L’Argentine de Diego Maradona a fait carton plein dans son groupe à la Coupe du monde de football et a battu le Mexique en huitièmes 3-1 dimanche soir. Portrait d’un insubmersible.
Enfant des bidonvilles de Buenos Aires, Diégo Maradona n’a jamais renié son camp ni sa classe. Fait rare dans le sport où l’argent et l’égoïsme sont désormais des valeurs cardinales. C’est en cela qu’il est rare, et c’est la raison de son inoxydable popularité.
Kusturica en fit une icône révolutionnaire. Dans les faubourgs de Naples où personne ne l’a oublié (1984-1991), des milliers de statuettes de lui trônent dans les niches au dessus des portes où l’ont place habituellement des saints. Comme eux, il a prouvé son éternité en survivant à une overdose qu’un éléphant n’aurait pas supportée.
Car il a sa part d’ombre. Drogues, dopage, dérives people, liens avec la mafia… En réalité surtout victime de sa propension à l’excès et à une certaine mégalomanie.
Il suffit de saisir le regard de ses joueurs quand il leur parle sur le bord du terrain pour comprendre sa dimension. L’amour qu’on y voit, il leur rend au centuple en hurlant pour tout un peuple à chaque but marqué.
Mais il n’est pas qu’un génie du foot. Il n’a de cesse de dénoncer l’embargo imposé au peuple cubain, confiera à Kusturica dans le film documentaire qu’il réalisa sur lui sa révolte contre les bombardements de l’OTAN en Serbie en 1999 et contre la guerre en Irak, confesse son admiration pour le Che et participe à de grands meetings aux côtés des présidents Chavez et Morales. Anti-impérialiste, il combat contre la ZLEA (zone de libre échange des Amériques) que veulent imposer les États-Unis.
Et restera l’auteur des deux buts contre l’Angleterre lors du quart de finale de la coupe du monde 1986 qui furent vécus dans le sous-continent comme une revanche des peuples opprimés contre l’occident.
L’Argentine qu’il aime est un pays de lutte et de résistance. Ruinée et mise à genoux par le FMI en 2001-2002 et profondément meurtrie par la féroce dictature du général Videla en 1976- 82, l’Argentine a soif de revanche.
Même symbolique, un homme peut leur donner, et longtemps encore les stades argentins résonneront de slogans révolutionnaires « El pueblo unido jamas sera vencido » (Le peuple uni ne sera jamais vaincu).
Maradona est effectivement un personnage intéressant. Une légende même pour tous les passionnés de foot. Un symbole pour les argentins.
Reste que le mythe a, comme vous le soulignez des zones d’ombre. Peut-on diviser l’homme ? Étrangement, cela rejoint votre précédent article sur le général Bigeard. Vous étiez plus sarcastique avec un personnage pourtant tout autant emblématique malgré des zones d’ombre (par ailleurs discutables).
Il me semble que ce qu’il faut regarder chez un être charismatique est où l’emmène son charisme. Maradona n’a pas seulement eu des liens avec la mafia napolitaine et des problèmes de cocaïne (ce qui est lié). Il a également triché comme Thierry Henri. La main de Dieu, dise les argentins. Sauf que Dieu, celui des chrétiens et donc des argentins, a préféré mourir plutôt que se compromettre.
Maradona est un leader mais sa référence reste le Che. Un être beau, bourgeois, rebelle. Un être qui fait rêver les adolescentes mais qui fut sanguinaire et ne mena nulle part ailleurs qu’à une haine remplaçant une haine.
La question que pose en filigrane cet article est donc où mène le charisme ? Un peuple est facilement tiré par quelqu’un qui leur fait penser qu’ils sont forts. Qui leur donne de l’importance, une dignité, un leadership. D’où l’enjeu de savoir reconnaitre un leader positif.
Malgré toutes ses qualités, je ne suis pas certain que Maradona le soit. Que sa vision politique me semble légère est une chose. Mais surtout, il n’est pas en paix avec lui même. Or, comme le dit Saint Séraphim de Sarov qui est ma lecture du moment : "acquiers la paix intérieure et, autour de toi, des milliers d’âmes seront sauvées."
Si le football était une religion, Diego serait au moins son prophète. Pour moi, il reste le plus beau souvenir de foot de mes 14 ans, quand tout seul comme un grand il élimine, l’Angleterre (peut être la meilleure équipe anglaise que j’ai vu jouer) et la Belgique (là pour le coup je suis sûr que c’était la meilleure Belgique).
Rien que pour cela : l’Agentine doit gagner cette année.
Rabah AIT MOUHOUB