L’acteur interprète le Dr Kevorkian, un médecin militant qui a aidé 130 personnes à se suicider. Son téléfilm relance un sujet de société piégé aux Etats-Unis par les lobbies religieux.
Le débat sur le droit de mourir dignement et le suicide assisté a été relancé aux États-Unis cette semaine, grâce à Al Pacino. L’acteur est devenu une star mondiale grâce au personnage de Michael Corleone dans « Le Parrain », mais aujourd’hui la presse est dithyrambique sur son rôle de « Dr. Death ». C’est ainsi que les médias avaient baptisé le Dr. Jack Kevorkian, militant du suicide assisté et sujet du nouveau téléfilm « You Don’t Know Jack, » mis en scène par le lauréat des Oscars Barry Levinson, et qui a débuté sur la chaîne câblée HBO le week-end dernier.
Grâce à la brillante interprétation par Pacino du personnage de Kevorkian, qui a aidé 130 personnes gravement malades à se suicider avant d’être envoyé en prison, le film est convaincant : le droit de mettre fin à ses jours est un droit de l’homme.
Le suicide assisté par un médecin n’est légal aujourd’hui que dans trois États : Oregon et Washington sur vote du parlement local, et Montana sur décision de justice. Mais chaque année, des projets de loi pour légaliser la pratique sont présentés dans d’autres États. Il y deux ans, la Californie a manqué de peu le vote du suicide assisté, et en mai, le parlement du Massachusetts débattra de la question.
Légaliser le suicide assisté mettra fin à une gigantesque hypocrisie. Selon le Centre de Bioéthique de l’université du Minnesota, sur les 2,4 million de décès qui surviennent chaque année aux USA, 85% (soit 2 millions) sont précédés d’une décision de limiter ou de débrancher les soins qui maintiennent un patient en vie. Mais la raison pour laquelle si peu d’États autorisent le suicide assisté, c’est la puissance des lobbies de la droite religieuse, car les parlementaires sont lâches face à ces croyants enragés.
Le dernier grand débat sur la question a eu lieu en 2005 autour du cas de Terri Schiavo en Floride, une catholique dans un état végétatif total qui avait été maintenue en vie artificiellement pendant 15 ans, et dont le mari voulait mettre fin aux souffrances en débranchant les appareils pour la nourrir.
Quand, après sept ans de procès, une cour de Floride a donné le feu vert au mari pour laisser Madame Schiavo mourir, cela a provoqué un tollé des intégristes et des catholiques, et des manifs dans tout le pays. Une loi spéciale pour maintenir en vie la pauvre légume Schiavo a été votée par la Floride mais annulée par la Cour Suprême. Le Parti républicain s’est saisi du cas et le Congrès (alors à majorité républicaine) a voté une loi destinée à prolonger l’agonie de Terri Schiavo. Le Président George W. Bush s’est même envolé de son ranch du Texas pour parapher le texte à Washington devant les caméras. Finalement, c’est la Cour Suprême qui a donné l’ordre de laisser mourir Schiavo.
Mais tous les sondages de l’époque étaient sans équivoque : une énorme majorité des Américains, 85%, étaient favorables à la mort dans la dignité pour Schiavo et pour eux-mêmes s’ils se trouvaient dans une situation semblable, y compris 63% des catholiques et même 46% des intégristes protestants. Il n’y a pas de raison de penser que ces chiffres ont diminué depuis.
Espérons donc que, grâce au coup de pouce d’Al Pacino, l’opinion publique vaincra le lobby religieux dans le Massachusetts le mois prochain. Car, comme le disait le Dr. Kevorkian, « mourir n’est pas un crime ».
Voir la bande-annonce du film (en anglais) :
OUI à l’aide au suicide, mais NON à l’euthanasie !
Au sujet de la différence entre l’euthanasie et l’aide au suicide, il faut distinguer entre les arguments juridiques, éthiques et religieux. On ne peut pas simplement affirmer sans nuance qu’il n’existe pas de différence entre les deux : dans un cas c’est le patient lui-même qui s’enlève la vie (aide au suicide) alors que dans l’autre c’est le médecin qui la retire. Il faut d’abord préciser sur quel terrain (juridique, éthique ou religieux) on tire notre argumentation. Si l’on se situe sur le terrain de l’éthique, on peut raisonnablement soutenir qu’il n’existe pas de différence. Cependant, si l’on se situe sur le terrain juridique, il existe toute une différence entre l’euthanasie (qualifié de meurtre au premier degré dont la peine minimale est l’emprisonnement à perpétuité) et l’aide au suicide (qui ne constitue pas un meurtre, ni un homicide et dont la peine maximale est de 14 ans d’emprisonnement). Dans le cas de l’aide au suicide, la cause de la mort est le suicide du patient et l’aide au suicide constitue d’une certaine manière une forme de complicité. Mais comme la tentative de suicide a été décriminalisée au Canada en 1972, cette complicité ne fait aucun sens, car il ne peut exister qu’une complicité que s’il existe une infraction principale. Or le suicide (ou tentative de suicide) n’est plus une infraction depuis 1972. Donc il ne peut logiquement y avoir de complicité au suicide. Cette infraction de l’aide au suicide est donc un non-sens.
