Depuis un demi-siècle, les Etats-Unis forment des militaires sud-américains avec un net penchant pour la dictature au sein de la School of Americas, une annexe du Pentagone. Le responsable du coup d’Etat au Honduras en est issu.
Ainsi, les États-Unis n’auraient pas de responsabilité dans le coup d’Etat militaire du 28 juin dernier qui a renversé le gouvernement démocratiquement élu du Honduras ? Faux et archi faux !
Comme l’a rapporté l’hebdomadaire National Catholic Reporter du 29 juin, l’homme qui a fait ce coup, le général Romeo Orlando Vasquez Velasquez, commandant de l’armée, a été diplômé à deux reprises de l’infâme School of the Americas (L’École des Amériques), une succursale du Pentagone située à Fort Benning dans l’Etat de Géorgie et tristement célèbre école de torture d’où sont sortis une belle brochette de dictateurs et d’affairistes militaires en Amérique centrale et latine. Un autre leader du coup d’Etat est, lui aussi, diplômé de la même école : il s’agit du général Luis Javier Prince Suazo, chef des forces aériennes et responsable du transport du président déchu, Manuel Zelaya, en dehors du pays.
Relique de la Guerre Froide, la School of the Americas a été créée il y a un demi-siècle afin, disait-on, de former des militaires, des policiers et des agents de renseignement des pays au sud des États-Unis afin qu’ils conduisent la lutte contre les « insurrections » étiquetées « communistes » par le Pentagone. Mais dans les faits, les diplômés de cette école ont toujours constitué les troupes de choc de la répression politique contre la gauche dans ces pays hispanophones.
Bien avant les horreurs d’Abou Ghraïb en Irak, les pires techniques de torture étaient enseignées à la School of the Americas. En mai 2004, les manuels d’interrogatoire utilisés par l’école ont été rendus publics par le National Security Archive, un institut de recherche indépendant, après un procès qui s’est tenu selon la loi du Freedom of Information Act, intenté par des médias réputés comme le Baltimore Sun. Ces manuels, traduits en espagnol et dont des milliers d’exemplaires ont été distribués aux alliés hispanophones de Washington, donnaient des consignes explicites pour torturer, bastonner et assassiner.
La longue histoire de ces supplices pratiqués par les voyous diplômés de la School of the Americas a également été bien documentée par d’autres organismes, notamment Amnesty International dans son rapport intitulé « Unmatched Power, Unmet Principles » (Pouvoir incomparable, Principes abandonnés), ainsi que dans les excellents ouvrages « Hidden Terrors » (Terreurs cachées) de A.J. Langguth (un ancien reporter du New York Times), « Rogue State : A Guide to the World’s Only Superpower « (publié en France sous le titre L’État voyou : un guide de la seule superpuissance mondiale) par William Blum, ancien diplomate du Département d’Etat, ou encore « A Miracle, A Universe ») (Un miracle, un univers) par Lawrence Weschler (l’expert Amérique latine du New Yorker).
L’enseignement de la torture dans cette école a été suspendu par le président Jimmy Carter en 1977, mais réintroduit par Ronald Reagan quatre ans plus tard. En 2000, suite à des enquêtes sur cette école par des médias tels que le Washington Post et le Baltimore Sun et grâce à une opposition grandissante à son encontre au Congrès, le Pentagone en a relifté le nom et l’a rebaptisé Western Hemisphere Institute for Security Cooperation (WHINSEC). Mais comme le disait à l’époque le sénateur Paul Coverdale de l’Etat de Géorgie, un conservateur membre du Parti républicain, cette soi-disant « réforme » n’était qu’« essentiellement superficielle ». D’ailleurs, aujourd’hui, tout le monde en dehors du Pentagone continue d’appeler l’école par son ancien nom.
Le coup d’Etat du 28 juin au Honduras est le troisième dans l’histoire de ce petit pays de 7 millions d’habitants, dont 50 % vivent dans une pauvreté extrême. En 1975, le général Juan Megler Castro, diplômé de la School of the Americas, est devenu le dictateur militaire de ce Honduras. Puis, entre 1980-1982, le chef de la dictature était un autre diplômé de « l’école de torture », Policarpo Paz Garcia. Ses principaux faits d’armes consistent à avoir intensifié la répression et semé la terreur avec le Bataillon 3-16, l’un des plus terrifiants escadrons de la mort de toute l’Amérique latine fondé par des diplômés honduriens de la School of the Americas, avec l’aide de diplômés argentins de cette école. Car cette dernière n’a pas essaimé qu’au Honduras. Loin de là.
