Une note des services du Sénat, que nous publions, épingle sévèrement la gestion de la Cour des comptes. Son président, Philippe Séguin, répond point par point.
Les rumeurs d’un éventuel retour au gouvernement de Philippe Séguin bruissent depuis plusieurs semaines. Le Premier ministre, François Fillon, ou encore le conseiller du Président, Henri Guaino, des proches de longue date du président de la Cour des comptes, y sont favorables. « Il n’y a pas tant de candidats que ça », confie amer un proche de Sarkozy.
Un gros poisson donc pour un poste régalien. « Mais des postes régaliens, il n’y en pas trente-six », complète un sarkozyste. La Justice, l’Intérieur, la Défense, mais aussi l’Économie et les Finances. Mi-figue mi-raisin, l’intéressé n’écarte rien. « Je mentirais en disant qu’on n’est pas flatté de lire son nom ici ou là. Pour autant, je ne suis évidemment candidat à rien », confie-t-il dans un entretien à l’Express.
Dans « une note d’humeur » du 4 novembre 2008, que Bakchich s’est procurée (cf. ci-dessus), le directeur du service du budget du Sénat, Patrick Baudry, épingle la gestion de la Cour des comptes depuis 2006, date à laquelle ses dépenses ont été distinguées de celles du Ministère de l’Économie et des Finances. Le Président de la Cour n’est autre que Philippe Séguin, depuis le 21 juillet 2004. Et, selon Patrick Baudry, « le taux de progression du budget de la Cour des comptes entre 2006 et 2009 devrait être de 21%, contre 6,9% pour le Sénat ». Ce coup de sang du directeur du budget du Palais de Luxembourg s’explique par la volonté de la Cour des Comptes de contrôler les dépenses des élus de la Nation, une intrusion intolérable.
Fin 2008, l’audit confidentiel de la Cour des comptes sur l’Assemblée nationale avait agacé plus d’un parlementaire. Les conclusions, qui avaient fuitées dans Le Journal du Dimanche, le 2 novembre, épinglaient l’Assemblée nationale - dont Séguin a été le Président de 1993 à 1997 : budget en hausse constante depuis dix ans, frais de personnels trop lourds, travaux plus coûteux que prévu, mauvaise organisation des services, mauvais placements de la cagnotte… Au centre donc des récriminations, un niveau global de dépenses ayant bondi de 47% en dix ans. Pour la même période, celles de l’État n’ont crû « que » de 37%. Du côté du Palais du Luxembourg, on craignait que la Cour, après l’Assemblée, s’intéresse au Sénat. D’où cette note assassine.
Dans le collimateur du directeur du service du budget du Sénat, les coûts de transformation du bâtiment d’archives en immeuble de bureaux pour un coût de 14,6 millions d’euros, « auquel s’ajoutent les coûts de relogement des personnels, qui s’élèvent à 16,4 millions d’euros, soit 30 millions d’euros sur deux ans… » Des gros chiffres qui font tourner la tête en ces temps de crise.
Quant à la « liste civile », à savoir l’argent de poche du Premier Président de la Cour, elle serait toujours « commentée avec émotion et à voix basse par les magistrats de cette honorable institution ». De peur d’une colère légendaire du sanguin Séguin ?
Autre motif de grief pour Patrick Baudry : les dépenses de rémunération de la Cour, qui représentent 83% de son budget, augmentent à effectifs constants de 7,3%, ce qui pourrait rendre envieux la plupart des fonctionnaires ! « Un tiers environ des magistrats de la Cour n’y travaillent pas et sont détachés », précise le directeur dans sa note. « Tous les magistrats qui travaillent à la Cour exercent des missions diverses, dont bon nombre dans des démembrements de l’État. Ces missions sont le plus souvent étrangères à sa vocation et beaucoup sont rémunérées. »
Une grossière erreur factuelle : le coût du projet immobilier est de 14,6 M€, auxquels s’ajoutent deux ans de location (1,8 x 2 = 3,6 M€). Le coût total est donc de 18,2 M€ et non 30 M€ comme indiqué dans la note ! (il suffisait de lire les documents des discussions budgétaires au Sénat pour ne pas se tromper) Ce coût est tout à fait justifié car il permet d’utiliser des surfaces au centre de Paris pour accueillir des agents et non des liasses et archives, ce qui entraînera des économies significatives pour l’Etat. Le projet a plusieurs fois été approuvé par le Gouvernement et voté par le Parlement.