En revanche, l’euthanasie volontaire est présentement considérée comme un meurtre au premier degré. Le médecin tue son patient (à sa demande) par compassion afin de soulager ses douleurs et souffrances. Il y a ici une transgression à l’un des principes éthiques et juridiques des plus fondamentaux à savoir l’interdiction de tuer ou de porter atteinte à la vie d’autrui. Nos sociétés démocratiques reposent sur le principe que nul ne peut retirer la vie à autrui. Le contrat social « a pour fin la conservation des contractants » et la protection de la vie a toujours fondé le tissu social. On a d’ailleurs aboli la peine de mort en 1976 ! Si l’euthanasie volontaire (à la demande du patient souffrant) peut, dans certaines circonstances, se justifier éthiquement, on ne peut, par raccourcit de l’esprit, conclure que l’euthanasie doit être légalisée ou décriminalisée. La légalisation ou la décriminalisation d’un acte exige la prise en compte des conséquences sociales que cette légalisation ou cette décriminalisation peut engendrer. Les indéniables risques d’abus (surtout pour les personnes faibles et vulnérables qui ne sont pas en mesure d’exprimer leur volonté) et les risques d’érosion de l’ethos social par la reconnaissance de cette pratique sont des facteurs qui doivent être pris en compte. Les risques de pente glissante de l’euthanasie volontaire (à la demande du patient apte) à l’euthanasie non volontaire (sans le consentement du patient inapte) ou involontaire (sans égard ou à l’encontre du consentement du patient apte) sont bien réels comme le confirme la Commission de réforme du droit au Canada qui affirme :
« Il existe, tout d’abord, un danger réel que la procédure mise au point pour permettre de tuer ceux qui se sentent un fardeau pour eux-mêmes, ne soit détournée progressivement de son but premier, et ne serve aussi éventuellement à éliminer ceux qui sont un fardeau pour les autres ou pour la société. C’est là l’argument dit du doigt dans l’engrenage qui, pour être connu, n’en est pas moins réel. Il existe aussi le danger que, dans bien des cas, le consentement à l’euthanasie ne soit pas vraiment un acte parfaitement libre et volontaire »
Eric Folot
"sur les 2,4 million de décès qui surviennent chaque année aux USA, 85% (soit 2 millions) sont précédés d’une décision de limiter ou de débrancher les soins qui maintiennent un patient en vie"
Il s’agit là de cessation de traitement, pratique parfaitement légale et droit reconnu du patient aux USA comme en France. Sur un sujet aussi important que celui-ci un peu de rigueur aiderait. 85% des gens sont "pour" l’euthanasie parce que, grâce à ce genre d’article, ils y assimilent la cessation de traitement et/ou le double effet. Euthanasie = injection d’une solution létale à un patient en ayant fait la demande répétée en accord avec la famille et l’équipe médicale. Le dit patient ayant une espérance de vie de plusieurs jours, semaines, mois voir années. On ne le laisse pas mourir naturellement (cessation de traitement) en le soulageant de sa douleur quitte à ce que cela provoque son décès (double effet), on met fin à ses jours à sa demande ou on l’aide à mettre fin à ces jours (suicide assisté)
Bien à vous,
Julien
merci de cette définition cessation de traitement = laisser mourir… l’agonie peut durer plusieurs mois, avec souffrances… surtout qu’on s’acharne à nourrir la personne, même si elle ne le veut pas… double effet = laisser mourir mais avec des sédatifs pour mettre dans le coma (on suppose que la personne dans le coma ne souffre pas… contredit par de nombreuses personnes qui se sont réveillés d’un coma…), la mort suivant le coma c’est de la pure hypocrisie, on sait bien que ces doses de sédatifs provoquent la mort, mais mort lente…qui rassure qui ? les autres en général, pas celui qui est en train de mourir… euthanasie (ou aide au suicide si la personne peut agir elle-même)= bonne mort = mort provoquée, douce et rapide
la demande de légalisation de l’euthanasie est en même temps une demande de contrôle et d’encadrement du droit à l’aide à mourir : pas question de "tuer", pas question d’euthanasier celui qui ne le souhaite pas, mais d’aider au passage vers la mort, annoncée, dans un temps plus ou moins long, suite à accident, maladie ou vieillesse, avec des souffrances qu’on ne peut guérir, celui qui réclame la mort comme la seule délivrance possible d’une vie qui lui parait devenir ou être déjà indigne d’être vécue, sentiment très personnel
beaucoup de gens sont favorables à cette mort, qui ne contrarie que des dogmes religieux en passe de désuétude
on ne supporte plus la souffrance de l’agonie, d’une fin de vie comme légume, comme dément, tout simplement d’une vie qui se réduit à la peau de chagrin, quand on peut l’éviter, et c’est normal ? qui s’y oppose ? des dogmes religieux, qui voudraient bien reprendre leur pouvoir passé.. pas des hommes et des femmes sensibles aux malheurs des autres, et qui veulent contribuer à diminuer ces souffrances