« Pauvre Mexique : si loin de Dieu, si près des États-Unis ». Ce dicton populaire prend tout son sens quand on connaît les dessous du Plan Mexique, financé par Washington et destiné à lutter contre le narcotrafic. Grâce à lui, des sociétés privées américaines entraînent les militaires mexicains à pratiquer la torture.
La militarisation de la guerre contre la drogue au Mexique menée avec le soutien actif des États-Unis (qui n’hésitent pas à faire pression dans ce sens) a des conséquences néfastes pour le respect des droits de l’homme du peuple mexicain. Et les sinistres effets de cette guerre ont éclaté au grand jour quand, le 1er juillet dernier, des vidéos de la police mexicaine s’entraînant à torturer ont surgi sur Internet et à la télévision mexicaine. Ces documents, qui ont provoqué un scandale national au Mexique, sont apparus dans les médias locaux le jour où le président George W. Bush donnait le coup d’envoi du Plan Mexique. Celui-ci est un programme de 1,5 milliard de dollars d’aides accordées à ce pays pour qu’il renforce la lutte militaire contre les narcotrafiquants.
Aussi connu sous le nom de « Mérida Initiative », ce plan représente une escalade considérable dans la campagne militaire anti-drogue initiée par le président mexicain, Felipe Calderon. Les organisations de défense des droits de l’homme, comme Amnesty International, l’ont vivement critiqué car il arrosera copieusement de dollars une institution militaire mexicaine qui traîne derrière elle une longue histoire de meurtres, de tortures et d’enlèvements. Entre autres exemples récents, on peut citer les cas de dizaines de femmes détenues et violées par des militaires à San Salvador Atenco et, en 2006, ces dizaines d’enseignants « disparus » dans l’État rebelle d’Oaxaca. On déplore en outre dans cette région des détentions en masse de dissidents, la pratique généralisée de la torture et de nombreux meurtres impunis, y compris celui d’un journaliste américain, Brad Will.
Les vidéos en question ont été obtenues début juillet par le quotidien mexicain de la ville où elles ont été tournées : El Heraldo de Leon. Elles montrent des séances d’entraînement à la torture sous l’égide d’employés d’une société privée américaine, Risk Incorporated, dont le siège est basé à Miami, en Floride. Dans l’une de ces vidéos, on voit un officier qui force une subalterne à se rouler dans la boue jusqu’à épuisement puis un conseiller américain qui la traîne dans une flaque de vomi. On entend aussi l’un des apprentis tortionnaires s’exclamer « Cette punition est efficace ! ». Évidemment, cette « punition » est une forme de guerre psychologique destinée à humilier et démoraliser le prisonnier. Une seconde vidéo montre un homme aux yeux bandés dont la tête est enfoncée dans un trou rempli de rats et de matières fécales. L’homme haletant râle qu’il a besoin d’air et on fait alors jaillir de l’eau minérale dans ses narines. Cette technique similaire au « waterboarding », une forme de torture où la victime est presque noyée, est une pratique très commune chez les militaires anti-drogues et la police mexicaine. Dans une autre vidéo récupérée par la chaîne de télévision Televisa, on voit des officiers qui sautent à répétition sur les côtes d’un prisonnier recroquevillé comme un fœtus à l’arrière d’un pick-up. Le chef de la police de la ville de Léon, Carlos Tomero, a affirmé qu’il enquêtait sur cet incident mais que les officiers en question avaient « disparu ». Il va de soi qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé.
Le fait que l’on voit dans ces vidéos des hommes parlant en anglais et donnant des ordres, et qui ont de surcroît été identifiés comme appartenant à un sous-traitant du Pentagone, n’est qu’un aperçu de ce que réserve le Plan Mexique de George W. Bush. En effet, les 1,5 milliard de dollars d’aides américaines se feront sous la forme d’équipements anti-émeutes et d’espionnage, y compris des hélicoptères, mais aussi via le déploiement d’une cinquantaine de sociétés privées travaillant pour le Ministère américain de la Défense. C’est par exemple le cas de Risk Incorporated ou de Blackwater, dont le triste record de meurtres et de cas de tortures en Irak a déjà défrayé la chronique.
Le Plan Mexique est calqué sur le Plan Colombie, concocté en 1999 par le Président Bill Clinton dans la « guerre contre la drogue » et qui a déjà coûté plus de cinq milliards de dollars aux contribuables américains. Ce plan a fait de la Colombie le bénéficiaire numéro un de l’aide militaire américaine en Amérique Latine. Mais le renforcement de l’armée colombienne sous le président Alvaro Uribe pour "la lutte anti-drogue" n’a fait qu’intensifier la répression avec des violences commises sur des ouvriers cherchant à s’organiser en syndicats ainsi que sur d’autres dissidents politiques. Pendant ce temps, la blanche colombienne continue d’inonder les États-Unis : 90 % de la cocaïne consommée par les Amerloques vient de Colombie. Et selon les chiffres officiels de la Drug Enforcement Administration (DEA) de Bush, le prix de la cocaïne a baissé l’année dernière tandis que la quantité et la qualité de la coke entrant aux États-Unis restent constantes.
