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L’Europe à croquer

Miam miam / mardi 2 juin 2009 par Jacques Gaillard
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L’Europe veille sur notre « sécurité alimentaire ». Mais au bout du compte, ça change quoi dans notre assiette ? Bon appétit !

Franchement, l’Europe à 27 n’a, en apparence, pas troublé nos habitudes alimentaires de frenchies gourmands. On n’a pas vu fleurir de restaurants estoniens, slovaques ou roumains dans nos rues… Mais on voit s’atténuer la vieille division culturelle entre les pays latins et catholiques, pour qui manger est un plaisir, et les pays protestants nordiques, où, en gros, on mange pour ne pas mourir en évitant de s’intoxiquer par l’ingestion des trucs dégoûtants comme les fromages qui puent, le pâté de campagne et autres saloperies françaises. Depuis la morne bouffe luthérienne des Danois croqués dans Le Festin de Babette, le péché de « bonne bouffe » a fait quelques progrès !

Sécurité d’abord

Du point de vue de la Commission, la question de l’alimentation repose sur deux piliers classiques : la sécurité et la libre concurrence. Côté sécurité, les déclarations de principes sont catégoriques : « L’objectif premier de la politique de la Commission européenne en matière de sécurité alimentaire est de garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine et des intérêts des consommateurs dans le domaine alimentaire, tout en tenant compte de sa diversité, et notamment des produits traditionnels, et en assurant le fonctionnement efficace du marché intérieur ». L’allusion aux « produits traditionnels » laisse clairement entendre que, a priori, ils sont suspects. Surtout, si l’on réfléchit, on peut se demander ce que sont les produits « non traditionnels ».

Que mange-t-on désormais en Europe que, par tradition, on ne mangeait pas avant ? Le surimi ? Les hamburgers ? Le soja ? La pomme de terre et la tomate, ignorées des Romains et venues d’Amérique, sont-elles des produits traditionnels, ou des non-traditionnels ? La question n’est pas si farfelue qu’elle en a l’air car, si l’on scrute les multiples directives, les normes, les recommandations, on se rend compte que partout en Europe la culture alimentaire nationale, pour subsister officiellement, doit être soutenue par des efforts considérables de la part des petits producteurs et se barricader derrière des labels.

Il faut sauver le soldat Chabichou

D’où ces attitudes de résistance qui font régulièrement l’actualité : sauvons le chabichou, pitié pour les fromages au lait cru, non à la bière pasteurisée, laisse-moi mon chocolat ! Et de temps en temps, une idée fumeuse jaillit en donnant une triste image de la technocratie européenne : on se souviendra longtemps que, au nom de la sécurité, Bruxelles voulut interdire la cuisson de la pizza au feu de bois. Il est vrai que bien des Européens croient, comme les Américains moyens, que la pizza a été inventée à New York et qu’un four électrique est bien plus propre… Bizarrement, le risque cancérigène de cette cuisson ne se retrouvait pas dans la combustion du charbon de bois des barbecues !

Quant à la libre concurrence, elle a bien profité de l’absence de brevet lorsque qu’il y avait de gros intérêts dans la balance : que la fêta, fromage de brebis grec, puisse être fabriquée en Hollande par des vaches bataves n’a absolument pas posé de problème à la Commission ! Mais, de façon assez contradictoire, elle a accordé aux Hongrois l’exclusivité du nom « Tokay », alors que ce nom servait « traditionnellement » à désigner un cépage alsacien, réduit à s’appeler « Pinot gris »…

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Les nouveaux membres, pour l’heure, sont utilisés comme des fournisseurs de matière première pas chère, sans trop de contrôles pour ne pas pénaliser leurs installations archaïques… Dommage car, finalement, sur les routes de l’Europe de l’Ouest, dans les camions frigos polonais, circulent plus de bidoche et de champignons que de plombiers ! Or, note un rapport de la Commission daté de 2004, « à moins d’adopter des mesures drastiques la Pologne ne comblera pas son retard en ce qui concerne […] la lutte contre les encéphalopathies spongiformes transmissibles, les sous-produits animaux, le contrôle des déplacements d’animaux et la lutte contre les organismes nuisibles pour les plantes ». Espérons que les mesures drastiques ont été prises…

