Après l’explosion d’une plateforme pétrolière BP au large de la Louisiane, Barack Obama est accusé d’immobilisme. La présidence américaine va-t-elle chavirer ?
Barack Obama déteste être questionné par les journalistes, et il évite au maximum de leur en donner l’occasion. Mais il a été contraint de donner sa première conférence de presse depuis dix mois la semaine dernière en raison du tollé contre l’immobilisme de son gouvernement face à la marée noire dévastatrice qui est en train d’empoisonner le Golfe de Mexique et les États côtiers.
Les protestations contre l’inaction d’Obama cinq semaines encore après l’explosion de la plate-forme pétrolière ont même jailli dans sa propre famille politique. Le sénateur démocrate de Louisiane Mary Landrieu a déclaré que « le président n’a pas été aussi visible qu’il aurait dû l’être » dans cette crise, et qu’Obama « va payer un prix politique. » L’ancien directeur de campagne de Bill Clinton, le très médiatique James Carville, originaire de Louisiane, a explosé en direct de la Nouvelle-Orléans dans un des talk-shows dont il est bon client en disant d’Obama qu’il était coupable d’« imbécilité politique » et s’est adressé à lui : « Mec, tu dois venir et prendre les choses en main, nommer quelqu’un qui en a la charge, et faire bouger les choses ! Nous sommes en train de mourir ici ! » Et le membre démocrate du Congrès Charles Melancon, un Cajun qui représente une circonscription menacée par les nappes de pétrole, en lisant une plainte sur l’inaction gouvernementale, s’est effondré en larmes au point de ne pas pouvoir continuer. Les vidéos des lamentos de Carville et Melancon sont passées en boucle à la télé pendant plusieurs jours.
Mais la conférence de presse d’Obama en réponse à ces critiques a été qualifiée de quasi-désastre par tous les commentateurs. Il s’est livré à un discours trop technique, truffé de langue de bois et de références à des lois et des règles obscures. Au lieu d’exprimer l’indignation qui fait rage dans l’électorat contre le géant pétrolier BP, proprio de la plate-forme explosée, Obama a encore une fois incarné le professeur de droit qu’il était avant d’entrer en politique.
Son gouvernement continue de laisser à BP l’entière responsabilité de mettre fin au désastre écologique le plus important dans l’histoire du pays, fuite qui a déjà déversé 110 millions de litres de pétrole dans la mer, soit six à dix fois plus que lors du naufrage de l’Exxon Valdez au large de l’Alaska en 1989. Et la presse a révélé que la négligence criminelle de BP, qui a provoqué le désastre, ne fait plus de doutes.
Le refus d’Obama de prendre le contrôle du désastre est encore plus mortel politiquement car il se situe dans un contexte de fureur populaire et populiste des électeurs à cause de la crise économique et des plans de sauvetage qui n’ont bénéficié qu’à Wall Street. Les tentatives de BP de boucher la fuite ont toutes échoué, une deuxième fuite importante vient d’être trouvée par les scientifiques, et nous entrons dans la saison des ouragans qui vont pousser le pétrole en mer vers les côtes de Floride, un État qui était essentiel à la victoire d’Obama en 2008 et qui le sera encore en 2012.
Dans une chronique pour le New York Times titrée « Le Katrina d’Obama ? Peut-être pire » le progressiste Frank Rich a écrit que le désastre dans le Golfe « risque non seulement de détruire l’écologie d’une région mais de faire chavirer la présidence d’Obama. » Il a bien raison.