Le 10 novembre, Jeannette Bougrab, la Présidente de la Halde, organisait un colloque sur l’assurance ("un droit pour tous ?"). Les débats étaient un poil orientés, elle-même étant membre du lobby des assureurs.
« L’accès aux assurances : un droit pour tous ? ». Alors que près de 13% des Français ont essuyé un refus d’assurance en raison de leur âge, de leur état de santé ou de leur sexe, la question méritait d’être posée [1] par la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations). Pour leur deuxième édition, les mercredis de l’institution avaient pourtant réuni un bien curieux casting où, à l’exception d’un prof de droit spécialiste de l’assurance, seuls les représentants des assurances étaient invités à débattre. Pour les associations de défense des malades, des handicapés, ne restaient que quelques strapontins dans la petite salle du centre de conférence Edouard VII. Et quelques minutes en fin de « débat »… Malaise.
Au cours d’une table ronde un brin surréaliste, les représentants de la puissante Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA), le lobby des assureurs, devisèrent donc tranquillement sur le thème du droit à ne pas assurer tout le monde.
« S’il n’y avait pas de sélection des risques, il n’y aurait pas d’assurance », commença par poser Joël Monnet, prof à l’université de Poitiers. Car le seul intervenant non affilié à la FFSA n’est pas des plus offensifs sur la question des discriminations dans l’accès à l’assurance. Pour lui, d’ailleurs, « les assurances ont largement intégré les objectifs de non-discrimination ». Dont acte… Et ce ne fut pas le représentant de la FFSA qui le contredit : « on a le choix d’assurer ou non une personne ». C’est dit.
Vint ensuite le tour de Nicolas Moreau, le nouveau patron d’Axa, présenté avec enthousiasme par la présidente de la Halde : « un jeune président comme moi… Je sais qu’il y a d’autres entreprises présentes au nom des assurances et je tenais à le préciser, mais c’est vrai que ça me fait toujours plaisir de dire qu’Axa est le numéro 1 des assurances en France ». Lui non plus ne voyait visiblement pas bien pourquoi on venait l’ennuyer avec ces histoires de discrimination. Et si l’on ne comprend pas pourquoi l’assurance refuse de nous couvrir ? : « Nous avons un médiateur que l’on peut saisir ou faire jouer la concurrence ». Surprimes exorbitantes pour certains handicaps, manque de transparence dans les tarifs… Circulez, il n’y a rien à voir.
La conclusion viendra de François Ewald, présenté ce jour là comme professeur au CNAM, en omettant qu’il est aussi le plus brillant porte-parole de la FFSA. Pour lui aussi, il faut prendre garde à ne surtout pas tout mélanger : « La problématique du refus de l’assurance n’est pas la problématique des discriminations ». Touchant unanimisme du monde de l’assurance.
Mais pourquoi diable la Halde n’a-t-elle pas offert une meilleure place aux associations de défenses des malades ? Est-ce parce que la présidente de la Halde est également membre depuis plusieurs années du CORA, le conseil d’orientation et de réflexion de l’assurance, émanation de la FFSA ? Jeannette Boubrab n’a pas apprécié la question. Il semble pourtant qu’en cette époque où le conflit d’intérêt se porte comme un charme, elle avait sa légitimité.
Relégués aux rôles de quasi-figurants, les associations comme le CISS, qui représente une trentaine d’associations sur la santé, avaient d’ailleurs décidé de bouder l’événement.
[1] Sondage CSA novembre 2010