Berlusconi défraie encore une fois la chronique. Quel espoir à gauche ? Le fondateur de Sinistra Ecologia Libertà , Nichi Vendola, président des Pouilles et homosexuel déclaré.
Le coup de semonce est venu de l’ex-allié Gianfraco Fini, président de la Chambre des députés et co-fondateur du Parti des libertés qui a porté la coalition Berlusconi au pouvoir : Silvio Berlusconi, a-t-il déclaré dimanche, "doit prendre la décision (…) de remettre sa démission et dire que la crise [de gouvernement] est ouverte de fait". Faute de quoi les ministres pro-Fini quitteront le gouvernement.
Nombre de commentateurs estiment que le gouvernement de Berlusconi est plus que jamais en péril après les révélations d’un énième scandale sexuel qui atteint le Cavaliere déjà au plus bas dans les sondages. Sa défense ("Il vaut mieux être passionné par les belles femmes que d’être gay") tombera-t-elle cette fois sous le coup de l’ironie du sort ?
Car, à gauche, l’homme qui apparaît comme l’un des deux prétendants à diriger la coalition d’opposition, Nichi Vendola, 51 ans, président de la région des Pouilles, est ouvertement gay.
Il avait créé la surprise en 2005 en battant le candidat de la coalition de droite de Berlusconi dans une région traditionnellement considérée comme conservatrice et catholique. Vendola, à l’époque, était non seulement un militant bien connu de Arcigay, l’association nationale italienne des gays et lesbiennes, mais aussi un chef de file du Partito della Rifondazione Comunista (Parti de la refondation communiste). Mais il est aussi catholique déclaré, et avait affirmé que "le livre le plus important pour un communiste, c’est la Bible".
En 2009, Vendola a fondé un nouveau parti, Sinistra Ecologia Libertà (Gauche Ecologie Liberté) et, cette année, a été triomphalement réélu président de sa région avec 73% des suffrages.
Aujourd’hui, le charismatique Vendola apparaît en tête des sondages d’opinion comme le politicien le plus populaire dans l’opposition de gauche, et s’est déclaré candidat à mener la bataille lors des prochaines élections parlementaires. Atypique, anticonformiste, cultivé et lyrique, Vendola est le parfait anti-Berlusconi. Ancien étudiant en lettres anciennes, auteur d’un thèse sur Pasolini, orateur de talent, dans ses discours il dit des choses comme : "Nous devons apprendre à nos jeunes le sens de la beauté !" et "Soyez réalistes, demandez l’impossible !". Il explique à son auditoire que le mot "gauche signifie la Maison des droits, ce qui veut dire éclairer les angles morts de la douleur sociale, parler des invisibles, de tant de gens perdus !"
A la tête des Pouilles, Vendola a été un apôtre du "small is beautiful", et a réussi à encourager le développement de l’agriculture et d’un réseau de petites usines et de PME, en particulier dans le textile, les chaussures et les produits alimentaires. En dépit de ses antécédents communistes, Vendola, écologiste passionné, attire aussi les investisseurs dans le secteur de l’énergie renouvelable.
Vendola n’a pas non plus hésité à affronter les homophobes. Dans un discours de réélection, il a déclaré : "Croyez-vous vraiment que le bonheur n’est qu’hétérosexuel ? Pensez-vous vraiment qu’un gay ne peut pas être heureux ? Non, il ne peut en être ainsi. Ce qui vous rend malheureux est l’hypocrisie, le secret, la peur de ce que vous êtes. Affirmer ce que vous êtes peut être douloureux, amener l’exclusion, voire la violence, mais je n’ai jamais été effrayé d’être ce que je suis. Et s’il y a une pensée qui m’angoisse plus encore, c’est d’imaginer vivre dans le mensonge."
Vendola a mis sur pied des "usines" ("fabbriche"), un réseau de démocratie participative, qui rassemble plus de 10.000 personnes dans 400 villes d’Italie. Animées par des bénévoles, elle sont le lieu d’initiatives festives, écologiques et politiques. Idées, propositions, actions de toutes sortes y sont expérimentées puis diffusées dans toutes les régions, via Internet et par des projets de terrain.
Même si Vendola remporte une primaire de centre-gauche, peut-il gagner aux élections ? L’homophobie est encore bien vivante dans l’Italie catholique, où les attitudes sont moins tolérantes que dans de nombreux autres pays d’Europe occidentale. Un récent sondage a révélé que seulement 51% de la population estime que l’amour homosexuel doit être considéré égal à l’amour hétéro. Et 35% pensent que l’homosexualité doit être tolérée tant qu’elle n’est pas ostentatoire.
Néanmoins, Nichi Vendola a des admirateurs parmi l’establishment. Pour l’ancien Premier ministre de centre-gauche Massimo D’Alema, "Nichi Vendola est le seul capable de relancer l’idée d’une gauche moderne, les autres semblent trop désorientés". Curzio Maltese, chroniqueur au quotidien le plus respecté du pays, La Repubblica, et auteur d’un livre sur Berlusconi intitulé "La Bolla" ("la Bulle"), a déjà attiré l’attention sur la popularité de Vendola. "Il a apporté un sentiment de libération : l’idée d’avoir un homosexuel déclaré comme Premier ministre !". Et d’ajouter : "Nous pourrions être à l’aube d’une grande rébellion".