Nicolas Sarkozy a célébré, mardi, les 50 ans de la Vème République. « Bakchich » a retrouvé un réquisitoire d’Édouard Balladur contre la toute puissance présidentielle. Celle de Sarko ?
En ces temps de crise, célébrer le cinquantième anniversaire de la Constitution ne représente certainement pas la priorité des Français… Mais on ne peut pas être le président issu de l’UMP et oublier de rendre hommage au régime mis en place par le Général de Gaulle ! Nicolas Sarkozy s’y est donc collé, ce mardi 7 octobre, en prononçant un discours à l’Institut de France, . Soit avec trois jours de retard sur la date réelle d’entrée en vigueur de la Constitution de 1958.
Est ce que le rôle du chef de l’État n’est pas excessif en France ? Un certain Édouard Balladur s’était déjà penché sur la question, il y a dix-huit ans. C’est dire. Le président n’était-il pas un peu trop puissant ?, s’était-il interrogé dans son livre, Douze lettres aux Français trop tranquilles, publié en 1990. « Dans quel autre pays le Président est-il le maître de l’exécutif comme du législatif et du judiciaire, maître de l’ordre du jour des assemblées ? », indiquait-il, cinq ans avant de se lancer lui-aussi dans la course à la présidentielle… malgré son réquisitoire de la présidentialisation excessive du régime ! Prémonitoire ? Le texte était à l’époque adressé alors à François Mitterrand, mais n’a pas pris une ride, compte tenu de la concentration des pouvoirs à l’Élysée.
Bakchich vous offre les meilleurs extraits de la pensée balladurienne sur le rôle du chef de l’État dans notre pays :
« Dans quel autre pays démocratique voit-on un pouvoir présidentiel aussi exclusif et excessif dès lors qu’il dispose de la majorité à l’Assemblée ? Dans quel autre pays attribue-t-il à ses obligés, à ses clients, à ses courtisans, les postes, les rémunérations et les honneurs, sans avoir de comptes à rendre à personne, dédaigneux des critiques fugaces d’une presse trop souvent respectueuse ?
Dans quel autre pays, le Président est-il le maître de l’exécutif comme du législatif et du judiciaire, maître de l’ordre du jour des assemblées auxquelles, par intimidation, contrainte, ou par l’effet d’une révérence que la majorité doit à son protecteur, il impose les votes de son choix ? Maître aussi de l’avancement des magistrats et de l’action publique, qui met la justice entre ses mains ? Maître du gouvernement, qui ne bronche ni ne se meut qu’à son incitation ou sur son désir ? (…)
Dans quel autre pays voit-on une opinion assez indifférente pour s’accommoder, mi-amusée, mi-résignée, de pratiques aussi peu républicaines ? Il arrive aux vieux peuples d’être trop désabusés. »
Cocasse. Nicolas Sarkozy avait nommé Balladur, au printemps dernier, à la tête de la commission chargée de réfléchir sur la réforme des institutions. Apparemment, sa volonté - ancienne - de brider les pouvoirs du chef de l’État dans notre pays n’a pas été prise en compte dans le toilettage des textes fondateurs adopté cet été ! Car la réformette, votée en congrès, à Versailles en juillet dernier, n’amoindrit pas les pouvoirs du chef de l’État.
Balladur… le retour encore et toujours ! Il est aujourd’hui pressenti pour prendre la tête de la commission sur la réforme des collectivités. En clair : simplifier le millefeuille administratif et dépatouiller le magma actuel entre les différents échelons des collectivités territoriales. Avec un objectif : la fusion des départements et des régions. « La réflexion est ouverte », dit-on à l’Élysée, mais « il faut du temps » pour accoucher de cette réforme.
Balladur, lui, a quelques idées sur la question. Et ce depuis dix-huit ans. Dans ce même ouvrage de 1990, il s’était inquiété du nombre de collectivités locales en France. Avant de lâcher, cinglant : « Ne rêvons pas : la chose est impossible ! ».
Extraits :
« Il y a trop de collectivités locales en France, aux pouvoirs trop limités ou trop enchevêtrés pour qu’elles puissent constituer un utile contrepoids à l’Etat. Il faut en réduire le nombre. (…) Si l’on osait, mieux vaudrait créer de trente à trente-cinq grands départements se substituant aux quatre-ving-dix actuels ainsi qu’aux régions, lesquelles seraient supprimées. (…) Ne rêvons pas : la chose est impossible. L’on ne touchera pas aux départements, et le moment approche où les régions auxquelles, ayant acquis la même légitimité historique, deviendront à leur tour intouchables. (…) cette action de regroupement, heurtant les habitudes, les intérêts et les situations acquises, sera d’une très grande difficulté politique. Le plus probable est qu’il faudra attendre de profonds bouleversements pour saisir l’occasion de la mettre en œuvre. »
Et si Sarkozy ne réformait la constitution que pour réconforter son vieux mentor ?
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Les profonds bouleversements vont-ils arriver avec la crise financière… ?! En tout cas, devant nos yeux ébahis, les "décideurs" injectent des milliards pour tenter de sauver les banques, pour tenter de sauver le capitalisme spéculatif… !
Balladur a t’il vendu ses actions, ou a t’il acheté d’autres, çà ce serait intéressant de savoir… !
"Le plus probable est qu’il faudra attendre de profonds bouleversements pour saisir l’occasion de la mettre en œuvre. "
"De plus, le processus de transformation, même s’il apporte un changement révolutionnaire, risque d’être long, en l’absence de quelque événement catastrophique et catalyseur — tel qu’un nouveau Pearl Harbour." The Project for a New American Century - 2000
Balladur nous prédirait-il un 11 septembre constitutionnel ?