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Occident et terrorisme, un couple d’enfer

Confrontation / mardi 2 novembre 2010 par Alain Chouet, Martin Gale
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Évolution du profil des kamikazes, techniques adaptées, déplacement des terrains d’affrontement : le terrorisme nouveau est arrivé. Indirectement aidé par l’Occident qui continue de soutenir des régimes corrompus.

Il faut rendre hommage à l’obstination de Saddam Hussein. Il a prouvé à deux reprises qu’il était idiot de vouloir défier l’Occident en rase campagne, avec ses propres armes et selon ses propres règles. C’est sans doute pourquoi on l’a pendu avec une corde trop longue. Que n’a-t-il, comme nombre de ses petits camarades de la région, utilisé ou sponsorisé le terrorisme international et la violence intégriste comme une arme ordinaire de ses relations internationales ? On irait aujourd’hui le prier gentiment de bien vouloir revenir dans le concert des nations et il pourrait même y mettre un prix. L’exemple ne pouvait manquer d’être médité par tous ceux qui, à tort ou à raison, pensent que l’Occident ou les régimes qu’il soutient sont à l’origine de leurs maux.

Les talibans, qui s’étaient dispersés sans presque combattre lors de l’offensive alliée en Afghanistan, sont revenus sur la scène par le biais d’assassinats politiques, de tirs de mortier à l’aveugle et d’attentats à la voiture piégée. Et l’idée fait son chemin qu’il faudra bien les convoquer à la table des négociations.

En Irak, les clivages confessionnels imprudemment restaurés par l’administration militaire américaine, après trente années de « laïcisme » baassiste, ont incité les différentes factions à marquer leur territoire par une violence terroriste et une capacité de nuisance qu’ils négocieront quand le départ des troupes d’occupation laissera face à face les appétits et les peurs des différents voisins du pays.

Et, des Philippines jusqu’au Maroc, les situations de déni de droit, les conflits irrésolus, les régimes d’oppression, tous générateurs de violence politique, foisonnent et se multiplient. Au Pakistan, où s’affrontent Nord et Sud, sunnites et chiites, activistes anti-indiens et partisans d’une coexistence négociée. Au Yémen, où l’Arabie souffle le chaud et le froid sur les rivalités régionales et les conflits confessionnels entre sunnites et zaydites. En Somalie, devenue une vaste zone de non droit livrée à la piraterie. Au Nigeria, où la rente pétrolière attise les conflits entre musulmans du nord et chrétiens du sud. Au Sahel, où les circuits du grand banditisme se parent du drapeau de l’islam pour rançonner les Occidentaux. En Algérie et en Égypte, où les successions de pouvoir sont ouvertes et ne pourront se résoudre que dans la manoeuvre et la violence, tant les situations y sont bloquées. En Palestine, bien sûr, où chaque partie au conflit affiche ostensiblement son incapacité à négocier…

La France – même s’il est de bon ton d’y cultiver un brin de paranoïa pour s’aligner sur l’Amérique – paraît pour l’instant à l’abri. Elle le doit sans doute à un certain nombre de choix politiques oscillant entre une courageuse clairvoyance et la lâcheté du business as usual de ses décideurs, qui se sont tenus à l’écart de conflits potentiellement problématiques.

Elle le doit, comme tous les autres pays occidentaux, au fait que, l’aura d’Al-Qaida déclinant à l’aune de ses opérations ratées, la violence islamiste s’est – au moins provisoirement – recentrée sur ses ennemis proches, ses régimes honnis. Elle le doit aussi – et on a trop tendance à l’oublier puisqu’il ne se passe rien – à l’action de ses services de renseignement et de sécurité, DCRI à l’intérieur et DGSE à l’extérieur, qui ont su développer les réseaux d’expertise et installer les sonnettes d’alarme destinées à prévenir la violence. Elle le doit enfin, et peut-être surtout, à la retenue et à l’ancrage national de sa communauté musulmane. Sur les cinq millions de musulmans résidant en France, quelques dizaines sont passées à la violence terroriste, quelques centaines à l’affichage d’un fondamentalisme provocateur, quelques milliers à la violence sociale. Ce sont évidemment ceux-là que l’on pointe du doigt. Mais c’est aux 4 950 000 autres que la France doit de connaître une certaine accalmie.

