Portrait du ministre du Travail, Xavier Bertrand, et de sa stratégie de conquête du pouvoir.
« La posture du chouchou, chez Xavier Bertrand, c’est finalement une façon d’être, qui relève d’un choix tactique. C’est une manière originale de réussir en politique ». Tel est le constat que dressent d’emblée les deux journalistes auteurs de cette bio non autorisée du ministre du Travail, l’un des favoris de Nicolas Sarkozy : Christophe Jakubyszyn du Monde et Muriel Pleynet de la chaîne LCP-AN. Celui qui a été tour à tour député, secrétaire d’État, ministre de la Santé puis du Travail n’a pas souhaité rencontrer les auteurs de ce livre… Mais a suivi leur travail pas à pas. Histoire de tout contrôler ?
« Au départ, comme toujours avec Xavier Bertrand, il existe une volonté de perfection, qui frise parfois l’obsession. De l’actualité, Xavier Bertrand veut tout savoir (…) Rien ne doit lui échapper », écrivent les journalistes qui pointent le franchissement de la ligne rouge. Au milieu d’un livre riche en anecdotes et en citations, Christophe Jakubyszyn raconte ainsi le coup de fil qu’il reçoit du chef de cabinet du ministre du Travail, quelques minutes avant le bouclage du journal. Michel Bettan lui reproche un terme qu’il a utilisé dans son article. « Michel… comment se peut-il que tu aies déjà lu mon article ? », s’interroge le journaliste. « Aujourd’hui, on sait beaucoup de choses », lui répond le chef de cabinet de Xavier Bertrand. Branle-bas de combat au sein de la rédaction pour essayer de déterminer d’où proviennent les fuites. Rien à signaler.
Septembre dernier, nouvel épisode troublant : le chef de cabinet commente devant le journaliste du Monde les propos que l’ex-Premier ministre Dominique de Villepin a tenus par téléphone - un « traître sans couilles » - dans le cadre de cette enquête sur Xavier Bertrand. « Par quel moyen connais-tu ces informations ? Et avec une telle précision ? », demande Christophe Jakubyszyn. « On sait beaucoup de choses », précise le chef de cabinet. « Par exemple, sur toi, Christophe, on pourrait aussi écrire un livre. » Menace ? Intimidation ? Les deux auteurs ne relèvent pas. Conscient qu’il en a trop dit, Michel Bettan se reprend : « Villepin a fait un dîner en ville et il a raconté les échanges qu’il avait eus avec toi ». Vérification faite auprès de Villepin qui nie avoir raconté cette conversation : « Et bien mon vieux, nous sommes écoutés ! Soit vous, soit plus vraisemblablement moi ».
En somme, Xavier Bertrand, « c’est une main de fer dans un gant de velours », qui ne laisse rien au hasard. Ni avec les journalistes, ni avec les syndicalistes. Encore moins avec les parlementaires et les autres ministres qu’il inonde de SMS pour leur souhaiter leur anniversaire ou les féliciter après une intervention dans les médias. Si le ministre du Travail est loin de faire l’unanimité sur le plan humain, tous ceux que les journalistes ont rencontrés au cours de leur enquête soulignent sa boulimie de travail, sa connaissance des dossiers et son habileté politique pour gérer les crises.
« Aujourd’hui, Xavier Bertrand, ministre du Travail, est à un tournant de sa carrière », soulignent les auteurs de la bio. « Son pari est là, au parti ». Comprendre, l’UMP, dont il est secrétaire général adjoint et dont il vise le leadership. « Faire tout comme Sarko », c’est un peu ça aussi la méthode Bertrand. Comme Sarkozy, ajoutent les auteurs, Bertrand « a faim ». Pour l’instant, le ministre du Travail gravit les échelons, avec l’accord de Sarko et l’inimitié de beaucoup. Xavier Bertrand sait s’appuyer sur les bonnes personnes. C’est une autre caractéristique du personnage, peut-on lire dans ce livre.
Mais, comme le démontrent les journalistes dans cette bio, chouchou un jour ne veut pas dire chouchou toujours… « Pour le moment, Xavier Bertrand monte. La question est de savoir jusqu’où et jusqu’à quand ».