Pas un seul dollar des 1,5 milliard du Plan Mexique « anti-drogue » ne sera consacré au traitement médical des drogués ou à leur réhabilitation. Mais une chose est sûre, ce plan aboutira à renforcer la militarisation de la société mexicaine déjà bien entamée par le Président Calderon. Seulement quelques semaines après son arrivée au pouvoir, il a virtuellement déclaré la loi martiale dans neuf États mexicains et y a envoyé 30 000 soldats. Les droits civiques y ont été suspendus, d’innombrables abus commis par les militaires rapportés par la presse, tandis que bien peu de cocaïne n’y a été saisie. Les communautés contrôlées par les Zapatistes ont aussi fait les frais de cette soi-disant « lutte contre les narcotrafiquants ». En réalité, les abus sur les civils commis par les militaires lors de cette campagne dite « anti-drogue » sont si nombreux qu’en 2007 le rapport de la Commission Nationale Mexicaine sur les Droits de l’Homme recommandait de retirer à l’armée ces tâches policières. À ce jour, cette Commission a recensé 634 cas d’abus par des militaires et ce n’est là que la partie visible de l’iceberg. Qui plus est, selon un rapport du Département d’État américain de 2007, les officiers militaires mexicains sont si étroitement liés aux cartels de la drogue que bien des responsables de la lutte anti-drogue agissent eux-mêmes « directement sous les ordres des narcotrafiquants ». Il y a peu, un haut responsable de la DEA mexicaine s’est rendu à Washington afin d’être honoré par l’administration Bush pour ses efforts mais, alors qu’il embarquait pour rentrer au Mexique, il a été arrêté pour… trafic de drogue !
Et qu’arrivera-t-il après le départ de Bush de la Maison-Blanche ? Barack Obama et John McCain ont tous deux été des supporters du Plan Colombie et semblent bien disposés à se ranger derrière le Plan Mexique. Ainsi, l’avenir des Mexicains semble sombre : tant que les sociétés privées du fameux « complexe militaro-industriel » américain se mettent plein les poches de ces milliards de dollars « anti-drogue », les droits de l’homme des Mexicains seront bafoués. Et la poudre blanche continuera d’inonder les rues américaines à bon prix et sans beaucoup d’entraves.
Pour voir la vidéo de la soldatesque mexicaine en train d’être entraînée à pratiquer la torture par des consultants privés américains dont certains sont sous contrat avec le Pentagone, cliquez sur la vidéo ci-dessous :
À lire ou relire, la dernière chronique de Doug Ireland sur Bakchich :
Et oui, les américains, les israeliens, bien connus tout ça…
Toujours est-il que lors d’un contrôle aux innombrables "retenes" militaires dans les états du nord du Mexique, un militaire m’a confié (et il n’était pas peu fier) qu’ils allaient (les militaires) en France suivre des formations avec la Gendarmerie Nationale… Je ne sais pas ce qu’ils y apprennent.
Et en effet la police méxicaine est ausi corrompue qu’inefficace. A un tel point que les voyoux sont biens souvent des policiers et vice-versa…
Mais il en est de même pour toute l’administration du pays : locale, "estatale" ou nationale, une seule devise "nullité, partialité et corruption".
L’ancien maire de Tijuana est le propriétaire de la chaîne de Bookmaker "Caliente" et espére un jour devenir gouverneur de l’état de Basse Californie Nord… Le propriétaire des infrastructures du seul port de la BCN (Ensenada) n’est autre qu’un général, ancien président du Méxique… Le bras armé du cartel du golfe (le groupe des zetas) est formés d’anciens policiers des forces spéciales méxicaines eux mêmes formés par les américains dans cette superbe écoles des amériques (voir lien)…
Et j’en passe et des meilleures !
Je crois avoir vu à la télé méxicaine qu’il y avait un plan d’alphabétisation de la police pour remédier à tout cela… Mieux vaut entendre ça que d’être sourd diront certain !
Ah oui, tous les coups bas et tous les coups tordus dans le monde ainsi que toutes les tragédies et tout ce qui ne va pas, sont le fait des Américains et des seuls Américains, c’est sûr !
Comme le dit (avec un — tout petit — brin d’ironie) Pat Patterson, "All these fascist reactionary Americans that want to make Mexico into a Colombian democratic state should be exposed and arrested immediately. Let’s go find them !"
Le seul problème, c’est qu’entre le para qui a fait son service en Irlande du Nord, l’ex policier de Mexico City, et les vétérans des Serbian Federal Security Services, la société ne semble pas être américaine du tout ; après tout, son QG se trouve à Londres et elle se décrit officiellement comme "a progressive, European-owned and managed bodyguard school and specialist protection company".
http://www.risks-inc.com/
("Progressive" ! En plus, c’est une société avec des idées droits-de-l’hommistes de gauche ! En effet, la subdivision de Risk qui forme l’armée mexicaine, AKL, a son QG… à CARACAS, dans le pays de Hugo Chávez ! (Si, si, vous connaissez ce dernier ; c’est le líder dont les coups tordus et l’ingérencene dans les pays voisins intéressent peu de gens en France et les scandalisent encore moins.))
Ah ouais… Comment faire ?… Comment reconcilier ces faits avec le valeureux combat contre l’impérialiste yankee ? Hmmm…
Voilà ! Je sais ! Parions qu’on va nous dire que c’est un complot ! Un complot américain ! Un mensonge de la CIA ! Les Rosbifs et les Vénézuéliens ont pris un jour leur déjeuner à MacDo, et tout le monde sait qu’une telle action horrible (manger à McDonald’s) transforme les insouciants en affreux Ricains fourbes !…
Pat Patterson conclut, avec son ironie habituelle : "Black helicopters, monofilaments in dollars, Illuminatis, Masons, 2nd gunmen, etc., and now American companies that have hidden themselves so well that the owners, English and Venezuelans, don’t even realize that they are really corn fed and apple pie loving Americans."
Plus sérieux : "Or maybe people referring to opinion sites should check the bona fides of the authors and then check the statements masquerading as facts." Mais Pat Patterson devrait savoir que lorsqu’il s’agit d’opinions négatives sur les USA, tout passe ; nul besoin de vérifier les faits…