À J-3, la tension est montée d’un cran à droite. Pour Sarkozy, l’enjeu est de finir en tête, dix ans après la claque de 1999 reçue aux européennes.
Pour Nicolas Sarkozy, les élections européennes n’ont jamais été un scrutin comme les autres. Elles ont même un goût particulier depuis la fameuse claque du 13 juin 1999. Ce soir-là, la droite enregistre un échec cuisant. La liste RPR-DL, conduite par Nicolas Sarkozy, n’obtient que 12,8% des suffrages, loin derrière les 21,9% du PS mené par François Hollande, et même derrière la liste du souverainiste Charles Pasqua (13,06% des voix). Il est vrai que la tâche n’était pas facile : Philippe Séguin avait abandonné à la surprise générale, moins de deux mois avant le scrutin, la tête de la liste commune RPR-DL, reprise in extremis par Nicolas Sarkozy, président par intérim du RPR.
L’intéressé n’a jamais digéré ce résultat en forme de Bérézina. Sonné, Sarkozy avouait, le soir même de ces résultats, « détester la défaite » et redouter traverser un nouveau désert politique, comme celui qu’il avait connu les quatre années précédentes. Après la victoire de Jacques Chirac à la présidentielle de 1995, Sarkozy, qui avait préféré Édouard Balladur, avait été sèchement mis de côté jusqu’à ces européennes de 1999. Jacques Chirac n’avait-il pas lancé à l’adresse de son cadet : « Sarkozy, il faut s’essuyer dessus pour deux raisons. D’abord parce que ça porte bonheur et ensuite parce qu’il ne comprend que ça ». Ambiance !
Dix ans plus tard, Sarkozy, devenu Président, compte bien prendre sa revanche et terminer premier, au soir du 7 juin, loin devant le PS et les autres formations politiques. Raison pour laquelle il a pris soin de se mettre en avant dans la campagne, comme aucun président ne l’avait fait : déplacement à Nîmes le soir du 5 mai, meeting à Berlin le 10 mai avec la chancelière allemande, puis tribune commune dans la presse avec Angela Merkel. « Le Président sait que les résultats du 7 juin seront interprétés comme sa défaite ou sa victoire, alors autant qu’il s’engage », explique un conseiller. Dès lors, pas de doute, « la véritable tête de liste, c’est lui ».
Dans ce contexte, Nicolas Sarkozy a pris soin de veiller à la constitution des listes, réclamer quelques personnalités par-ci par-là, choisir des binômes comme Michel Barnier - Rachida Dati en Ile-de-France, plancher sur le slogan de campagne. Ce fut, sans grande surprise, sa présidence de l’Union européenne, au deuxième semestre 2008. Michel Barnier et Xavier Bertrand n’ont d’ailleurs eu de cesse de répéter en boucle : « L’Europe que nous voulons, c’est celle qui s’engage, qui n’est pas spectatrice des crises. C’est exactement ce qu’a fait Nicolas Sarkozy pendant les six mois de la présidence française de la guerre en Géorgie à la crise financière ». Un ministre poursuit : « Nicolas Sarkozy nous a rendu l’Europe sexy. Pour la première fois, un homme politique a parlé au nom de 27 pays et l’Europe a été audible ». Quel homme !
Cette année, ce scrutin du 7 juin arrive à mi-mandat présidentiel… Généralement, ces élections au Parlement européen sont systématiquement perdues par les majorités en place. Sauf aux européennes de 1979, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing. L’Élysée rêve donc d’une victoire dimanche pour faire mentir cette vieille règle politique.
En cas de score autour de 25%, ce dimanche 7 juin, les ténors de l’UMP et les ministres seront priés de diffuser la bonne parole, sur les plateaux télés et radios : si les listes de la majorité sont arrivées en tête, c’est donc que Nicolas Sarkozy est un Président dont la politique est appréciée. Un argumentaire a d’ailleurs été préparé pour permettre aux candidats UMP de répondre à leurs adversaires sur la légitimité de la victoire, même en cas de forte abstention comme le laissent entendre les derniers sondages. « La participation aux dernières élections européennes en 2004 était mauvaise, on n’a pas contesté pour autant l’avance du PS », glisse un cadre de l’UMP, « et puis on verra qui progresse, qui recule par rapport au dernier scrutin ».
Les conseillers de l’Élysée planchent aussi sur les différents argumentaires à fournir pour répondre aux scénarios plus ou moins bénéfiques pour la majorité. « Une dizaine de sondages d’affilée nous a donnés en tête », se réjouit depuis quelques semaines l’entourage du Président. Autant de chiffres brandis comme un trophée. Et même si, selon les dernières enquêtes, les intentions de vote en faveur de l’UMP ont tendance à se tasser un peu autour de 25%, l’important pour le parti du Président est « d’arriver en tête » le soir du 7 juin, comme le répète depuis une semaine Xavier Bertrand. « Mais d’arriver en tête, on en était très très loin la fois dernière », a poursuivi le secrétaire général de l’UMP, estimant que ce serait « un changement sans précédent ». Pour le Château, dans un scrutin à un tour, celui qui arrive le premier est naturellement celui qui a gagné. CQFD.
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La semaine européenne de Bakchich
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« Sarkozy, il faut s’essuyer dessus pour deux raisons. D’abord parce que ça porte bonheur et ensuite parce qu’il ne comprend que ça ».
Il a dû en faire le Sarkozy, mais pourquoi n’avons nous aucune information sur lui, il n’est pas sorti du ventre de sa mère en 2007 ?
Espérons une mobilisation pour éviter un triomphe de Ump.
60% d’abstentions : et alors ? Le résultat n’est pas invalidé pour autant. Au moment d’un vote au Parlement Européen, la valeur de la voix d’un député n’est pas indexé sur le taux de participation à son élection (son salaire non plus d’ailleurs). Il représente une voix. Point barre.
D’ailleurs, si des gens ne veulent pas voter, on peut aussi en conclure que le résultat leur est indifférent ; et donc qu’un élu est soutenu autant par ceux qui ont voté pour lui que ceux qui se sont abstenus ("je suis indifférent au résultat ; celui qui est élu me représente autant qu’un autre").
Conclusion : allez voter, encouragez les gens à voter.