La violence politique et le terrorisme international sont comme le nuage de Tchernobyl. Ils ne s’arrêtent pas aux frontières. Les conflits évoqués plus haut ne seront pas résolus demain. L’Occident, États-Unis en tête, continue de soutenir ou de tolérer les régimes les plus corrompus, les plus réactionnaires et les plus fondamentalistes du monde arabe et musulman en fonction de critères incompréhensibles pour les peuples concernés. On lutte contre le djihadisme, mais on protège le premier État ouvertement intégriste du monde, l’Arabie Saoudite. On pend Saddam Hussein, mais on laisse tranquille l’islamiste président du Soudan Omar Bashir, pourtant poursuivi pour crimes contre l’humanité. On occupe l’Afghanistan pendant dix ans pour le débarrasser des talibans, avant de négocier leur retour au pouvoir…

La France n’est pas totalement étrangère à ces errements, surtout quand elle est bien obligée de s’aligner sur la politique étrangère américaine, relayée par un certain nombre de ses partenaires européens. Il ne faut pas croire qu’il ne viendra jamais à l’idée de quelques-uns, État constitué, réseau bien organisé ou bande d’excités spontanés, de nous en faire payer le prix. Et, exemple de Saddam oblige, ce prix sera celui de la violence terroriste. ✹ Alain Chouet (Ancien chef de service de renseignement de sécurité de la DGSE)

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Dessin de Khalid

Les nouveaux habits du Djihad

Il est blond aux yeux clairs, vit à Neuilly, a fait de prestigieuses études financées par sa famille, possède déjà un patrimoine et a un bel avenir devant lui, aux côtés de sa femme et même de ses enfants. C’est le portrait-robot d’un terroriste de demain, étape logique dans l’adaptation des réseaux radicaux à l’ennemi contre lequel ils luttent. Le prochain casse-tête des services de renseignement. En djihadisme, les techniques d’attentats vont de pair avec les profils de leurs auteurs : faire diversion en est la première règle. Mieux connaître son ennemi que l’ennemi ne se connaît lui-même, la deuxième.

Un bon djihadiste échappe aux critères de surveillance, il est capable de programmer différents scénarios de ceux enfermés dans les profils types et autres clichés. Demain, s’il est originaire de pays arabes ou musulmans, il sera élevé socialement, sinon de classe moyenne, jamais au chômage, pas ostensiblement pratiquant. Issu de pays africains, il devra apparaître chrétien et sera plutôt une femme. La règle : toujours arborer une absolue normalité. En revanche, si un « suspect » porte une barbe fournie, va dans les manifestations contre l’interdiction du port de la burqa, en prenant son RER de banlieue sans payer son ticket et en criant « Allah Akbar », alors il s’agira d’un leurre.

Les kamikazes des attentats du métro londonien en juillet 2005 – des citoyens britanniques d’origine pakistanaise terriblement banals – avaient si bien assimilé cette nouvelle norme, que les services britanniques ne les avaient pas vus venir. De même, le passager Omar Farouk Abdoulmoutallab, le type au slip explosif du vol Amsterdam-Detroit en décembre dernier, n’était pas issu d’un pays signalé comme « source de terrorisme », de ceux qui marquent le porteur de son passeport au fer rouge. C’était avant que les États-Unis ne décident d’ajouter le Nigeria sur leur liste noire.

Autre exemple, dans les esprits éclairés des services occidentaux, une femme est potentiellement une mère, elle ne peut commettre un attentat kamikaze. C’est donc sans suspicion que Muriel Delgauque, Belge convertie à l’islam, est allée se faire exploser en Irak le 9 novembre 2005. Preuve que la parité existe bien en djihad.

Al-Qaida s’est mise à recruter chez les Américains. Comme Adam Gadahn, alias Azzam Al-Ameriki, né juif, converti au baptisme puis à l’islam, érigé à la fois « traître de la Nation » par la justice fédérale et porte-parole de l’organisation aux côtés de l’idéologue égyptien, Ayman Al-Zawhari. Depuis six ans, cet Américain moyen de 32 ans, ex-étudiant sans histoire, élevé à l’école de la plus grande démocratie du monde, appelle en anglais ses frères à combattre les États-Unis, et traduit les messages d’Oussama Ben Laden. Ou encore Ommar Hammami, alias Abou Mansour Al-Ameriki, né il y a vingt-six ans d’un notable d’origine syrienne et d’une mère américaine, installés en Alabama. Aujourd’hui, il combat aux côtés des Shebab somaliens, un mouvement radical pro-Al-Qaida dont il forme les nouveaux membres, Européens compris. Pour les stratèges de l’organisation terroriste, « retourner » un ennemi est devenu une arme de guerre. Du classique ! ✹ M.G.