La valse des étiquettes

Mais la sécurité, pour la Commission, passe surtout par l’information et l’éthique du commerce, par l’étiquette. Là, il y a à boire et à manger ! Le consommateur, face à l’étiquette, est tantôt considéré comme un adulte responsable et avisé, tantôt comme un parfait couillon. Exemple : on supposait (avant un récent tollé !) qu’il était bien capable, par ses seules papilles, de distinguer un rosé de goutte d’un mélange de blanc et de rouge. Donc, mélangeons, Dieu reconnaîtra les siens… En revanche, ce con de consommateur ne saura jamais qu’il y a des sulfites dans le pinard, si on ne le marque pas sur l’étiquette ! Dans ces conditions, on se demande pourquoi, tant qu’on y est, on ne marque pas « élaboré avec du sucre de betterave » sur tous les vins chaptalisés pour que le buveur ne s’imagine pas qu’il n’y a dans son verre que du jus de raisin fermenté. Et l’Europe ne voit pas un grand inconvénient à colorer un vin façon Bordeaux en y faisant macérer des copeaux de chêne, sans l’afficher : c’est ce qui s’appelle défendre le consommateur.

La philosophie européenne de l’étiquette est décidément déconcertante : alors qu’un de ses principes est de garantir la « traçabilité », il n’est absolument pas nécessaire d’indiquer la provenance d’une viande dans un produit « élaboré » (conserve ou charcuterie, par exemple). C’est ainsi que lorsque vous achetez un lonzo corse, il y a quatre-vingt dix pour cent de chances que vous mangiez un cochon espagnol, slovaque ou polonais, qui n’a jamais croqué une châtaigne de sa vie, ni couru librement dans le maquis : il a seulement été passé au hachoir sur l’île de Beauté. Le jour où éclate une vraie fièvre porcine dans un de ces pays, on ne saura pas quoi choisir sur les rayons, faudra se faire végétariens ! Autre exemple, moins risqué : si vous pensez avoir une fraise « à l’ancienne » en achetant de la fraise de Plougastel, comme c’est écrit sur la boite, ne rêvez pas : vous aurez, comme partout ailleurs, et sans que le terroir ou le climat y soient pour quoi que ce soit, des fraises cultivées à Plougastel en tunnels de quarante mètres dans des gouttières irriguées de sérum ad hoc… L’Europe, dans ces deux cas, n’exige pas plus que la réglementation nationale, qui ne veut évidemment emmerder ni les Bretons ni les Corses !

Les goûts douteux de la Commission…

Alors, qu’est-ce qui a changé, en Europe, depuis cinquante ans ? La réponse est évidente : jadis, la tomate passait pour un fruit du sud. Maintenant, c’est aux Pays-Bas qu’elle est cultivée avec le meilleur rendement (445 tonnes à l’hectare, c’est effarant…). Entre-temps, la tomate s’est libérée des saisons et a laissé toute sa saveur au vestiaire. Même si on lâche désormais du lest sur la vente des graines des variétés anciennes (ce qui, apparemment, ne signifie pas « traditionnelles » aux yeux de la Commission !), tout a été fait pour que le monopole de la production légalement commercialisable revienne à des cultures industrielles qui ne peuvent s’opérer qu’avec des hybrides dénaturés et des produits pas nets (antibiotiques, par exemple), selon des modes de culture dignes de Frankenstein (les racines trempent dans de la laine de roche… ).

