La Hongrie innove en matière de limitation de la liberté de la presse. Annamária Szalai, en charge des médias et proche du nouveau Premier ministre Viktor Orbán, s’occupe de museler les journalistes.
En la regardant, on la situerait quelque part entre Catherine II de Russie et Michèle Alliot-Marie. Un visage carré et des grands airs de tsarine. Annamária Szalai, dont le nom sonne comme celui d’une danseuse de flamenco andalouse, bat du talon plus à l’est, en Hongrie. En nouvelle Walkyrie des médias magyars, pour au moins neuf ans. Une loi controversée, votée au début de décembre, la fait voler au-dessus des eaux du Danube.
Par quel miracle du Saint-Esprit ? Ses superpouvoirs, elle les doit à une réforme qui restreint drastiquement la liberté de la presse. Avec des amendes pouvant aller jusqu’à 700 000 euros pour les radios et télés, pour des reportages jugés trop « partiaux », 900 000 euros pour les journaux nationaux et sites Web, et 7 250 euros pour les particuliers. L’équivalent d’une année et demie de salaire moyen en Hongrie. Pour cela, Annamária la douce, patronne de 3 000 employés des médias publics hongrois, aura accès aux documents avant leur publication. Les journalistes étant tenus de révéler leurs sources sur les questions relevant de la « sécurité nationale » ou de la « protection de l’ordre public ».
La sangsue des médias prend vite goût à la censure. Un journaliste radio a été partiellement suspendu après avoir observé une minute de silence à la suite du vote du dernier volet de la loi, le 21 décembre. Une autre station indépendante a fait l’objet d’une enquête après la diffusion de deux morceaux du rappeur américain Ice-T (pas la boisson) « pouvant affecter le développement physique, mental et moral des jeunes ». Et un gratte-papier a été sommé de corriger ses propos sous peine d’amende car il a laissé entendre qu’« [Annamária Szalai] détiendrait un pouvoir décisionnaire absolu » au sein de la nouvelle autorité.
Mais, avant de porter l’habit de police des mœurs, Miss Szalai se révéla plus polissonne. En 1991, à l’aube de ses 30 printemps, elle était la rédactrice en chef de Miami Press, un magazine de charme tourné vers les astres de la volupté. Le journal a fait long feu. Contrairement à la révélation de l’affaire en 2003, puis récemment dans l’hebdo 168 óra, réputé sérieux. Bien obligée d’assumer, elle dut répondre : « Même si ce n’était pas ma plus grande réussite, je n’ai pas honte de cette publication. » Un bref interlude, donc, avant de se tourner vers la politique au sein du parti de droite, le Fidesz, aujourd’hui au pouvoir. Elle fit ses classes au côté du président actuel, Viktor Orbán, qui lui offrit, de 1998 à 2002, un poste de députée. Et d’être, depuis cette date, le cerbère du Fidesz pour les médias. Elle avait par exemple exhorté ses collègues à bannir le dessin animé Pokemon des chaînes hongroises, clamant qu’il était du plus mauvais effet sur la jeunesse magyare. Sans aucun doute une perversion, comparé à son regretté magazine dont le slogan était « parler honnêtement et de manière civilisée d’érotisme ».