Clic : des gadgets meurtriers

« Comme les opérations bénies du 11 septembre l’ont montré, un peu d’imagination et un budget minimal peuvent transformer n’importe quoi en une arme efficace et adaptée, capable de prendre l’ennemi par surprise et de le priver de sommeil pour des années… » En transmettant, dans un message, cette recette du succès des réseaux Al-Qaida aux futures recrues, l’un des idéologues de la holding, l’Américain converti Addam Gadahan, alias Azzam Al-Amriki, aurait pu rajouter : « Même sans avoir à l’utiliser ». L’attentat raté : c’est la dernière trouvaille des opérationnels du djihad. Une bombe qui rate son objectif peut créer autant de dommages que si elle avait explosé. Ce qui compte, c’est l’impact psychologique ; l’effet de terreur reste le but du terrorisme. Mieux, toute tentative d’attentat révèle des failles dans les dispositifs sécuritaires de l’ennemi qui sont censés viser le risque zéro.

L’aventure du jeune Nigérian à bord du vol Amsterdam-Detroit, à Noël dernier, est un cas d’école. Les explosifs placés dans ses sousvêtements, acheminés à bord en dépit de multiples contrôles, n’ont pas atteint leur cible. Mais les États-Unis ont réagi comme si l’attentat avait bien eu lieu. Avant le recours à des sous-vêtements explosifs, les « créatifs » de la mouvance avaient déjà réfléchi à une autre surprise stratégique. Décidément très branchés en dessous de la ceinture, ils ont conçu la bombe suppositoire, dont ils ont lesté, en août dernier, un faux repenti saoudien invité dans le palais de l’un des ennemis majeurs d’Al-Qaida, Mohammad bin Nayef, numéro deux du ministère saoudien de l’Intérieur. La bombe intestine a déchiqueté le corps du porteur, mais le Prince s’en est sorti avec quelques égratignures. L’objectif a été atteint : démontrer que le djihadiste en a dans la culotte et qu’il peut défier tous les surveillances du monde.

Une bonne arme, « efficace et adaptée », est celle que les services de sécurité ne peuvent pas prévoir. Le djihadisme s’adapte sans cesse aux dispositifs sécuritaires. Depuis septembre 2001, après chaque nouvelle attaque ou tentative, les États-Unis et leurs alliés modifient leur système de protection, en y intégrant les données du nouveau mode opératoire utilisé en face. D’où l’idée de la chaussure explosive portée par Richard Reid, en décembre 2001, pour contourner les mesures instaurées dans les aéroports trois mois plus tôt, contraignant les passagers à passer les contrôles en chaussettes. En 2006, apparaît la bouteille explosive, qui conduira à l’interdiction des liquides en cabine. Depuis l’affaire du vol Amsterdam-Detroit, les États- Unis, à défaut d’imposer les vols à poil, veulent imposer le scanner corporel, qui arrive aussi en France ✹ M. G.

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Sahel, Yémen… terrains de la terreur

Non seulement le djihad prospère en Afghanistan, en Irak, en Somalie, mais ses grands projets de développement international connaissent une avancée inespérée. Au Sahel par exemple, aux confins du Mali, du Tchad et de l’Algérie, ce no man’s land est désormais considéré comme un « deuxième Afghanistan » par les Occidentaux. Le 23 février dernier, en arrachant Pierre Camatte, retenu depuis trois mois au Mali, des griffes du groupe d’Al- Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), Nicolas Sarkozy a certes sauvé un citoyen peu ordinaire au vu des moyens mis en place pour le libérer : en fait, un « honorable correspondant » de nos services secrets, comme l’avait révélé Bakchich.

En mettant sous pression l’allié malien pour l’obliger à satisfaire aux exigences des ravisseurs, le président français a, de fait, reconnu l’efficacité du dernier grand projet de l’organisation terroriste : investir la bande du Sahel et y créer les conditions d’un nouveau front avec les forces occidentales, puisque celles-ci ont montré qu’elles peuvent capituler.