Là, pour le coup, l’Europe n’a fait qu’amplifier les réglementations nationales, toutes plus ou moins justifiées par l’alibi de la production de masse nécessaire pour éviter les famines. Et la qualité gustative, ce n’est pas son affaire, car les goûts et les couleurs, c’est strictement individuel, paraît-il. Mais le consommateur n’a jamais demandé des tomates insipides qui font mille kilomètres de camion avant de venir déshonorer sa salade niçoise ! Il s’y est habitué, ce qui est très différent, et il n’a pas vraiment le choix : en imposant des calibrages, l’Europe a fait le lit d’une agriculture industrielle hyper productive, monopoliste, auxiliaire de la grande distribution.

… Et le bon dos du consommateur

Au mieux, la qualité gustative est tolérée, quand elle ne gêne pas la normalisation. Mais avec l’engouement pour le bio, la nostalgie des saveurs est à l’ordre du jour. On ne peut plus envisager une politique de réglementation qui fasse l’impasse sur la qualité sous l’alibi de l’hygiène. Encore faut-il noter que, pendant des années, les écologistes (surtout allemands) ont été preneurs d’une politique hyper hygiéniste qui a merveilleusement servi les intérêts de l’industrie alimentaire en refoulant les incontrôlables petites productions locales… On est, heureusement, un peu plus lucide maintenant : mais, globalement, la qualité gustative des produits alimentaires s’est dégradée en Europe, en laissant le bénéfice de l’excellence aux produits d’exception, et donc, aux portefeuilles bien garnis…

A chacun sa bouffe. En France, on a fait la fine bouche sur les surimis, on n’est pas fanatique du Mac Do, on réserve un bon accueil aux légumes ressuscités par des maraîchers. En Italie, les cantines scolaires ne doivent servir que du « bio ». Mais pendant ce temps, en Angleterre, on se gave de poulets de batterie de qualité immonde, en profitant d’une réglementation européenne qui a porté à 19 poulets au mètre carré le maximum autorisé – une des préoccupations de la Commission est « le bien-être animal »… Une chose est sûre : même si la Turquie n’est pas encore membre, on mange des kebabs partout. Il faut savoir vivre dangereusement…

À lire ou à relire sur Bakchich.info :

Idée européenne venue de la très officiele commission, désormais on pourra mélanger le rouge au blanc pour obtenir du rosé.
En matière alimentaire, progrès scientifique ne rime pas toujours avec avantage sur la santé. La consommation d’acides gras trans (AGT) augmente le taux de mauvais cholestérol et réduit le bon, ce constat est connu depuis (…)
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Entre industriels et petits producteurs de Camembert se rejoue la bataille de Normandie. Avec en ligne de mire, l’Appellation d’Origine Contrôlée (AOC).
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Vieille comme le nouveau Monde, cerise ou cœur de bœuf, à déguster en salade ou farcie, la tomate passe pour revitalisante et énergétique. Testez ses rondeurs…

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2 MESSAGES

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  • L’Europe à EScroquer
    le lundi 8 juin 2009 à 03:17, Fredsh a dit :
    Salut, non seulement il y a urgence sur le codex alimentarius, mais aussi il faut lever le mystère autour de la géoinginérie : http://www.chemtrails-france.com/ Il nous font réduire l’espérance de vie durement acquise avec leurs maudits artifices chimiques. Au minimum il y a tous les deux jours épandages massifs et parfois ça pique un peu trop la gorge et les yeux. J’ai contacté europe-éco avant les élections pour un avis:pas de réponse /pas de vote pour eux, tans pis. Les radios :consignes : sourdes oreilles. Je vais finir par aller voir la gemmerderie qu’ils ne m’en diront pas plus, ou bien prendre la tête aux vieux élus du coin !!!(grrr) Ils sortent tout juste du ventre de leur mère qu’il jouent déjà les apprentis sorcier ! L’heure est catastrophique citoyens du berger. "L’europe c’est leur hope".
  • L’Europe à croquer
    le mardi 2 juin 2009 à 16:02

    Bonjour,

    j’attends de Bakchich qu’il s’intéresse de près à l’initiative européenne dénommée "Codex Alimentarius", initiative dont la mise en oeuvre est prévue pour décembre 2009… sujet URGENT, donc ! Un grand merci !

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