Une enquête révèle que des entreprises liées à la Ndrangheta, la mafia calabraise, ont détourné au moins 400 millions d’euros de fonds communautaires au cours des dix dernières années.
Pour conjurer la crise financière qui couve toujours sous les cendres de milliards d’actifs toxiques partis en fumée, les gouvernements européens semblent l’un après l’autre, se convertir publiquement à la rigueur budgétaire et au désendettement. Une politique, à défaut d’une doctrine, qui risque de conduire les derniers fidèles de Keynes au suicide collectif et qui pour autant, a été accueillie sans excès d’inquiétude par le crime organisé.
Car face aux annonces martiales des États membres, les mafieux eux, savent qu’il reste beaucoup à faire avant d’avoir entièrement dégraissé le mammouth de l’Union Européenne dont ils se gavent gloutonnement depuis une bonne dizaine d’années.
Timidement, en particulier dans le cadre de la procédure dite de « décharge budgétaire » les voix de parlementaires commencent à se faire entendre sur le thème d’un appel à la rigueur à l’adresse de la Commission de Bruxelles.
Les discussions liminaires relatives au quitus du budget européen 2009 ont clairement posé le décor. Les premiers députés européens qui sont intervenus ont en effet plaidé
pour une simplification des procédures de gestion des fonds communautaires,
pour l’élaboration d’une base de données publique des bénéficiaires de la manne bruxelloise,
pour une aggravation des sanctions sanctionnant la gabegie présumée,
pour la mise en œuvre d’une politique plus efficace de recouvrement des sommes versées indûment,
et surtout, pour que la Commission lance un appel à un sens accru des responsabilités de la part des administrations des états membres par lesquelles passent en pratique près de 80% des dépenses du budget communautaire.
Dans sa dernière livraison, The Bureau of Investigative Journalism, (BoIJ) une ONG qui complète à sa manière, la croisade pour la transparence lancée par Wikileaks, attire de nouveau l’attention des citoyens européens sur les performances de la Ndrangheta. Une association à but violemment lucratif née en Calabre, dans le sud de l’Italie à la fin du 19ème siècle, et devenue aujourd’hui, grâce à un réseau qui s’étend de Sydney à Cali et de Bruxelles à Miami, plus puissante que Cosa Nostra.
« Nous avons découvert que près de 250 entreprises bénéficiaires de subventions européennes étaient directement ou non, liées à la Ndrangheta ; des chiffres ahurissants » affirme Federico Gatti, l’un des journalistes ayant participé à l’enquête qui porte sur des sociétés et des individus opérant dans les villes de Cosenza, Reggio de Calabre, Catanzaro et Gioia Tauro qui auraient détourné au moins 400 millions d’euros de fonds communautaires au cours des 10 dernières années !
Sans compter la deuxième couche de graisse quasiment de la même épaisseur que la précédente, constituée par l’autoroute entre Salerne et Regio de Calabre. Un long serpent de 450 km à l’appétit féroce, considéré aujourd’hui comme le plus blanc de tous les éléphants blancs de la péninsule, et sur lequel le crime organisé a prélevé 3% du budget total de construction. Au bas mot.
Pour rompre la monotonie de son affligeant exposé, BoIJ mentionne aussi les écarts de Lorenzo Cesa, personnalité politique italienne influente et ex-député européen et de son comparse Fabio Schettini, ancien membre de la Commission de Bruxelles. Les 2 lascars étaient de gros actionnaires de la société Digitaleco, impliquée dans une « mini fraude à 3 millions d’euros » au préjudice de l’Union Européenne, toujours en cours d’instruction.
Il faut dire qu’en décidant de consacrer la bagatelle de 347 milliards d’euros – le second poste après la Politique Agricole Commune - de Fonds Structurels au développement des régions européennes les plus pauvres au cours de la période 2007-2013, l’Union s’est livrée à une véritable provocation de la Ndrangheta contrainte, pour sauver son honneur, de relever le défi.
