La mort de Michael Jackson aura eu un effet inattendu : révéler le passé trouble des débuts de MTV. D’un club fermé aux ptit’s blancs jusqu’en 1983, le "moonwalker" deviendra la bête noire de la chaîne.
Nous voilà repus. Gavés comme des oies. Au jus chaud de la dernière info sur la mort de Michael Jackson. MTV (Music Télévision), le géant américain du clip télé, diffusé dans plus de 140 pays, lui, a sorti les grosses marmites. Plus de « 280h non stop » pour rassasier la planète sur le roi de la pop. Et étouffer quelques vieilles casseroles un peu grinçantes. Comme celle de l’interdiction de diffusion d’artistes noirs, pendant les premières années de la chaîne. Avant l’arrivée du génie défroqué aujourd’hui décédé.
On comprend aisément que l’empire MTV, sorti de terre en 1981, verse quelques larmes de crocodiles. Et fasse d’interminables ablutions sur nos écrans en documentaires, clips, témoignages de la star mondiale pour se laver d’un passé qui ne passe pas. Et jeter le bébé (noir) avec l’eau du bain.
A la création de la chaîne, au début des années 80, l’Amérique blanche n’avait pas pansé toutes ses plaies. Elle venait d’élire en 1980 un président conservateur, Ronald Reagan. Sortait à peine de la guerre du Vietnam (1975) et du conflit avec les Afro-Américains pour l’égalité des droits civiques. C’est dire si la diffusion d’artistes noirs ne remplissait pas les grilles du petit écran. La mondialisation par l’image préférait hisser d’autres héros, au teint clair, au pinacle de la nouvelle chaîne : Eurythmics, Van Halen, Bon Jovi, Def Leppard, Kiss et d’autres.
Rick James, chanteur « soul-funk » de la Motown, a été un de ceux à en avoir fait directement les frais. Il s’était vu essuyé un refus pour son clip « Super Freak » au titre qu’il ne rentrait pas dans le format rock dominant et avait accusé MTV de « flagrant racisme ». Avant d’enchaîner « qu’il n’y a pas de noirs dans les programmes sauf Tina Turner (ainsi que Donna Summer), et elle a arrêté d’être noire il y a dix ans. » Ce qui avait suscité l’interrogation de David Bowie lors d’une émission : « Pourquoi n’y a-t-il pas d’artistes noirs sur le réseau ? ». A croire, comme disait l’autre, que quand un noir devient riche, ce n’est plus un noir… mais un riche.
Il aura fallu attendre 1983 pour qu’ « enfin des culs noirs viennent ensemble exploser MTV », selon la prophétie du grand Rick. Le combat n’était pourtant pas gagné. C’est par le fameux label américain CBS Records et la menace du retrait de son catalogue des programmes de la chaîne que Les Garland, co-fondateur de MTV, a revu ses inflexibles positions. Et offrit au spectateur le premier clip de Jackson, « Billy Jean », suivi de « Thriller », dont Garland dit qu’il « venait de voir le meilleur clip que j’ai jamais vu de ma vie ». Suffisant pour faire tomber le mur des conservatismes de la chaîne. De programmer Prince et Whitney Houston dans la foulée. Et faire du hip-hop Rn’B la nouvelle planche à billets.
De l’eau a coulé sous les ponts, tout comme les mannes tirées des stars du rap US, à jet continu. De Run DMC dans les années 80 en passant par Dr Dre, Eminem, Snoop Dogg (dans une moindre mesure IAM et NTM en France) et 50 cent aujourd’hui avec plus de 30 millions d’albums vendus, la rivière Pactole du rap continue son sillage doré.
Preuve en est le succès de MTV Base, chaîne du groupe MTV Network, axée uniquement sur le hip-hop Rn’B. Dont une antenne française a été crée en décembre 2007, employant « 120 à 130 salariés » (Game One et Nickelodeon compris), aux dires de son programmateur musical Raphael Da Silva. « C’est une chaîne qui marche bien chez les jeunes », avec une progression selon les derniers chiffres Médiamétrie de 36% sur les 15-24 ans et 44% sur les 15-34 ans. L’opacité est en revanche totale dès qu’il s’agit de quantifier les mannes brassées.
Quelle ironie de l’histoire. Noir, Michael Jackson avait défié en 1983 les visages pâles de la chaîne. Devenu blanc comme un cul, c’est au tour des rappeurs afro’ de se goinfrer de New-York à L.A. Décidément, il n’aura jamais rien fait comme les autres, jusqu’à mourir la veille de sa dernière tournée.
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je suis très étonné qu’une chaine musicale aussi connu pouvais avoir une politique aussi discriminatoire, si c’est du passé c’est une bonne chose, mais quand même.
Lionel@annonce
"La mort de Michael Jackson aura eu un effet inattendu : révéler le passé trouble des débuts de MTV. D’un club fermé aux ptit’s blancs jusqu’en 1983".
Je vous prie de m’excuser, mais votre phrase suggère très exactement le contraire de la réalité et de vos propos ultérieurs. Car "un club fermé au p’tit blanc" revient à dire que c’est un club ouvert seulement aux noirs.
La sémantique est parfois bien contrariante.