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Histoire

Sacré Général !

16 novembre 2010 à 11h19
De Gaulle voyait d’un mauvais œil le fait que le dollar soit la seule monnaie étalon de réserve internationale.

En 1965, le général De Gaulle prononçait un discours qui fait à nouveau sens aujourd’hui – en voici un extrait :

« Le fait que beaucoup d’Etats acceptent par principe des dollars au même titre que de l’or pour les règlements des différences qui existent à leur profit dans la balance des paiements américaine, ce fait entraîne les américains à s’endetter, et à s’endetter gratuitement vis-à-vis de l’étranger, car ce qu’ils lui doivent ils le lui payent, tout au moins en partie, avec des dollars qu’il ne tient qu’à eux d’émettre. »

De Gaulle voyait d’un mauvais œil le fait que le dollar soit la seule monnaie étalon de réserve internationale – bien qu’à cette époque, les dollars étaient encore échangeables en or, valeur tangible – « ça craint du boudin, on va se faire enfler » aurait-il pensé à voix haute ce jour-là.

Ça n’a pas loupé, 6 années plus tard, Nixon, devant faire face à une trop rapide réduction des réserves d’or dans les banques centrales, met fin à la corrélation entre l’or et le dollar. Depuis, le billet vert est la monnaie d’échange du commerce mondial et il n’est plus indexé sur rien…

Danger mon général !

La dette américaine est financée par les Etats du monde entier. De mémoire, pas moins de 2 000 milliards de dollars seraient dans les réserves des grandes puissances Europe, Chine, Japon… essentiellement sous forme d’obligations d’Etat. Or ces obligations sont censées rapporter à leur créancier des intérêts… et pour rembourser ces intérêts, eh bien il faut de la croissance.

Quand tout va bien… la croissance est là… on capitalise tout ce qui est capitalisable… on achète, on vent, on contracte des crédits de toute sorte, on rembourse, on réinvestit… c’est capitalism paradise. Les Etats-Unis consomment comme personne, ils vous achètent vos biens et services et en échange, vous leur achetez leur dette pour qu’ils puissent consommer à crédit et devenir gros.

Mais en pratique, il y a toujours plus de dépenses que de recettes. Et pour le coup on ne peut pas reprocher aux Etats-Unis d’avoir dépenser sans compter en subventions sociales ! Non, c’est selon moi plutôt grâce aux « progrès » du libéralisme – dont la titrisation est l’exemple fatal – doublé d’une politique impérialiste obsessionnelle qu’on arrive à une méga dette publique.

Alors… pour conjurer le problème, il y a quelques leviers.

Par exemple, vous demandez aux banques centrales de baisser leurs taux directeurs afin de stimuler les crédits et l’investissement… pour théoriquement relancer la consommation en bout de chaine. Le problème, c’est quand le 0% pointe le bout de son nez, c’est-à-dire que les banques peuvent emprunter de l’argent quasiment gratuitement, et que damned, ni la consommation ni l’investissement ne se reprennent, il est temps de passer au plan B :

Mettre en place un QE – ou quantitative easing – ou pour parler clairement : faire tourner la planche à billet pour renflouer les banques et leur racheter leurs actifs pourris. Le but étant de redonner aux banques les liquidités nécessaires pour relancer le crédit, l’investissement et donc la consommation.

Alors… pourquoi pas hein… nationaliser l’ivraie et privatiser le bon grain (quoi que), tout ça financé par le marché de la dette… ça peut être une idée. Mais non, oubliez ça tout de suite, rétrospectivement, on voit bien que le blé s’en va partout sauf dans l’économie réelle.

Alors déjà… on pourrait se demander si la Fed ne prendrait pas un peu les gens pour des truffes… mais plus c’est gros et plus ça passe, alors plutôt que de se désavouer, il remet ça !

Qui ça « il » ? Ben Bernanke, président de la Fed, qui a annoncé le rachat pour 75 milliards d’obligations d’Etats chaque mois afin de faire baisser leur rendement à long terme – donc rendre crédible leur créancier qui pourra alors compter sur cette nouvelle levée de liquidités pour enfin relever les taux directeurs et relancer les investissements – et cela jusqu’à juin, au moins.

Ce coup de maître sur le papier se prononce QE2…

Mais qu’est-ce que ça veut dire mon général ? Ça veut dire que c’est chaud bouillant mon p’tit gars.

Problème 1 : cela voudrait dire que les investisseurs croient encore en la possibilité des Etats-Unis à rembourser sa dette – pourvu que personne à la Fed ne prononce par inadvertance le mot faillite…

Problème 2 : une telle émission de nouveaux dollars va lancer les gros bonnets de la finance à shorter (vendre) le dollar massivement sur le marché des devises. Les Goldman Sachs et autres géants financiers s’en donnent à cœur joie depuis deux mois !

Problème 3 : Augmenter la masse monétaire va provoquer une fuite des liquidités vers les pays émergents et en particulier sur les matières premières. C’est ce qui s’était produit lors du QE1.

Créer de la dette pour éponger la dette ? Chronique d’une faillite annoncée.

J’essayais depuis quelques temps de commencer mes billets par une note positive…

Je vais terminer par un message d’espoir : à l’occasion du quarantième anniversaire de la mort du Général, est sortie des buissons une armée de gaullistes « purs » et « durs »…

Nul doute qu’ils mèneront courageusement les combats nécessaires – et pas seulement sur le front médiatique — pour que fleurissent au bout du fusil de la finance, les fleurs de l’avant-garde sagesse du Général !

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Fier d’être locataire (1) Hommage à Mandelbrot