Parmi les soixante mille et quelques militaires qui y sont passés, on compte plusieurs dictateurs avérés : les généraux Noriega et Trujillo au Nicaragua, le général Hugo Banzer Suarez en Bolivie, le général Guido Vildoso Calderon au Pérou, le général Efrain Rios Montt au Guatemala et les généraux Leopoldo Galtieri et Roberto Viola en Argentine.
La lutte pour fermer cette école immonde est menée depuis vingt ans par l’association School of the Americas Watch, animée par des catholiques de gauche et fondée par un prêtre, le père Roy Bourgeois, lui-même une ancienne victime des tortionnaires de cette institution au Salvador, après les meurtres de quatre bonnes sœurs catholiques et de l’évêque Oscar Romero par des escadrons de la mort organisés et commandés par le colonel Roberto D’Aubuisson, un autre diplômé de l’école et auteur des pires crimes commis pendant la guerre civile salvadorienne.
Des manifestations récentes qui ont mobilisé des dizaines de milliers de personnes demandant sa fermeture devant les portes de l’école ont attiré la participation des personnalités comme l’actrice Susan Sarandon, l’acteur Martin Sheen et la sœur Helen Prejean, auteur du livre « Dead Man Walking » devenu un film célèbre avec Sean Penn (La Dernière Marche, de Tim Robbins).
Pour comprendre les dessous du coup d’Etat du 28 juin, il faut savoir que le président Zelaya du Honduras, comme l’a rapporté le National Catholic Reporter dans son article cité plus haut, « était un homme d’affaires qui penchait plutôt à droite quand il a été élu en 2006. Mais il a surpris beaucoup de monde quand il a commencé à desserrer les liens entre le Honduras et les Etats-Unis qui contrôlaient le pays à tel point qu’on le surnommait “U.S.S. Honduras”. »
De plus, Zelaya avait augmenté le Smic local de 60 %, ce qui a rendu l’élite économique du pays folle de rage puis s’est « heurté aux multinationales pétrolières et à l’ambassade des États-Unis quand il a tenté de réduire le prix du pétrole pour les Honduriens », comme l’a écrit le National Catholic Reporter.
La dernière fois qu’il y a eu un vote au Congrès américain pour stopper le financement de la School of the Americas — en 2007 — sept voix ont manqué pour fermer l’école. Mais lors des élections législatives de 2008, une trentaine de ses supporters ont perdu leurs sièges.
Ainsi, si le président Obama est vraiment sérieux au sujet de son auto-proclamé « nouveau départ » en politique étrangère, rien ne l’empêche du point de vue électoral de fermer immédiatement la School of the Americas. Mais jusqu’ici la Maison-Blanche est muette sur ce sujet.
Même si Barack Obama a déclaré que le renversement du président Zelaya n’était « pas légal », il l’a fait dans des termes bien moins forts que l’Organisation des États Américains, qui représente les 34 pays indépendants de l’hémisphère.
Qui plus est, sa secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, a refusé de le qualifier de « coup d’Etat » ce qui entraînerait automatiquement l’arrêt de toute aide économique et militaire au nouveau régime illégal du Honduras, selon la loi américaine qui régit l’aide aux pays étrangers. Le fait que Zelaya se soit laissé photographier souriant bras-dessus bras-dessous avec Hugo Chavez du Venezuela et Raul Castro de Cuba au sommet des gouvernements de gauche de l’Amérique latine en est sans doute pour quelque chose…
A peine installés au pouvoir au Honduras, les militaires qui ont fait le coup d’Etat du 28 juin pour défendre l’oligarchie du pays ont montré leur caractère fascisant. Dès le 1er juillet, la liberté garantie par la Constitution hondurienne a été suspendue. Les citoyens n’ont désormais plus le droit de se rassembler ou se réunir quel que soit le motif et la soldatesque peut désormais investir quand elle le veut la maison de tous les citoyens. La télévision est sévèrement censurée et seuls les supporters du coup d’Etat sont autorisés à l’antenne. Des arrestations de masse ont eu lieu en province pour empêcher les pauvres et les syndicalistes qui soutiennent le président déchu Zelaya de rejoindre la capitale de Tegucigalpa et participer à des manifestations contre le coup d’Etat. La campagne populaire en faveur du retour de Zelaya au pouvoir, qui a mobilisé des dizaines de milliers de citoyens dans la rue, est accueillie par des balles et du gaz lacrymogène tiré par des armes « made in U.S.A. », avec un nombre inconnu de morts.
C’est que l’oligarchie hondurienne a peur des mouvements et institutions populaires qui ont vu le jour ces derniers décennies : trois confédérations syndicales, un puissant mouvement indigène, des organisations des droits de l’homme comme le Comité des parents des détenus disparus, des radios communautaires, des associations environnementales, etc. La menace que représente cette agitation de la base populaire pour l’oligarchie est détaillée dans un excellent article pour le magazine de gauche Monthly Review du 4 juillet.
