Chirac
Proche de Balladur, l’intermédiaire Ziad Takieddine, qui était en charge de négocier une vente de frégates Sawari II avec les Saoudiens, a été écarté du marché par Jacques Chirac lorsque ce dernier fut élu président de la République, en 1995. Dans un entretien récent au Journal du dimanche, l’homme d’affaires prétend qu’il a été dédommagé des « frais commerciaux » qui lui étaient dus, en 1997, par un étrange don de Rafic Hariri, proche de Chirac et assassiné en 2005. « À l’époque, Chirac gère lui-même le dossier lors d’un voyage en Arabie saoudite, en juillet 1996 », explique un haut fonctionnaire du ministère de la Défense, alors en charge de la tutelle de la Sofresa, la société d’État signataire du fameux contrat Sawiri II.
Et si Chirac s’intéresse à cette négociation, poursuit notre source, c’est que « l’ancien chef de l’État espère récupérer pour son propre compte les fonds qui étaient destinés à Takieddine et les placer sur un compte personnel ».
Le montant des fonds destinés à Ziad Takieddine est particulièrement troublant : 300 millions de francs de l’époque (45 millions d’euros environ). Or, dans la fameuse affaire du compte japonais de Chirac, un message classé « urgent réservé » du chef de poste de la DGSE à Tokyo, rédigé le 11 novembre 1996, fait référence à un compte ouvert au nom du Président à la Tokyo Sowa Bank. La source des services français, dissimulée sous le nom de code « Jambage », évoque des dépôts de l’ordre de 7 milliards de yens, soit, justement, 300 millions de francs.
D’où le soupçon pesant sur Chirac. En 1995, il aurait pu stopper les commissions destinées à Takieddine et les récupérer pour arrondir ses fins de mois. L’ex-chef de l’État n’aurait donc pas agi, comme l’a récemment expliqué Dominique de Villepin au juge Van Ruymbeke, « pour arrêter la partie des commissions qui apparaissait illégitime, non justifiée ». Si l’hypothèse d’un détournement des commissions Sawiri au profit de Chirac se confirmait, la position de Villepin deviendrait vite très inconfortable.
Un malheur n’arrivant jamais seul, Jacques Chirac pourrait être mis en cause, toujours pour son compte japonais, par le juge de Tahiti, Jean-François Redonnet, qui enquête sur la disparition mystérieuse d’un journaliste, Jean-Pascal Couraud, dit « JPK », en 1997. Lors d’une mission à Paris voilà un mois, ce magistrat obstiné interrogeait, entre autres, le général Dominique Champtiaux, l’ancien numéro deux de la DGSE. Ce dernier est l’auteur d’une note datée du 21 janvier 2002 destinée à Chirac : le compte japonais, expliquait en substance le galonné, était une pure rumeur née d’un article dans le Shukan Post, un magazine trash japonais. Circulez, y a rien à voir.
Pas de chance, la commission rogatoire du juge Redonnet au Japon est rentrée à bon port, indiquant que jamais un tel papier n’avait existé dans la presse japonaise. Disons que le bon général Champtiaux, comme Villepin, n’est plus très à l’aise dans ses rangers.