Obama et son vice-président tancent leur base électorale pour son "manque d’enthousiasme". Une manière de charger la gauche pour la défaite annoncée des démocrates en novembre.
Face à la dégringolade dans les sondages des chances du Parti démocrate de battre les républicains aux législatives de novembre, l’attaque ciblée la semaine dernière contre « les progressistes » de la base du Parti démocrate par Barack Obama et son vice-président Joe Biden a consterné des stratèges démocrates en-dehors de la Maison Blanche et provoqué les foudres de bon nombre de commentateurs.
Biden d’abord, en campagne sur le terrain, a ordonné à la base démocrate de "Stop Whining" : (« arrêtez de pleurnicher ! ») Puis, dans une interview au magazine Rolling Stone le lendemain, un Obama en colère a dénoncé le « manque d’enthousiasme » de la base progressiste dans cette campagne, qualifié d’« inexcusable » et d’« irresponsable » ; « la preuve » que « ces gens n’étaient pas sérieux au départ ».
Les attaques coordonnées par Biden et Obama suivent de peu une raillerie du porte-parole de la Maison Blanche, Robert Gibbs, contre les démocrates déçus d’Obama, critiques qui, a-t-il dit avec mépris, émanent de « la gauche professionnelle ».
Mais faire la leçon à l’armée d’activistes progressistes qui ont élu le ticket Obama-Biden ne palliera pas l’éloignement qui plane sur une partie importante de la base démocrate. Bien au contraire, car c’est une règle fondamentale de la politique électorale de ne jamais attaquer sa propre base.
Beaucoup de commentateurs pensent comme le populaire Chris Matthews (démocrate centriste, ex-plume de Jimmy Carter, qui anime un talk-show politique apprécié des démocrates sur la chaîne câblée MSNBC) que ces attaques de la Maison Blanche sont destinées à faire porter à la gauche le chapeau de la défaite annoncée en novembre. Une gauche envers laquelle Obama et ses sbires ont toujours montré un dédain appuyé.
Mais quand Obama proclame dans Rolling Stone qu’il a déjà accompli « 70% » de son programme, les ouvriers au chômage restent indifférents ; les Latinos qui savent qu’Obama les a expulsés davantage que George W. Bush sont dégoûtés ; les gays qui regardent un président timide ne pas lever le petit doigt pour faire voter la loi qui les protégera de la discrimination à l’emploi se sentent toujours menacés ; et les ouvriers crachent de dégoût lorsqu’ils observent que la majorité démocrate au Congres n’a toujours pas voté la législation promise par Obama pour protéger leurs syndicats des attaques du patronat. L’ordre impérieux de « cesser de pleurnicher » ne les amènera pas à voter.
Obama et Biden se sont donc tiré une balle dans le pied au moment où la droite récolte une avalanche d’argent patronal frais, autorisée par la décision du Cour Suprême en janvier qui a, dans son interprétation de la loi de financement des campagnes, défini une grande entreprise comme un individu, et ainsi aboli les limites des dons.
Ainsi, le Washington Post du 5 octobre rapporte « une frénésie de dépenses [par le patronat pour les législatives] faite largement dans l’ombre » par le biais de comités-écran établis pour soutenir les républicains, et qui donne un avantage en dollars à la droite de 7 contre 1 face aux démocrates. Du jamais vu ! C’est là-dessus qu’Obama et compagnie devraient cibler leur attaques ; pas contre la gauche minoritaire et sous-financée.