moque de la mort, on la prend au sérieux. On ne se moque pas non plus des croyances. Et jamais je ne dis que le terrorisme est drôle, mais plutôt que les terroristes peuvent être marrants, si on les regarde sous un angle différent. film très bien reçu
B. H. : Peut-on rire de tout ?
C. M : Oui. Et c’est encore plus drôle quand c’est embarrassant, salace, si vous savez que vous ne devriez pas en rire. On ne doit peut-être pas rire avec tout le monde. Si vous vous marrez aux mêmes blagues racistes que les néonazis, c’est que vous avez un problème.
B. H. : Comment Four Lions a-t-il été reçu en Grande-Bretagne ?
C. M : À la télé, un journaliste a déclaré que c’était bien de rire, mais que rien ne valait la réalité. À côté de lui, il y avait un expert en terrorisme qui a répliqué : « Je me suis marré car c’est exactement la vérité. » J’ai présenté le film dans des projos où il y avait des centaines de musulmans et ils ont ri comme des bossus.
B. H. : Et aux États-Unis ?
C. M : Le film a été très bien reçu à Sundance. J’avais plus peur à New York, mais on m’a dit : « Écoutez, on a survécu au 11 septembre, envoyez-nous ce film ! » Au Texas, un des États les plus conservateurs du pays, les étudiants se sont précipités et ont adoré. Ça vous dit quoi ?