La Calabre, où est née l’organisation criminelle, était évidemment l’une des plus éligibles à l’aide européenne en raison de sa grande pauvreté (25% de la population vivait sous le seuil de pauvreté en 2003 d’après la Commission Parlementaire anti-mafia). Comme les fonds structurels européens sont utilisés localement selon les dispositions de la loi italienne n°488 datant de 1992, laquelle laisse une grande latitude à l’administration régionale pour répartir les fonds alloués par Bruxelles, il n’en fallait pas plus pour susciter en quelques années, une explosion des pratiques frauduleuses : la Calabre représente 0,4% de la population de l’Union mais pèse 6,54% du total de la fraude identifiée.
Du pain sur la planche pour les 20 malheureux enquêteurs de l’OLAF (Office Européen de Lutte Anti Fraude) qui traquent les fraudes commises par les 650 000 bénéficiaires des fonds structurels recensés par BoIJ et le Financial Times dans les 27 états de l’Union.
Même si la Calabre en particulier et l’Italie en général se placent en pole position au palmarès de la fraude identifiées aux fonds structurels, elles ne sont pas les seules loin s’en faut : La Grèce, l’Espagne, la Bulgarie et la Slovaquie y figurent aussi. Et que dire des fraudes au programme SAPARD (Special Accession Program for Agriculture and Rural Development) conçu pour aider les ex-pays de l’Est à se préparer en douceur à la « rigueur » de la Politique Agricole Commune avant qu’ils ne deviennent membres de l’Union en 2004 et 2007 ; des pratiques louches sur lesquelles l’OLAF admet avoir une « moins bonne visibilité ».
Ingeborg Grässle, députée européenne et membre influente de la Commission du Contrôle Budgétaire du Parlement Européen présidée par l’italien Luigi de Magistris ancien procureur, paraît assez désabusée ; elle ne mâche pas ses mots : « Nous avons des états membres qui bloquent activement les enquêtes de l’OLAF. Nous avons des états membres qui ne manifestent aucune volonté que les fraudes soient détectées et que des mesures correctrices soient prises…Cela signifie que 93% des informations recueillies ne donnent pas lieu à ouverture de dossiers d’enquêtes ou son jetées à la poubelle.. » avant de conclure « …et nous avons un service d’enquête qui n’est pas très efficace car après investigation, il ne se passe rien ; ce qui signifie que nous tolérons la criminalité, ce qui constitue une très mauvaise nouvelle ».
Sur un ton un brin plus diplomatique, son patron Luigi de Magistris confirme ses accusations. Le 2 décembre 2010 lors des premières discussions sur la Décharge Budgétaire 2009, il s’est dit très préoccupé par l’arrivée du crime organisé dans les appels d’offres de marchés publics organisés dans la région des Abruzzes.
Sans doute pour ne pas indisposer les Commissaires venus s’expliquer devant les députés, il s’est abstenu de rappeler le cas de fraude anecdotique sur appel d’offre (10 millions d’euros) relevé par l’OLAF dans son rapport 2010 (page 38) et intervenu…au Nicaragua, où l’Union a fourni, au titre de ses « actions extérieures » le financement nécessaire à un projet d’infrastructure pour la fourniture d’eau potable à des populations défavorisées.
C’est fou où la rigueur européenne va se nicher…
ça fait quand même un bon moment que tous les politicards de tous poils ne sont plus crédibles !!
qui croit encore ces députés qui s’auto-amnistient sur de belles promesses de "je ferai plus"… et qui continuent de plus belle ? ’ ("les promesses n’engagent que ceux qui les croient")
qui croit encore que les bras cassés de Bruxelles servent à quelque chose à part contrôler l’aspect et la taille des carottes (sic), faire le forcing pour autoriser les poulets US à la javel et casser les c** à tout le monde ??
allons, un peu de sérieux pour débuter cette nouvelle année :)))
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