Une comparaison budgétaire volontairement fallacieuse : le budget de la Cour a augmenté de 21% entre 2006 et 2009, mais si on enlève le projet immobilier cité ci-dessus (10 M€ en 2009) et les augmentations dont la Cour n’a pas la maîtrise (en particulier sur les calculs des cotisations retraite : + 6 M€ en 2009), le budget de la Cour a augmenté de moins de 10% sur 4 ans (soit moins de 2,5% par an en moyenne). Avec cette faible progression, la Cour a dû absorber les effets de l’inflation (hausse de la valeur du point de la Fonction publique) et celui de la création des corps administratifs communs aux juridictions financières rendus nécessaires par l’autonomie de la Cour (coût de 2,5 M€ dû à l’alignement des rémunérations sur le niveau des agents administratifs du ministère des Finances).
Sur ce sujet, deux remarques complémentaires :
la comparaison des évolutions budgétaires entre deux Institutions n’a de sens que si, d’une part on ôte les éléments exceptionnels ou imposés par l’extérieur, et d’autre part si les points de départ sont comparables, ce qui n’est évidemment pas le cas ici (aisance financière du Sénat, « trésor de guerre » du Sénat évidemment sans équivalent à la Cour…) ;
le directeur du budget du Sénat s’est curieusement abstenu de faire la comparaison des rémunérations des agents de la Cour et du Sénat à formation et ancienneté égales (la sienne, en particulier).
Les autres points
La « liste civile » : le Premier président de la Cour n’a pas de « liste civile » mais des frais de représentation dont le niveau, fixé par le Gouvernement, est exactement le même que celui de ses homologues du Conseil d’Etat et de la Cour de Cassation. Les modalités actuelles d’attribution et de calcul de ces frais de représentation ont été fixées en 1990 par M. Michel Charasse, alors ministre délégué au budget et aujourd’hui sénateur. Il s’agit, de facto, d’un élément de rémunération dont l’avantage pour l’Etat est de ne pas être pris en compte pour le calcul de la retraite.
Les dépenses de rémunération de la Cour : elles ont augmenté de 7% en 2009 principalement du fait d’un changement de mode de calcul des pensions décidé par le Gouvernement sans que la Cour ait la moindre prise sur ce montant. Les rémunérations sont très inférieures à celles servies par les Assemblées à leurs personnels.
Les magistrats à l’extérieur : les magistrats à l’extérieur de la Cour ne sont pas rémunérés par la Cour. Ils relèvent des budgets des organismes qui les emploient et exercent le plus souvent des fonctions de service public (préfets ou sous-préfets, sous-directeurs ou directeurs d’administrations centrales…).
Les missions des magistrats de la Cour : les missions exercées par les magistrats en poste à la Cour sur leur temps de travail sont des missions de service public prévues par la loi ou par des textes spécifiques (participation à des commissions administratives, à des commissions des marchés…).
Les missions de certification des comptes de l’ONU : ces missions, qui ne sont pas rémunérées pour les magistrats mais prises sur leur temps de travail, présentent le double avantage de contribuer à leur formation professionnelle et de contribuer à l’influence de la France dans le monde. De plus, elles ne coûtent rien à la France car l’ONU paie la Cour des comptes pour le service rendu.