Selon le New York Times l’administration d’Obama est en train de chercher un « compromis » avec le nouveau régime installé par les militaires. Obama s’est notamment abstenu de demander le retour immédiat du président Zelaya, démocratiquement élu, au pouvoir, préférant un appel évasif pour « un retour a l’ordre constitutionnel. » Selon des sources au Département d’Etat, cela signifie temporiser jusqu’aux élections prévues pour novembre prochain, sans exiger le retour immédiat de Zelaya au pouvoir. Mais la question que l’on doit poser à Obama est la suivante : peut-on vraiment se « compromettre » avec le fascisme sans perdre son âme et l’essentiel de la démocratie ? D.I.
A lire ou relire sur Bakchich.info
Merci pour ces information, on voit qu’il y a un véritable travail de recherche, bravo !
Cependant, il ne faut pas se méprendre, la destitution de Zelaya relevait de la décision de justice et pas du coup d’Etat comme le démontre cette analyse ;
http://www.unmondelibre.org/Hidalgo_Honduras_coup
Le gros problème étant bien que la Constitution hondurienne dit clairement dans son article 239 : "Un citoyen ayant exercé un mandat du pouvoir exécutif ne pourra se présenter comme Président ou Vice-président de la République. Celui qui casse cette disposition ou propose sa réforme, ainsi que ceux qui le soutiennent directement ou indirectement, cesseront immédiatement l’exercice de leurs charges respectives et seront déclarés inéligibles durant dix ans pour l’exercice de toute fonction publique" source
Donc la destitution semble être automatique, mais elle ne justifie absolument pas le fait d’enlever le destitué en pleine nuit, de le mettre de force dans un avion pour le sortir du pays et de mettre en place un "gouvernement de fait" sans aucune consultation populaire. Ces actions sont parfaitement scélérates.
De plus depuis cet exil forcé le pays subit de multiples coups antidémocratiques : musèlement de la presse mise aux ordres, arrestations arbitraires, coups de feu sur la foule, suspension de plusieurs droits fondamentaux garantis par la Constitution (libertés individuelles, droit d’association, droit de manifestation, liberté de la presse, inviolabilité du domicile, nécessité de justifier une arrestation, …)
Si tout ceci ne ressemble pas à des manières de putschistes, je ne sais pas comment on peut les appeler.
De plus M. Micheletti tente de jouer sur la corde patriotique en déclarant que des troupes nicaraguayennes se regroupent aux frontières, alors que ça n’est pas le cas, questionné il d’ailleurs bafouillé que ce serait des "éléments locaux", comme si le Nicaragua ne savait pas tenir ses troupes.
Plus encore M. Micheletti ne voulait absolument pas entendre parler de la mise en place d’un jeu diplomatique avec d’autres pays pour tenter de régler la situation (il sembleraot qu’il soit revenu depuis sur ces déclarations).
Donc peut-être bien qu’au regard de la Constitution M. Zelaya est fautif. Mais le "gouvernement de fait" en place actuellement le sont encore plus face à la Constitution, mais également face à la population.
il me semble que l’ex-président n’a pas voulu directement modifier la constitution, mais a demandé un référendum pour avoir l’accord du peuple, ce qui est un peu différent…
et on ne me fera pas croire que le coup d’état était spontané, une simple réaction…
Information, désinformation… La presse atlantique à bien du mal à ne pas refléter la politique qui la soutient…
Contrairement à ce que suggèrent les médias atlantistes, Zelaya est centriste, pas "de droite"… Son programme électoral était pour le renforcement du service public, l’éducation gratuite…
Par ailleurs, il n’a pas souhaité mettre en place un référendum populaire sur la modification de la constitution (ce qui à mes yeux ne poserait pas de soucis vu que la démocratie directe est plus "juste" que la démocratie représentative…). Il voulait mettre en place un consultation populaire non obligatoire pour l’installation d’une seconde urne lors des élections présidentielles de novembre. Seconde urne pour décider de la réunion d’une assemblée constituante… Zelaya, en fin de mandat, n’aurait jamais profité d’un second mandat
Mais l’idée d’une modification de la constitution lorsque le peuple est effervescence devant des pays voisins aux nouveaux modèles sociaux… L’idée de la multiplication d’états égalitaires tels que le Vénézuela ou la Bolivie… cela nuirait fortement à l’Oligarchie en place et aux intérêts économiques internationaux présents dans le pays…
Lire à ce sujet la longue analyse d’Henri Maler : http://www.acrimed.org/article3178.html