De plus en plus traqués en Algérie, leur terrain d’origine, les intégristes ont trouvé au Sahel un nouvel avenir : l’opportunité de tirer bénéfice des trafics en tout genre qui fleurissent dans ce désert du monde, d’installer des camps d’entraînement pour les recrues locales et de faire du commerce d’otages européens un vrai business. Prendre des otages force aussi les gouvernements à s’impliquer dans un front sécuritaire régional, à mobiliser des forces. Du pain béni pour Al- Qaida, qui ne cherche qu’à attirer là les États-Unis et la France. Autre nouveau terrain de jeu offert par l’ennemi aux djihadistes : le Yémen. Depuis l’attentat déjoué à bord du vol Amsterdam-Detroit à Noël 2009, le Yémen a été officiellement consacré «  nouveau front contre le terrorisme » par le président Obama, moyens militaires et financiers compris. ça tombe bien, les cellules radicales yéménites y travaillaient depuis au moins trois ans, avec l’aide de frères saoudiens chassés de leur Royaume dans le cadre de la lutte instaurée dans le pays contre les réseaux extrémistes et les rescapés de Guantanamo. Preuve par neuf, le kamikaze raté de Noël avait été formé au Yémen. Morale de l’histoire, depuis, les écoliers du djihad ont vu la démesure de la réaction sécuritaire américaine : exactement le but recherché par leurs guides.

Le reste ? L’Afghanistan, qui n’est pas une paille dans l’affaire, reste une priorité des États-Unis qui comptent diligenter, avec l’appui de leurs alliés, quelque 30 000 hommes de plus. Une politique qui garantit de belles années de boulot à ces réseaux liés aux talibans, dans le pays et au Pakistan voisin. Quant à l’Irak, les forces américaines y entament leur retrait, qui doit s’achever fin 2011. De quoi encourager les djihadistes aspirés par le vide. Avec un ennemi qui vous garantit la durabilité du job, le vrai CDI, Al-Qaida devrait se montrer plutôt serein. Et carrément disponible pour de nouvelles aventures ✹ M.G.

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A lire sur Bakchich.info :

La menace terroriste est de retour ! Al-Qaida ? Mais dans le cas des salariés d’Areva, la rébellion touarègue complique encore un peu plus le tableau.

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8 MESSAGES
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Forum

  • Occident et terrorisme, un couple d’enfer
    le dimanche 21 novembre 2010 à 18:25, licpro a dit :
    Si la lutte la plus efficace contre cette forme de terrorisme relève des services secrets, alors il faut les laisser agir et dans le plus grand secret. Il ne faudra pas jouer les "vierges effarouchées" le jour où on saura qu’ils procèdent à des "éliminations ciblées". Si le déploiement des gros moyens (militaires, politiques…) sert les intérêts terroristes, agissons plus discrètement, mais ne venons pas ensuite crier au scandale. Il faut savoir ce que l’on veut.
  • Occident et terrorisme, un couple d’enfer
    le jeudi 4 novembre 2010 à 11:46, Anach a dit :

    Pourquoi ne pas avoir parlé du pétrole ?

    S’il n’y avait pas de gisements au Yémen, les États-Unis iraient-ils y combattre Al Qaïda ?

  • Occident et terrorisme, un couple d’enfer
    le mercredi 3 novembre 2010 à 22:54, la vérité si jmens a dit :
    la permissivité post coloniale : eh les gars,vous n’y allez pas molo !si on commençait y d’abord à rendre à César ce qui appartient à césar,l’Irak au Irakiens, l’Afghanistan ,aux afghans,la Palestine aux palestiniens, en envoyant aux TPI les criminels de guerre:Bush,Blair et consorts !!!!n’est ce pas le rôle des journalistes, au nom de la déontologie ?mais en existe-t-il encore ???
  • Occident et terrorisme, un couple d’enfer
    le mercredi 3 novembre 2010 à 08:21, zizi fridolin a dit :
    apparamment cette enquete ne plait pas aux lecteurs du figaro qui veulent toujours le beurre et l argent du beurre , hein gilles !!
  • Occident et terrorisme, un couple d’enfer
    le mardi 2 novembre 2010 à 14:40, René Streit a dit :
    Résultat de l’impérialisme Américain : Après la chute du bloc communiste un autre monstre bien plus difficile à maîtriser à émergé !
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