Le fichier dérobé par Hervé Falciani à la HSBC de Genève comporte des noms de clients espagnols, et l’Etat ibérique entend bien s’en servir pour rapatrier des fonds.
Tout à la folle célébration du titre suprême obtenu de haute lutte par son équipe nationale, la presse ibérique qui s’interroge sur l’impact de la Coupe du Monde de football sur l’économie espagnole un brin sinistrée, oublie de remercier Hervé Falciani.
Le garçon il est vrai n’a pas mis les pieds en Afrique du Sud. Il n’est même pas de nationalité espagnole et vit de ses « rentes » dans un petit village niché entre Nice et Menton. En volant en 2008 des fichiers de la banque HSBC à Genève, Hervé Falciani dit « Antoine » contribue depuis, modestement certes, au comblement du déficit budgétaire des Etats qui ont eu la chance de pouvoir exploiter les prises de l’informaticien dévoyé. A commencer par les experts de Bercy qui ont travaillé les premiers sur les fichiers remis « volontairement » par « Antoine » au parquet de Nice.
On garde bien sûr en mémoire un Eric Woerth encore extatique, annonçant en Août 2009 que ses services étaient en possession de 3000 noms de fraudeurs. 6 mois plus tard, il admettait vaguement penaud que les 1400 dossiers en cours de traitement à la cellule de « dégrisement fiscal » de Bercy, avaient été ouverts en grande partie sur la base des confidences « d’Antoine », nom de code dont Falciani avait été affublé par l’administration pour cause de confidentialité.
On se souvient aussi du communiqué rassurant de HSBC Private Bank à l’attention de ses clients peu de temps après que l’information eut été rendue publique en France : le vol portait sur un vague morceau de papier contenant tout au plus 10 noms de clients codés et aucune information sensible n’y figurait Très vite, l’analyse technique a infirmé les propos ridicules de la banque : les fichiers volés par l’ami Antoine s’avéraient nettement plus appétissants. Ils contiennent finalement les références de 127 000 comptes ouverts à des ressortissants de 180 pays !
Donc, pendant que Casillas et ses potes s’échinaient à devenir champions du monde de football, les enquêteurs du trésor espagnol bossaient comme des malades sur les 3 000 comptes communiqués par Paris, ouverts par des résidents espagnols dans les livres de la HSBC en Suisse, à la recherche de cas de fraude fiscale avérée voire simplement présumée.
Pour motiver ses troupes, la charmante Elena Salgado, ministre des finances, annonçait le 24 juin à la télévision entre 2 retransmissions footballistiques que le solde des comptes en question pouvait représenter plus de 6 milliards d’euros ; vaya, que fruta ! les titulaires identifiés ont été priés de préciser si les « petits » faits par les sommes détenues à Genève, ont été régulièrement déclarés au fisc. Elle a bien sûr rappelé qu’au cours des 2 dernières années, ses services avaient recouvré plus de 35 milliards d’euros au titre de la seule lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, ajoutant que les contrevenants allaient être sanctionnés et mis à contribution de menues pénalités : « Le Trésor est très actif contre la fraude fiscale ; nous redoublons d’effort parce que en période de difficultés économiques, la démonstration de notre détermination à combattre la fraude est particulièrement importante » .
C’est vrai que nos amis espagnols ont bien besoin d’un petit coup de main, fut-il donné indirectement par un voleur ; la 4ème économie de l’Euro-zone peine à faire surface après 2 ans de récession, un déficit de 11,2% du PIB en 2009, et un taux de chômage proche de 20% consécutif à l’effondrement du marché immobilier. La Coupe du Monde de football quels qu’en soient les effets véritables, est donc sportivement et économiquement la bienvenue.
Comme en écho aux propos guerriers de Madame Salgado, Pascal Dubey, le porte-parole un peu groggy de la HSBC a avoué ne disposer d’aucune information sur les enquêtes en cours au delà des Pyrénées : « La banque a effectivement des clients espagnols. Nous ignorons si ce sont les noms de ceux qui figuraient dans nos fichiers volés qui ont été communiqués au fisc espagnol puisque ni la France ni l’Espagne ne nous l’ont officiellement confirmé ».
Espérons qu’aucun des campeones del mundo n’a été assez imprudent pour ouvrir un compte à la HSBC Private Bank de Genève. Ce serait trop bête de se faire sucrer sa prime de victoire…
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