Chaque semaine, Jacques Gaillard plonge dans son dico perso et rhabille les mots à la mode.
SPÉCULATION, n. f. : Miroir des vanités
Vous voulez savoir ce que c’est qu’un hedge fund ? Eh bien voici, tirée d’un lexique de la finance, une définition lumineuse : « "To hedge" signifie "couvrir une position en prenant une autre position symétrique". » Donc, dans le Kamasutra de la finance internationale, le hedge fund est un système qui vous permet de vous faire avoir des deux côtés à la fois, puisqu’il autorise à jouer gagnant, à la baisse et à la hausse en même temps. Comment il fait ? Demandez au fiston, il a des cours d’éco à l’école, où on lui apprend que le marché se régule tout seul, et autres conneries.
Vous savez maintenant pourquoi vous avez mal et envie de gerber comme tout le monde sur les spéculateurs, ces salopards qui veulent niquer la Grèce (des deux côtés, évidemment) et ont fait fort puisque, en trayant les Européens, ils empochent notre flouse. Mais c’est quoi, un spéculateur ? Eh bien, c’est comme l’enfer chez Sartre : les spéculateurs, c’est les autres. C’est ce que disait à la télé un cador de chez Montségur Finances, boîte qui, avec un nom pareil, doit rassembler des Cathares, des purs de chez pursoupe qui honnissent les spéculateurs et vivent eux-mêmes d’on ne sait quoi, peut-être du commerce équitable des râpes à fromage pour aveugles (en jargon boursier honnête, « finances » veut dire : « râpe à fromage ») ?
Certes, tout cela était clairement exprimé dans les prospectus de vente du traité de Maastricht et de la tombola de Lisbonne, et on doit conclure que ceux qui ont voté « non » savaient lire (les autres savaient gober), même si on les a traités d’infâmes blaireaux sans burnes qui spéculaient sur l’échec de l’usine à gaz à 27 tuyaux de pipe. Résultat : si, telle Jeanne d’Arc, l’Europe est paniquée, c’est bien la seule, avec tous ses membres qui s’agitent dans notre dos… Bon, arrêtons de spéculer sur la spéculation des spéculateurs, et percolons sur la percolation des percolateurs. ça ne veut rien dire non plus mais, au moins, ça fait le café