Barack Obama doit faire face à une fronde de sénateurs démocrates qui se rebellent contre sa politique à Cuba et en Afghanistan. Ambiance…
En dépit de sa popularité record (deux tiers des Américains l’« approuvent » selon les sondages), Barack Obama est confronté à de nombreuses rébellions de membres de son propre parti au sein du Congrès.
Le refus du président de lever l’embargo contre Cuba malgré sa promesse d’un « nouveau départ » dans les relations entre Washington et l’île des frères Castro, a déclenché une fronde le 3 mai dernier. À sa tête, le sénateur Max Baucus, un démocrate de l’Idaho qui préside la Commission des Finances du Sénat. Ce dernier a annoncé qu’il présentera un projet de loi pour légaliser et encourager les exportations agricoles vers Cuba et dispose du soutien de bon nombre de sénateurs.
Cette rébellion n’est pas emmenée par la gauche du parti démocrate mais par des sénateurs qui représentent les États agricoles de l’Amérique profonde. Et ces Solons démocrates sont majoritairement classés parmi les plus conservateurs de leur parti à l’instar de Baucus, chouchou du lobby bancaire.
Ce groupe de dissidents compte également dans ses rangs les sénateurs Mark Pryor et Blanche Lincoln de l’Arkansas, le sénateur Byron Dorgan du Dakota du Nord, le sénateur Jeff Bingaman du Nouveau-Mexique ou encore le sénateur Maria Cantwell de l’Etat de Washington (mais avec le soutien des progressistes comme les sénateurs Tom Harkin de l’Iowa et Ron Wyden de l’Oregon).
La volonté de normaliser le commerce avec Cuba ne relève pas d’une fronde idéologique mais économique car ces sénateurs représentent les fermiers et propriétaires de ranchs qui, en ces temps de crise, ont bien besoin de vendre des vivres a l’île affamée et géographiquement si proche des États-Unis (152 kilomètres à peine séparent les deux pays).
Déjà en 2000, le Congrès avait légalisé la vente de certains produits agricoles à Cuba mais, selon le lobby fermier, le secrétaire au Trésor avait entravé puis torpillé ces ventes à coups de tracasseries bureaucratiques. Du coup, le nouveau projet de loi des sénateurs rebelles interdira au Trésor de bloquer des paiements venant de Cuba et donnera, en plus, l’ordre au secrétaire à l’Agriculture de promouvoir les ventes agricoles au régime des frères Castro.
Bien sûr, ce projet suscitera une féroce levée de boucliers au Sénat menée par un puissant sénateur d’origine cubaine, Robert Menendez du New Jersey, un État à forte concentration d’électeurs américano-cubains. Menendez, qui préside le comité de campagne des sénateurs démocrates finançant leurs réélections, est crédité du fait d’avoir persuadé Obama de ne pas permettre des visites culturelles, humanitaires, ou universitaires organisées par des Américains à Cuba lorsque le président avait annoncé son « nouveau départ ».
Menendez sera rejoint dans son refus de tout affaiblissement de l’embargo par les deux sénateurs de Floride, le démocrate conservateur Bill Nelson et le républicain Mel Martinez, lui aussi d’origine cubaine. Mais aussi par la Maison Blanche, car le tsar économique d’Obama, Larry Summers, a déjà annoncé avec fermeté que lever l’embargo « n’est point pour demain ». La bataille s’annonce rude…
Dans le même temps, la fronde contre la politique d’Obama en Afghanistan est en train de s’élargir. Le 28 avril, le Congressional Progressive Caucus, le bloc parlementaire progressiste qui compte 77 membres parmi les 435 de la Chambre des Représentants, avait rendez-vous avec Obama à la Maison Blanche, où ils ont fait part de leur profonde inquiétude au sujet du dossier afghan.
Ils ont par exemple fait remarquer au président que le plan de contre insurrection du Pentagone propose que 80% de l’argent américain consacré à l’Afghanistan soit attribué à la recherche de solutions politiques et non militaires dans le pays mais que, dans le budget supplémentaire de 83 milliards de dollars qu’Obama a demandé pour Afghanistan, 76 milliards aillent aux militaires et seulement 7 milliards à la reconstruction du pays.
Comme l’a souligné le co-président du Congressional Progressive Caucus, Raul Grijalva de l’Arizona, « Nous sommes en train de commettre les mêmes erreurs que dans le passé, avec tout pour la militarisation mais rien pour la réforme institutionnelle, le développement économique, la santé publique et d’autres choses essentielles à une société civile saine » en Afghanistan. La contradiction entre les paroles d’Obama et ses actes est ainsi très claire.
La semaine dernière, ces progressistes ont pu compter sur un allié de taille : David Obey, membre démocrate de tendance centriste à la Chambre de Représentants depuis 1969 et puissant président de la commission en charge du budget fédéral. Obey a dit « fortement douter » des chances de réussite du plan Obama pour l’Afghanistan et le Pakistan qu’il a plusieurs fois assimilé au plan du président Richard Nixon pour le Vietnam en 1969 !
Obey va proposer un amendement au budget d’Obama pour la guerre en Afghanistan et au Pakistan. Il y exigera que l’administration fournisse un rapport détaillé au Congrès dans un an, rapport qui conditionnera le déblocage de nouveaux fonds si l’on observe des progrès dans les domaines suivants : la naissance d’un consensus politique sur place, l’obtention de résultats dans la lutte contre la corruption et dans la coopération avec les agences de renseignements américaines en matière de sécurité des frontières et de contre insurrection. Obey est même allé plus loin en déclarant : « Je ne regarderai pas ces critères comme si je suis président du Club des optimistes [1] ! » Autrement dit, Obey surveillera de près les annonces de l’administration Obama faisant état de progrès réalisés en Afghanistan. Voila le président prévenu…
Les démocrates de la Chambre de Représentants savent qu’ils ont reconquis la Chambre en grande partie grâce au dégoût des électeurs pour la guerre en Irak. Et se méfient comme de la peste d’engager leur avenir électoral sur une nouvelle et longue guerre en Afghanistan et au Pakistan. Surtout pas de nouveau Vietnam !
Sur place, Barack Obama est en train d’envoyer 20 000 « boys » supplémentaires qui s’ajoutent aux 30 000 déjà installés en Afghanistan. La présence de ces militaires américains est perçue par les musulmans intégristes comme une provocation et ne fera qu’engendrer de la violence. De plus, avec chaque nouvelle « bavure » américaine où des civils périssent et à chaque avancée des talibans, l’opposition au plan d’Obama dans les rangs démocrates ne fait que croître, promettant de belles guerres intestines…
À lire et à relire sur Bakchich.info :
[1] Le club des optimistes est un club privé qui réunit des hommes d’affaires.