Dans leur "Enquête sur le pouvoir des aristos", deux journalistes s’intéressent de près aux réseaux de la noblesse française. 220 ans après la Révolution, les gentilshommes sont toujours là et savent défendre leurs intérêts.
L’immigration, ils ne l’ont pas choisie. Ils l’ont franchement subie. Boutés hors de France au nom d’une nation souveraine de "cul-terreux" et de bourgeois réunis qui en voulaient à leur pouvoir. Mais depuis 1789, peu à peu, ils sont revenus.
A pas de velours, les aristos ont réinvesti la France d’en haut. Toutes les Frances d’en Haut. Politique, économique, médiatique. De Tavernost (patron de M6), De Castries (AXA), De Romanet (Caisse de des dépots), Sarkozy de Nagy-Bocsa ou Isabelle Truchis de Varenne, alias Zazie…Bref, le sang bleu coule encore dans les veines de décisions de l’Hexagone.
Masqué et capé, Batman, le riche chevalier noir, arpente nuitamment les rues de Gotham City. A Gotha City, ce roturier d’homme chauve-souris n’aurait aucune prise. Les aristos, si. A ceci près que c’est une particule que trimballent les nobles, pas une cape. Avec une jalouse fierté. Une vanité qui transpire de chacune des lignes de l’enquête de nos confrères Laure de Charette et Benoist Simmat, Gotha City, enquête sur le pouvoir des aristos [1].
Aux portes de cette étrange ville, sommeillent deux gardiens de 80 balais. Des cerbères aux cheveux blancs, grognant à l’approche du petit peuple qui veut intégrer la haute cour.
Les deux cabotins, comtes de Chappedelaine et de Raffin, le nez plongé dans les bouquins, président aux destinées de l’Association d’entraide de la noblesse Française (ANF). "Leur mission ? Séparer le bon grain de l’ivraie. C’est à dire extraire les 3500 d’apparence noble. Les premiers, les vrais au sens de l’ANF, ont un ancêtre qui fut anobli par le roi, ou l’un de nos deux empereurs et ont hérité de cette qualité par leur père biologique".
Patte blanche à montrer pour être subventionné. Né après le krach de 1929, l’ANF vise à aide les nobles fauchés.
Au siège de l’asso, les enquêteurs notent, espiègles que, "le vestiaire met toujours à disposition des vêtements pour bébé, des robes de cocktail rose fuschia, avec le chapeau raccord ou plus simplement le frac de mariage (…)même sans le sou il faut tenir son rang".
A ce jeu de la noblesse, aucun des frères ennemis de la droite ne gagnerait son ticket d’entrée à l’ANF. Dominique Galouzeau de Villepin parce qu’il entre dans la catégorie des "faux aristocrate, dotés d’une particule sans jamais avoir été anoblis par personne". Et ses manières de gentilshommes ne sont pas la moindre des raisons de l’inimitié que lui vaut dame Bernardette Chodron de Courcelles épouse présidentielle. Une irritation constante, celle d’"une femme venue d’une famille anoblie par l’empreur, à l’égard du représentant d’une famille anoblie par elle-même".
Quant à Nicolas Sarkozy de Nagy-Bocsa, outre son désir constant de nier ses origines très peu France d’en bas, le chef d’Etat a le défaut, aux yeux de l’ANF, d’être une pièce rapportée. A savoir un aristo hongrois… "C’est important, ose dans le livre le patron des sénateurs UMP Henri de Raincourt, qu’une association nous regroupe, il faut bien que quelqu’un veille à l’authenticité de nos famille". Tant pis dès lors, pour les deux asticots. Si viennent les temps de vaches maigres, la noblesse ne broutera pas pour eux.
"Reconnue d’utilité publique sous la présidence d’un certain général de Gaulle, l’ANF verse chaque année deux cent mille euros aux plus nécessiteux d’entre eux". Une sorte d’abbé Pierre emperruqué.
Et avec la crise économique, l’ANF ne va pas manquer de boulot. Un petit Madoff français et - sainte horreur -roturier, s’est échiné à raser des fortunes bien nées. Tout simplement en intégrant frauduleusement le Bottin Mondain, "l’annuaire des gens titrés et bien nés".
En truandant l’identité d’un Montesquieu, l’impétrant a vendu ses placements financiers à Michel de Poniatowski. "Le Prince, qui fut un surpuissant ministre d’Etat [Intérieur] sous Valéry Giscard d’Estaing, s’est retrouvé ruiné, floué par un roturier malhonnête. Une honte ajoutée à une gêne qui s’est réglée dans le milieu". Enfin, en partie. La patronne du Bottin, Blanche de Kersaint, "égérie du Gotha neuilléen", s’est retrouvée pour cette affaire et par deux fois dans les locaux de la Police judiciaire de Paris. "Et en est encore toute retournée"…
Fort heureusement, ces vilenies ne font pas trop de petits. Et les bonnes gens peuvent continuer à s’amuser dans leurs Rallyes, en bourse ou en politique. "Au seul Palais du Luxembourg, ils sont proportionnellement six fois plus nombreux que dans la population Française". Le Sénat, chambre de la haute…
A califourchon sur leur patrimoine -les terres dont ils tirent leurs titres- les aristocrates n’hésitent pas à légèrement influer sur les textes votés à l’Assemblée. Pour préserver les niches fiscales accordés aux propriétaires de monuments historiques, la noblesse a mobilisé les troupes.
Josselin de Rohan, Albéric de Mongolfier, Henri de Raincourt cisaillent les amendements. Et la réforme des niches fiscales voulue par la ministre de l’Économie Christine Lagarde se voit légèrement amputée lors de son passage devant les Assemblées, fin 2008. "Les plus fortunés ne pourront plus échapper à certains impôts, les châtelains si !", sourient les auteurs.
Leur demeure préservée, reste à protéger leurs terres. Vent debout contre les éoliennes, le lobby noble est parvenu à imposer que le préfet, et non plus seulement le maire, donne son autorisation aux grandes hélices. Et comme il faut bien s’amuser, le droit de chasse a été profondément assoupli toujours fin 2008. Sous la pression du lobby de la chasse, éminemment aristocrate. Ah ça ira, ça ira, les aristocrates on les chassera… pas. X.M.
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[1] Éditions du Moment, 17,95 euros
M. Monnier vous êtes vous demandé pour quoi il faut systématiquement relire au moins 2 fois vos papiers avant de comprendre quelque chose ? Pourquoi n’écriveriez-vous pas de manière à être lu ? Ce qui ferait de vous un journaliste. Et rendrait les sujets que vous traitez intéressants. Bien à vous
Un lecteur qui aime néanmoins Bakchich
Un peu hors sujet mais pas tant que ça : je trouve déplorable que la presse (Libé entre autres) donne du "Prince Jean" pour désigner le rejeton de Nicolas Sarkozy. Mine de rien, ce joli vocable facile risque de lui donner une certaine aura imméritée.
Ces facilités de vocabulaire, comme de reprendre le mot "d’épuration" dans un registre plus grave quand il s’agit de meurtres racistes, ne sont pas sans conséquence à mon avis.