Total n’a pas d’influence sur la junte birmane. C’est en tout cas ce que claironnent son PDG Christophe de Margerie, notre président de la République et la spécialiste d’Amnesty International, Mireille Boisson.
Le tollé général provoqué par la condamnation de la Prix Nobel birmane Aung San Suu Kyi a fait resurgir une composante essentielle de la diplomatie française en Asie et en Europe : la présence de Total (compagnie privée, dont aucune action n’est détenue par l’Etat) en Birmanie, perfusion financière de la junte, est sacrée, et ne doit à aucun prix être discutée, encore moins remise en cause.
Dès l’annonce du verdict, au matin du 11 août, du Cap Nègre où il se repose en famille, le président Sarkozy réclame un renforcement des sanctions européennes contre les généraux birmans en s’en prenant exclusivement à leurs exportations de bois et de rubis. Dans sa précipitation, le président avait oublié que ces mesures sont en vigueur depuis déjà 18 mois et n’ont guère d’effet, car sont l’objet d’une contrebande effrénée. Il s’agissait en urgence de couper l’herbe sous le pied de dirigeants européens qui risquaient d’appeler à des sanctions contre les exportations d’hydrocarbures, c’est-à-dire commettre le sacrilège de toucher au gaz exploité par Total.
Sur France Inter, l’invitée du journal de 13 h, Mireille Boisson, chargée de la Birmanie à Amnesty International, s’efforce de convaincre les auditeurs de l’inefficacité des sanctions. Toutefois le journaliste lui demande si Total ne verse pas de substantielles royalties au régime birman. Sans nier cette évidence, Mme Boisson affirme : « la compagnie Total n’a pas d’influence sur la junte. Pourquoi ? Parce que les dirigeants de Total me l’ont dit et que je n’ai aucune raison de mettre leur parole en doute »…
Ce postulat a toutefois été, pour la première fois, timidement discuté par le Parti socialiste, dans un communiqué daté du 12 août : « avec la société Total fortement présente en Birmanie, la France dispose d’un moyen de pression important et le PS demande au gouvernement qu’il soit utilisé ». Il va sans dire que cette demande n’a été suivie d’aucun effet, tout comme est demeurée sans réponse la question écrite qu’avait posé le 19 juin au ministre des Affaires étrangères la sénatrice UMP Joëlle Garriaud-Maylam sur la mise en place d’un compte séquestre sur les revenus du gaz que Total verse à la junte birmane.
Mme Garriaud-Maylam demandait « s’il ne serait pas possible d’envisager une mise sous séquestre de ces revenus, comme l’autorise la Charte des Nations Unies dans son chapitre VII, afin de l’allouer à des programmes humanitaires ». La mise en place d’un tel dispositif, poursuivait l’élue UMP, « permettrait, sans menacer les intérêts français ni priver le pays de ses revenus, d’aider efficacement la population birmane et de réduire les agissements néfastes de cette junte birmane « éminemment condamnable », selon les termes utilisés par le Président de la République ».
La sénatrice ajoutait que « la France, dans la droite ligne de sa tradition de défense des droits de l’Homme, s’honorerait de porter une telle proposition devant le Conseil de sécurité de l’Organisation des nations unies ».
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