Le contrôle exercé sur la Cour : le contrôle par les pairs effectué il y a quelques années a été utile en interne ; il n’a jamais eu vocation à être rendu public ; un nouveau contrôle de ce type pourrait être diligenté dans les prochaines années. Mais, plus fondamentalement, la Cour est contrôlée, voire « sur-contrôlée » : audit annuel de nos comptes par des experts- comptables désignés par leur Ordre national ; contrôle budgétaire a priori sur toutes nos dépenses significatives (CBCM : contrôleur budgétaire et comptable ministériel) ; élaboration de notre budget avec la direction du Budget ; contrôle et vote de notre budget chaque année par les deux Assemblées (y compris le Sénat), sur les bases des travaux des deux rapporteurs spéciaux ; enfin, contrôle permanent du Parlement, des médias et de l’opinion publique sur la qualité de nos travaux puisque ceux-ci font toujours l’objet d’une publication ou d’une communication aux intéressés.
La publication des rapports : affirmer que « neuf rapports sur dix sont généralement enterrés » est une contre-vérité surprenante venant d’un haut fonctionnaire du Sénat qui devrait savoir que chaque année les juridictions financières publient un rapport public annuel (contenant une quinzaine d’insertions sur des thèmes différents), plusieurs rapports sur les finances publiques et l’exécution budgétaire, un rapport sur l’exécution de la loi de financement de la sécurité sociale, deux rapports sur la certification de l’Etat et celle du régime général de sécurité sociale, une dizaine de rapports publics thématiques et plusieurs centaines de relevés d’observations définitives sur des comptes locaux. De plus, depuis la mise en œuvre de la Lolf et de son article 58-2, la Cour mène chaque année une dizaine d’enquêtes lourdes à la demande des deux Assemblées, dont la moitié pour le Sénat. Le directeur du budget du Sénat s’en prend ainsi, par ignorance, à l’usage fait par l’assemblée qui l’emploie des rapports qui lui sont adressés.
Et ce n’est pas tout, « les missions organisées par la Cour dans le cadre de sa vocation institutionnelle, comme la certification des comptes de l’ONU, entraînent des dépenses de mission significatives. » Le directeur du service du budget au Sénat, avec une pointe d’ironie, souligne que lesdites missions « offrent à ses magistrats une ouverture sur l’extérieur dont l’intérêt est au moins égal à celui des missions parlementaires… »
En bref, selon Patrick Baudry, la gestion de la Cour des comptes et de ses conseillers maîtres laisse à désirer. « S’agissant du contrôle de la gestion, la Cour a demandé il y a quelques années un audit à l’une de ses homologues européennes. Le rapport d’audit est encore dans les tiroirs du Premier Président », rapporte le directeur du service du budget du Sénat.
Une habitude maison à la Cour, où neuf rapport sur dix sont généralement enterrés sans fleur ni couronne.
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À lire ou relire sur Bakchich :
Bonsoir à tous,
j’aimerai savoir qui après le départ, de Michel BARNIER représentera la sensibilité de Philippe SEGUIN dans le prochain gouvernement ? Lui même ou Bernadette MALGORN au ministere de l’intérieur ?
Je crois me souvenir que Seguin avait été assez sévèrement épinglé par la cour des comptes régionales pour sa gestion de la ville d’Epinal il ya plus d’une dizaine d’année.
Mais Seguin dont la vanité et l’ego bousouflé n’ont d’égales que celle de notre bien aimé Président , Seguin qui a pratiquement tout raté en politique et qui ne doit sa carrière somme toute bien modeste comparé à ses à la bienveillance de celui sur lequel il a toujours vomi, Jacques Chirac ne mérite-t-il pas cette définition doànnée par Juppé (qui l’adore) : une Ferrari à moteur de 2 CV….
Toute la problématique de la Cour des Comptes :
y juge-t-on les Comptes ?
ou ( par manque de moyens) et en définitive
n’y règle-t-on plus que les comptes ?
Quant au sénat la seule solution serait
Art 1 : le sénat sera supprimé
Art 2 : Le sénat sera chargé le l’application de l’article 1.
( en pensant -je suis ému- à Henri Jeanson)