Sarkozy drague les électeurs d’extrême-droite et pourtant "nous ne sommes pas en période pré-électorale", selon Luc Chatel, porte-parole du gouvernement. Portrait d’un appliqué.
C’est une histoire que n’a pas fini de traîner le ministre de l’Éducation et porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, 46 ans. Elle a fait la une du New York Times et il est quasiment contraint d’y revenir à chaque interview : en virée un peu démago et sous caméras, en août 2009, dans un Intermarché du Val-de-Marne, il rencontre surtout, en fait de Françaises moyennes, des militantes de l’UMP. Et des salariées de l’établissement mobilisées par leur direction. La honte.
Ce n’est pas tout. Cette fois, l’anecdote, qui court le Net, émanerait d’un ministre : une journaliste non identifiée aurait renoncé à consacrer un ouvrage au personnage parce qu’elle le trouvait « terne ». Excessif : il n’est qu’assoupissant. Et d’une verve un peu déficiente. Alors même que l’actualité n’en finit pas de l’accabler.
Chatel est un chouchou du régime. Fillon a hautement loué « son efficacité » ainsi que ses « réussites exceptionnelles ». Le chef de l’État, qui l’a introduit dans son G7 présidentiel, en a rajouté, et encore récemment, sur sa studieuse application et sa maîtrise du sarkozysme dans le texte, comme l’a montré son entretien au JDD du 19 septembre [1].
Le tout, sans omettre d’indéniables dispositions politiques : aux municipales de 2008, il a été l’un des rares, dans la majorité, à arracher une ville à la gauche, en l’occurrence Chaumont, chef-lieu de la Haute-Marne, cité en déclin qui, sous sa houlette – il s’y est engagé –, devrait tourner à un condensé de Los Angeles et de Florence de la Champagne triste.
Initialement, notre ami était plutôt chiraquien. C’est Raffarin qui a remarqué ce fils d’amiral né aux États-Unis dans les rangs locaux de Démocratie libérale, la fraction, disons, plus à droite, de l’UDF, qui a dissidé en 1997. Ces deux ténors sont en effet gens de marketing, Raff’ jadis chez Jacques Vabre, Chatel plus tard chez L’Oréal, maison qui peine visiblement à se dissocier du régime. Il y a même fini DRH d’une filiale. Preuve en tout cas de la profonde assimilation, par le disciple, des robustes concepts du maître : Luc, qui, au Tourisme, ne redoutait pas de parler de « marque France », a pondu en 2002 un rapport très raffarinement intitulé « De la conso-méfiance à la conso-confiance ». Vaste propos à nuancer : d’abord secrétaire d’État à la Consommation, que cet omnicompétent a un temps cumulé avec l’Industrie, il a échoué, pour cause de pressions patronales (oh !), à faire adopter le principe des class actions (la possibilité, pour les associations de consommateurs, de poursuivre une entreprise en justice). « Mon grand regret », dit-il. Comme s’il en était à l’heure du bilan !
Évidemment, Luc, confronté dès la rentrée à une grève du Snes, principal syndicat des enseignants du secondaire, taquiné pour les retards des manuels de seconde et quelques autres dossiers encore, n’est pas à proprement parler un pur produit de l’école laïque et républicaine.
Il a fait toute sa scolarité chez les jésuites (du XVIe), et ses quatre enfants n’ont pas usé trop de fonds de culotte sur les bancs du public. Aussi, dans ce poste exposé (cinq ministres en huit ans), se garde-t-il d’annoncer trop de chantiers nouveaux. Politiquement grillé, ou tout comme, son prédécesseur Darcos s’en est chargé en réformant le lycée. Histoire de meubler, de faire date ou diversion, Chatel, lui, entend changer les rythmes scolaires, tarte à la crème qu’il est allé étudier jusqu’au Danemark.
Au-delà de quelques mesurettes immédiates (une heure et demie de pause le midi, expérimentations variées dans des écoles pilotes), notre homme, qui veut aussi réprimer davantage « les violences verbales », penche pour le drastique, sinon spartiate, régime : cours le matin, sport l’après-midi. Parce que le sport, « c’est le goût de l’effort, la persévérance, la volonté de progresser et de s’accomplir, le plaisir d’être ensemble ». Dixit Nicolas S., abondamment cité par Luc C., un homme qui s’écarte rarement de la voie de son maître.
[1] Extrait : "La sécurité est le fil conducteur de l’action de Nicolas Sarkozy depuis 2002, avec un renforcement en 2007. Nous obtenons de bons résultats."