Boivin, un maître des commissions, voire des rétrocommissions, qui fait valser les millions, de sociétés offshore en entreprises écrans, de la Suisse au Luxembourg en passant par l’île de Man.
Des frégates de Taïwan (contrat Bravo), aux corvettes saoudiennes (Sawari II) jusqu’aux sous-marins pakistanais (Agosta), Jean-Marie Boivin a mis la main dans le cambouis des plus grands contrats d’armement français des années 90.
Son rôle : répartir les commissions entre les intermédiaires chargés de « fluidifier » les deals de la Direction des constructions navales (DCN). Un maître des commissions, voire des rétrocommissions, qui fait valser les millions, de sociétés offshore en entreprises écrans, de la Suisse au Luxembourg en passant par l’île de Man. De l’art de faire s’évaporer les billets…
D’ailleurs, le rôle de l’une de ces officines a été mis en lumière par la justice : la société de développement Heine SA, née en 1994 au Luxembourg avec l’aval du ministre du Budget français de l’époque, un certain Nicolas Sarkozy. Las, en 2000, la convention de l’OCDE limite ces pratiques ; la DCN doit donc se passer de ses services.
Furieux, Boivin menace alors de tout déballer. À savoir les noms des agents « traités », les sommes versées et les éventuelles commissions revenues vers la France… La DCN propose 2 millions d’euros pour solde de tout compte, il en réclame 8 à 10. Fin 2006, deux ex-agents des services, mandatés par la DCN, se rendent à son domicile pour l’apaiser. En vain. Déterminé, Jean-Marie Boivin se répand en courriers. Adressés à Villepin, alors à Matignon, et à Sarkozy, ministre de l’Intérieur.
À compter de 2009, Boivin s’assagit. Mieux, interrogé comme témoin par un juge antiterroriste et un juge financier, le paymaster ne pipe mot sur les grands contrats. Amadoué par un arrangement sur l’île de Man ? Le 28 octobre 2009, un jugement de la Haute cour du paradis fiscal évoque un accord intervenu, le 24 janvier 2009, entre un plaignant et « un haut fonctionnaire du gouvernement français » représentant la DCN, Thales et la DCNS, sur un paiement de 8 millions d’euros. Or ce gentlemen agreement ne peut être produit puisqu’il se révèle être… oral ! Autre incongruité, le plaignant, le trust Simker, qui se dit propriétaire de Heine, indique avoir récupéré la créance le 21 juillet 2009. Soit six mois après qu’un accord pour son règlement aurait été trouvé… Dernière fantaisie, la demande de Simker ne consiste pas en une demande de paiement mais en un retrait d’assignation, afin de pouvoir porter le cas dans une autre juridiction ! Bref aucun accord n’a été signé. « L’indemnisation » exigée a-telle été honorée par le racket d’Heine ?
Ultime surprise, Jean- Marie Boivin est devenu patron de Simker dès novembre 2009.