Avant on appelait ça le poker-menteur. Aujourd’hui, on parle de name-dropping ou l’art de faire monter les enchères avant le remaniement.
Ne jamais perdre la main. Garder son autorité. Maintenir la pression. Nicolas Sarkozy a trouvé la méthode pour répondre à ces trois exigences : le « name-dropping » ou le lâcher de noms. Surtout en ces temps de remaniement, planifié après le discours du Président devant le Parlement réuni, lundi, en Congrès à Versailles. Info, intox, finalement là n’est plus la question. L’important en « Sarkoland » est de créer le buzz, déstabiliser l’opposition et tester les noms de possibles candidats aux postes de ministres.
André Vallini, député PS dont le nom a été régulièrement cité pour faire son entrée au gouvernement, a eu la joie de répondre aux deux premiers critères. Dernier bruit en date : Édouard Balladur serait même chargé de jouer les entremetteurs, les deux hommes siégeant au comité pour la réforme des collectivités. « André Vallini ? », confie un conseiller de Nicolas Sarkozy. « Il n’a jamais fait partie du casting. Par contre, ça lui a causé du tort d’être cité… » Bel euphémisme ! Depuis plusieurs mois, Vallini multiplie les démentis dans les médias, tente de rassurer ses amis socialistes et s’agace de voir la rumeur continuer d’enfler ! Tout comme Victorin Lurel, député PS et président du conseil régional de Guadeloupe, qui a « exclu totalement », mercredi, d’entrer au gouvernement en déclarant : « ces rumeurs, ça peut flatter mais ça commence à me causer un vrai préjudice ». Presque l’effet recherché…
De toute façon, rapporte un des proches du Président, « plus la victoire aux européennes était importante, moins le chef de l’État se retrouve aujourd’hui dans l’obligation de changer beaucoup de choses ». D’ailleurs, le chef de l’État a demandé à ses conseillers de ne plus utiliser le terme de remaniement. « Ce ne seront que quelques changements qui concerneront au plus 10 personnes sur 36 », explique l’un d’entre eux. En clair, quelques sorties, peu d’entrées et un jeu de chaises musicales. Le vrai et gros remaniement aura lieu, à mi-mandat, au moment des régionales de 2010, avec un changement de Premier ministre à la clé. D’ici là, Sarkozy peut s’amuser avec sa nouvelle arme politique : le lancer de noms de ministres. « Le name-dropping est volontairement fait pour chambouler les cartes » , décrypte un ministre, « créer un effet de surprise ».
« Vu la méthode que le Président emploie », explique un autre, « avec un discours devant le Congrès, il y en aura forcément une ou deux de taille ». Claude Allègre, Philippe Séguin, Dominique Perben ou encore Alain Juppé ? Le nom de l’ex-Premier ministre a été cité comme possible nouveau ministre, puis retiré des listes, remis à l’ordre du jour… Un vrai plan com’ ! Un moment annoncé au ministère de l’Environnement - le maroquin taillé sur mesure avant qu’il ne perde les législatives - puis à l’Économie, il pourrait aujourd’hui atterrir à l’Éducation nationale. À moins que le directeur de Sciences-Po, Richard Descoings, ne finisse par dire oui à la proposition que l’Élysée lui a faite de prendre la place de Xavier Darcos.
Un vrai puzzle à en faire tourner les têtes des prétendants, comme pour le ministère de la Justice ! Une seule certitude, place Vendôme : Rachida Dati, élue au Parlement européen, s’en va. Pour le reste, les noms de Xavier Darcos, Christine Lagarde, Jean-Louis Borloo, Éric Woerth, Philippe Séguin, Patrick Devedjian ont circulé… Six noms pour un seul poste, sans compter ceux qui n’ont jamais pris dans le Landerneau médiatique ! « Ils ont tout essayé », s’amuse un visiteur du soir. Parfois, c’est un seul nom qui revient pour plusieurs maroquins. Luc Chatel, secrétaire d’État chargé de l’Industrie et de la Consommation, porte-parole du gouvernement et grand favori du moment, a été pressenti pour prendre les rênes de l’Éducation nationale, du Budget, mais aussi de l’Agriculture…
Et dans cette grande tamobuille, Nicolas Sarkozy a pris soin d’adjoindre une pincée de sel, pour élargir la palette des prétendants. Certains noms moins connus sont venus se surajouter à ceux des favoris : Patrick Ollier, président de la commission des Affaires économiques à l’Assemblée, Axel Poniatowski, qui préside la commission des Affaires étrangères, Fatine Layt, femme d’affaires de 41 ans, Nora Berra, élue au Parlement européen sur les listes UMP, Michel Mercier, sénateur trésorier du MoDem, Christophe Girard, adjoint de Bertrand Delanoë… pour n’en citer que quelques-uns ! De quoi plonger les autres dans l’inquiétude.
De toute façon, en Sarkoland, les ministres, sauf exception, ne pèsent pas grand-chose. Et c’est toujours Sarkozy qui choisit !
À lire ou relire sur Bakchich.info
C’est tout de même dingue de savoir qu’il (le petit président), a le temps de s’amuser à ce genre de jeu qui ne semble amuser que lui (et peut-être certains journaux qui, faute d’informations précises et fiables, se perd en conjecture comme jamais)…
"Et c’est toujours Sarkozy qui choisit !" Avec un tel dédain pour le peuple qui trinque, on verra bien pour combien de temps encore…